Union européenne et cadre de développement mondial après 2015

2014/2143(INI)

Le Parlement européen a adopté par 541 voix pour, 96 voix contre et 29 abstentions, une résolution sur l'Union et le cadre de développement mondial après 2015.

Le Parlement rappelle qu'au niveau mondial, les femmes et les jeunes filles constituent la majorité des personnes vivant dans l'extrême pauvreté et que l'égalité entre les femmes et les hommes et le respect des droits des femmes sont une condition sine qua non de la réussite du cadre de développement mondial pour l'après-2015. Il rappelle que 800 femmes mourraient chaque jour dans le monde des suites de complications pendant la grossesse ou lors de l'accouchement et que la conférence internationale sur la population et le développement qui s'est tenue au Caire en 1994 a appelé de ses vœux l'accès universel à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.

Le Parlement souligne que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) fixés en 2000 ont mené à de nombreux progrès dans les pays à revenu intermédiaire et en développement, mais que ces progrès restent inégaux, au sein des pays et entre eux, et qu'il est donc indispensable de bien analyser les résultats obtenus et d'en tirer les enseignements lors de la conception du cadre de développement mondial pour l'après-2015.

Les OMD: bilan et nouveaux enjeux : rappelant que, si les OMD avaient permis d'améliorer sensiblement l'existence des personnes concernées, des questions essentielles telles que les violations des droits de l'homme, les conflits armés et le terrorisme, le changement climatique, l'insécurité alimentaire, les flux migratoires, le chômage, les évolutions démographiques, la corruption, la pénurie de ressources, la croissance non durable à long terme et les crises économiques et financières devaient continuer de poser des problèmes complexes et inextricablement liés, au cours des prochaines décennies. Il y a donc nécessité de trouver de nouvelles voies de développement qui puissent conduire à un développement plus inclusif et plus durable pour tous.

Ce nouveau cadre devrait en outre contribuer à apporter une réponse efficace à l’ensemble de ces défis et aborder d'autres questions importantes telles que le respect de la dignité de chaque être humain, la justice, la bonne gouvernance, l'éducation, la recherche et l'innovation, les droits des femmes, des enfants, des jeunes et des minorités.

Dans l'ensemble, l'évaluation des progrès accomplis dans la réalisation des OMD actuels ont montré que, dans le nouveau cadre, un lien étroit entre l'éradication de la pauvreté, la lutte contre les inégalités et la promotion du développement durable, ainsi que la mise en place d'un ensemble unique et universel d’objectifs incluant diverses approches, s’avère crucial

Le Parlement souligne par ailleurs que la responsabilité mutuelle et la transparence à tous les niveaux devraient être un axe fondamental du nouveau cadre de développement.

Une position forte et cohérente de l'UE: le Parlement appelle l'UE à jouer un rôle actif dans la mise en place d'un nouveau partenariat mondial qui devrait mobiliser l'action de tous les pays, y compris les économies émergentes, ainsi que celle de toutes les parties prenantes concernées, dont le secteur privé, les organisations de la société civile, les collectivités locales et les parlements nationaux.

L'UE est en outre appelée à adopter une position forte, cohérente et unifiée dans les prochaines négociations intergouvernementales, en tenant compte des priorités mises en évidence dans la présente résolution.

Il souligne que le nouveau cadre de développement mondial devrait prévoir l'architecture institutionnelle adéquate, avec des orientations précises pour évaluer sa mise en œuvre, et que cette architecture devrait également tenir compte de la complexité du futur cadre de développement et de l'articulation entre ses différentes parties.

Le Parlement estime que la cohérence des politiques au service du développement durable est essentielle pour mettre en œuvre le cadre de développement pour l'après-2015. Il invite dès lors l'UE à veiller à ce que les orientations, les évaluations d'impact et les mécanismes de suivi et d'information assurent concrètement la cohérence des politiques en faveur du développement.

Domaines prioritaires

-Éradication de la pauvreté et développement durable : le Parlement insiste pour que l'éradication de la pauvreté continue d’être la priorité du cadre de développement mondial pour l’après-2015. Une approche fondée sur les droits humains, l'éradication de la pauvreté ainsi que la bonne gouvernance et le développement durable devraient être des thèmes sous-jacents du nouveau cadre de développement portant également sur les aspects multidimensionnels de la pauvreté et des inégalités, allant au-delà du simple déficit de revenus. Il insiste sur la nécessité d'un objectif d'élimination de la pauvreté extrême avec un seuil de 2 dollars par jour si l'on veut que le cadre change réellement la donne.

Il recommande de soutenir les processus de consolidation de l'État par une aide budgétaire générale et/ou sectorielle accrue et subordonnée aux critères de bonne gouvernance. Dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement souligne en outre que, dans une économie largement mondialisée, la libéralisation a réduit le pouvoir de négociation des travailleurs, ce qui, en contrepartie, met en péril le respect des droits qui figurent dans la déclaration universelle des droits de l'homme et dans le programme pour un travail décent. Il prie donc l'Union de formuler sa stratégie en matière commerciale d'une façon qui préserve et protège le niveau élevé des normes sociales et environnementales tout en décourageant toute forme de dumping social et environnemental.

Il souligne également la nécessité de favoriser le développement durable en assurant l'équilibre de l'aménagement des territoires, en encourageant le développement des petites villes et en empêchant une croissance excessive des grandes villes.

- Une approche fondée sur les droits de l'homme : le programme pour l'après-2015 devrait assurer une approche fondée sur les droits de l'homme, ainsi que la promotion de sociétés pacifiques. La justice, la bonne gouvernance, la démocratie et la primauté du droit devraient également faire partie du nouveau cadre.

Le Parlement insiste sur l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits de l'homme, sans discrimination fondée sur quelque motif que ce soit, en commençant par le droit fondamental à la dignité de tous les êtres humains, avec une attention particulière pour les droits des femmes et des filles. Il insiste notamment sur la promotion d'un accès universel à la santé et aux droits sexuels et reproductifs et sur la protection et le respect des droits des migrants et des minorités, ainsi que des personnes LGBTI et des personnes atteintes du VIH. Il souligne qu'il importe de respecter et de promouvoir les droits des personnes handicapées dans le nouveau cadre.

Le Parlement insiste sur la nécessité de redoubler d'efforts pour faire en sorte, lors des négociations intergouvernementales à venir, que l'approche fondée sur les droits de l'homme et le droit au développement deviennent les concepts fondateurs du cadre de développement pour l'après-2015.

- Prévention des conflits, relèvement après conflit, consolidation de la paix et promotion d'une paix durable : le cadre post-2015 devrait refléter les aspects de consolidation de la paix et les objectifs de construction d'un État de droit tels que convenus à Busan. Une attention particulière devrait ainsi être accordée aux États fragiles dans ce contexte. La promotion de sociétés pacifiques est l'une des priorités de l'UE et ceci devrait également transparaître dans le nouveau cadre. Il serait toutefois également nécessaire de s’attaquer aux causes sous-jacentes des conflits et des fragilités. Les institutions de l'UE sont donc appelées à mettre en place des procédures plus efficaces et sensibles dans les situations post-conflit et à adopter une stratégie permettant à l'aide au développement de contribuer à rencontrer les objectifs de sécurité, et ce, de manière aussi efficace que possible.

- Atténuation du changement climatique et réduction des risques de catastrophe : le Parlement estime que l'atténuation du changement climatique et l’adaptation doivent être effectivement intégrées au sein du cadre de développement pour l'après-2015. Une attention particulière devrait être accordée aux énergies durables car cet aspect est crucial pour atténuer le changement climatique. Le Parlement souligne par ailleurs l'importance d'inclure dans le nouveau cadre des aspects tels que l'aide humanitaire, le renforcement des capacités, la prévention des catastrophes et des mesures participatives permettant de réduire efficacement les risques de catastrophes et de renforcer la résilience.

- Sécurité alimentaire, nutrition, agriculture durable, dégradation des terres, accès à l’eau potable et assainissement: le Parlement salue le fait que la sécurité alimentaire et la nutrition soient devenues des domaines prioritaires pour le nouveau cadre de développement global. Il souligne l'importance d'aborder les liens existant entre l'amélioration de la productivité de l'agriculture et de la pêche et la réduction des gaspillages alimentaires, la gestion transparente des ressources naturelles et l'adaptation au changement climatique. Il appelle à aller au-delà de la sécurité alimentaire et de considérer la nourriture comme un droit humain fondamental, afin d'être en mesure de fixer un objectif clair de «0 faim» dans le monde et de mettre fin au scandale de la faim d'ici 2025. Il souligne également l'importance de la bonne gouvernance mondiale en vue de prévenir le phénomène de l'accaparement des terres par des consortiums d'entreprises et de promouvoir l'accès universel à l'eau potable.

- Santé et éducation : le Parlement appelle l'UE à se concentrer sur la promotion de la protection d’une santé équitable, universelle et durable dans le nouveau cadre. La prévention de l'exclusion et de la discrimination des groupes les plus vulnérables en matière de systèmes de soins de santé a également été soulignée. Il souligne notamment l'importance capitale que revêt la poursuite des efforts destinés à améliorer l'accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène en tant que priorités transversales influant sur la réalisation d'autres objectifs du programme pour l'après-2015, y compris en matière de santé, d'éducation et d'égalité entre les hommes et les femmes.

Il met en outre en évidence la nécessité de permettre l'accès à tous les niveaux d'éducation de qualité, afin de favoriser une citoyenneté participative et de promouvoir des sociétés fondées sur l’innovation et le savoir.

- Rôle central des femmes dans le nouveau cadre de développement : le Parlement salue le fait que l'autonomisation des femmes a été reconnue comme une priorité dans l'agenda de développement pour l’après-2015. Il considère en outre qu’il faut donner la priorité à l'élimination de toutes les formes de violence contre les femmes et les filles. Il est également crucial que l'UE fixe l'élimination de toutes les pratiques néfastes vis-à-vis des femmes et des enfants telles que le phénomène des mariages précoces ou forcés ou les mutilations génitales.

- Mobilisation des ressources financières : le Parlement prie les États membres de respecter leur engagement de consacrer au moins 0,7% de leur RNB à l'aide publique au développement, dont au moins 0,2% aux pays les moins développés et aux autres pays très vulnérables. Il invite l'UE à adopter une démarche internationale cohérente et globale du financement au-delà de 2015. Le Parlement réaffirme la nécessité de poursuivre la coopération étroite instaurée avec les autres donateurs pour mettre au point de nouveaux mécanismes financiers innovants, comme la taxe sur les transactions financières.

Il invite une nouvelle fois à faire de la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent, la fraude et l'évasion fiscales, les paradis fiscaux, les flux de capitaux illégaux et les structures fiscales nuisibles une priorité absolue dans le cadre du financement du développement. Il rappelle au passage que les pays en développement auraient perdu près de 6.000 milliards de dollars à cause des flux de capitaux illicites au cours de la dernière décennie, montant qui dépasse de loin les flux d'aide publique au développement pour la même période.