Détachement intragroupe: conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers

2010/0209(COD)

Le Parlement européen a adopté par 360 voix pour, 278 voix contre et 38 abstentions, une résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un détachement intragroupe.

Le Parlement a arrêté sa position en première lecture suivant la procédure législative ordinaire. Les amendements adoptés en plénière sont le résultat d’un accord négocié entre le Parlement européen et le Conseil. Ils modifient la proposition comme suit :

Objet : la directive fixerait :

  • les conditions d'entrée et de séjour de plus de 90 jours sur le territoire des États membres et les droits des ressortissants de pays tiers et des membres de leur famille dans le cadre d'un transfert temporaire intragroupe;
  • les conditions d'entrée et de séjour et les droits des ressortissants décrits ci-avant dans des États membres autres que celui qui, le premier, délivre à ces ressortissants de pays tiers un permis pour personne faisant l'objet d'un transfert temporaire intragroupe sur la base de la directive.

Champ d'application : le champ d’application de la directive a été modifié de sorte à couvrir les ressortissants de pays tiers qui demandent à être admis dans un État membre dans le cadre d'un détachement intragroupe en qualité de cadres, d'experts ou d'employés stagiaires.

Ne seraient pas couverts par la directive les travailleurs détachés, les indépendants, les intérimaires et les étudiants.

Critères d’admission : les ressortissants de pays tiers concernés par un détachement intragroupe ne pourraient être admis que s’ils apportent un certain nombre de preuves dont :

  • la preuve que le travailleur a occupé un emploi dans le même groupe d'entreprises, au moins pendant une période ininterrompue de 3 à 12 mois précédant immédiatement la date du détachement intragroupe, dans le cas des cadres et des experts, et au moins pendant une période ininterrompue de 3 à 6 mois dans le cas des employés stagiaires ;
  • la preuve que le travailleur possède un contrat de travail ;
  • la preuve qu’il pourra retourner dans une entité appartenant au même groupe d'entreprises et établie dans un pays tiers, à l’issue de sa mission.

Des exigences supplémentaires ont été prévues de sorte que les États membres puissent également exiger que les documents soient fournis dans la langue de l’État membre concerné.

En outre, les États membres pourraient exiger que la personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe dispose de ressources suffisantes pendant son séjour pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir aux prestations de leur système d'aide sociale.

Pour les stagiaires, il pourrait en outre être exigé que ces derniers présentent une convention de stage comportant une description du programme de stage démontrant que l'objet du séjour est bien la formation du travailleur à des fins de développement professionnel.

Les ressortissants de pays tiers qui demanderaient à être admis en tant qu'employés stagiaires devraient en outre apporter la preuve qu'ils possèdent un diplôme universitaire.

Á noter que les ressortissants de pays tiers qui seraient considérés comme une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ne seraient pas admis aux fins de la directive.

Rémunérations : des dispositions ont été introduites pour garantir que la rémunération offerte au ressortissant d'un pays tiers pendant la durée totale du détachement ne soit pas moins favorable que celle offerte à des ressortissants de l'État membre hôte concerné qui occupent des emplois comparables.

Reconnaissance des qualifications professionnelles : il est stipulé qu’un État membre devrait reconnaître les qualifications professionnelles acquises par un ressortissant d'un pays tiers dans un autre État membre au même titre que celles d'un citoyen de l'Union. Ce dernier devrait prendre en considération les qualifications acquises dans un pays tiers, sans préjudice des restrictions concernant l'accès à des professions réglementées.

Motifs de rejet: une série de dispositions nouvelles ont été introduites pour renforcer les motifs de rejet d’une demande d’admission au titre d’un détachement intragroupe dont : i) le fait que l'entité hôte a été principalement créée afin de faciliter l'entrée de personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe ; ii) l’employeur n’a pas respecté ses obligations légales en matière de sécurité sociale, de fiscalité, de droit du travail ou de conditions de travail ; iii) l’employeur ou l’entité hôte a fait l’objet d’une liquidation dans le cadre de la législation nationale sur l'insolvabilité ; iv) la présence temporaire de la personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe a pour objet ou pour effet d'interférer avec un conflit du travail/un différend de gestion ou une négociation ; v) lorsque la personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe séjourne à des fins autres que celles pour lesquelles son séjour a été autorisé ou encore que l’employeur occupe du personnel au noir.

Des motifs équivalents ont été prévus pour fixer le cadre du non renouvellement ou du retrait d’un permis de détachement intragroupe.

Volumes d’admission : il est stipulé que la directive ne porterait pas atteinte au droit des États membres de fixer le nombre de ressortissants de pays tiers pouvant être admis sur leur territoire. Sur cette base, une demande de permis pour personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe pourrait être jugée irrecevable ou rejetée.

Sanctions : il est précisé que lorsque l'entité hôte peut être tenue pour responsable du non-respect des conditions d'admission, de séjour ou de mobilité énoncées dans la directive, l'État membre concerné devrait prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Sont en particulier prévues des mesures de contrôle, d'évaluation et, au besoin, d'inspection conformément à la législation ou aux pratiques administratives nationales.

Durée d'un transfert temporaire intragroupe: la durée maximale d'un détachement dans l'Union européenne incluant la mobilité entre États membres ne devrait pas être supérieure à 3 ans pour les cadres et experts et à un an pour les employés stagiaires. Á l'issue de cette période, ils devraient retourner dans un pays tiers, à moins qu'ils n'obtiennent un titre de séjour sur une autre base conformément au droit national ou au droit de l'Union. La durée maximale du détachement inclut la durée de validité cumulée de plusieurs permis pour personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe délivrés consécutivement. Un détachement ultérieur dans l'Union européenne pourrait avoir lieu après le retour du ressortissant d'un pays tiers, dans un pays tiers.

Les États membres devraient pouvoir exiger le respect d'un délai de 6 mois entre la fin d'une période de détachement dont la durée correspond à la durée maximale et une nouvelle demande concernant le même ressortissant de pays tiers dans le même État membre.

Garanties procédurales : les motifs d'une décision déclarant irrecevable ou rejetant une demande de permis ou refusant le renouvellement d'un tel permis devraient être communiqués au demandeur par écrit.

Les autorités compétentes de l'État membre concerné devraient par ailleurs adopter une décision statuant sur la demande de permis pour personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe ou de renouvellement de ce permis, le plus tôt possible et en tout état de cause dans un délai maximal de 90 jours à compter du dépôt de la demande complète.

Il est en outre prévu qu’un demandeur puisse à introduire une demande de renouvellement avant l'expiration du permis (jusqu’à 90 jours avant l'expiration du permis). Lorsque la durée de validité du permis expire durant la procédure de renouvellement, les États membres seraient autorisés à laisser séjourner la personne concernée sur leur territoire jusqu'à ce que les autorités compétentes aient statué sur la demande. Dans ce cas, ils pourraient délivrer, si la législation nationale l'exige, des titres de séjour nationaux temporaires ou des autorisations équivalentes.

Droits à acquitter : les États membres pourraient exiger le paiement de droits aux fins du traitement des demandes de détachement intragroupe. Le niveau de ces droits ne devrait être ni disproportionné ni excessif.

Égalité de traitement : le texte modifié précise que la directive ne devrait pas porter atteinte au droit des États membres de restreindre, sous certaines conditions, l'égalité de traitement en ce qui concerne les prestations familiales si la personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe et les membres de sa famille qui l'accompagnent ne séjournent que temporairement dans le premier État membre. Les droits en matière de sécurité sociale devraient être accordés sans préjudice des dispositions figurant dans le droit national et/ou des accords bilatéraux prévoyant l'application de la législation en matière de sécurité sociale du pays d'origine. Toutefois, les accords bilatéraux ou la législation nationale en matière de droits de sécurité sociale des personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe adoptés après l'entrée en vigueur de la directive ne sauraient accorder un traitement moins favorable que celui dont bénéficient les ressortissants de l'État membre dans lequel les activités sont exercées. Il peut découler de tels accords ou de cette législation nationale, qu'il est par exemple dans l'intérêt des personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe de rester affiliées au système de sécurité sociale de leur pays d'origine si l'interruption de cette affiliation risque d'être préjudiciable à leurs droits ou de leur faire supporter le coût d'une double couverture.

Membres de la famille : il est stipulé que les membres de la famille de la personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe auxquels le regroupement familial a été accordé auraient le droit d'avoir accès à un emploi salarié ou à une activité indépendante sur le territoire de l'État membre de délivrance du titre de séjour des membres de la famille, ceci sans préjudice des dispositions pertinentes en matière de préférence communautaire.

Mobilité intracommunautaire : de nouvelles dispositions ont été introduites pour définir le cadre facilitant la mobilité des travailleurs bénéficiant d’un permis intragroupe en faisant une claire distinction entre les séjours de courte et de longue durée. Le principal objectif serait de faciliter la mobilité à l'intérieur de l'UE des personnes concernées et de réduire la charge administrative liée à l'exercice de missions professionnelles dans plusieurs États membres.

Á cet effet :

  • la mobilité de courte durée devrait couvrir les séjours d'une durée maximale de 90 jours par État membre, dans des États membres autres que celui qui a délivré le permis pour personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe ;
  • la mobilité de longue durée devrait couvrir les séjours d'une durée supérieure à 90 jours par État membre, dans des États membres autres que celui qui a délivré le permis pour la personne concernée.

Afin d'empêcher que la distinction entre mobilité de longue durée et mobilité de courte durée ne soit contournée, il est prévu de limiter la mobilité de courte durée dans un même État membre à 90 jours au maximum sur une période de 180 jours et de rendre impossible le dépôt simultané d'une notification de mobilité de courte durée et d'une demande de mobilité de longue durée.

Maintien des dispositions pertinentes de Schengen : le régime spécifique de mobilité établi par la directive vise à arrêter des règles autonomes concernant l'entrée et le séjour à des fins professionnelles de personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe dans des États membres autre que celui qui a délivré le permis intragroupe, mais toutes les autres règles régissant le franchissement des frontières par les personnes énoncées dans les dispositions pertinentes de l'acquis de Schengen continuent de s'appliquer.

Déclaration interinstitutionnelle : le Parlement européen, le Conseil et la Commission estiment que la directive établit un régime de mobilité autonome prévoyant des règles spécifiques, en ce qui concerne les conditions d'entrée, de séjour et de libre circulation des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un transfert temporaire intragroupe à des fins d’emploi dans des États membres autres que celui qui a délivré le permis pour personne faisant l'objet d'un transfert temporaire intragroupe, qu'il convient de considérer comme une lex specialis par rapport à l'acquis de Schengen.

Le Parlement et le Conseil prennent note de l'intention manifestée par la Commission d'examiner s'il est nécessaire de prendre des mesures pour renforcer la sécurité juridique en ce qui concerne l'interaction entre les deux régimes juridiques, et notamment s’il est nécessaire d'actualiser le manuel Schengen dans ce contexte.