Résolution sur la Mauritanie, et en particulier le cas de Biram Dah Abeid
Le Parlement européen a adopté une résolution sur la Mauritanie, et en particulier le cas de Biram Dah Abeid.
Le texte adopté en plénière avait été déposé en tant que résolution commune par les groupes PPE, S&D, ECR, ALDE, Verts/ALE et EFDD.
Le Parlement condamne fermement l'arrestation et le maintien en détention de Biram Dah Abeid, militant engagé dans la lutte contre l'esclavage, arrêté le 11 novembre 2014 à l'issue d'une marche pacifique organisée pour protester contre l'esclavage. Il demande sa mise en liberté immédiate, sachant quil court le risque d'être condamné à la peine de mort.
Le Parlement précise que d'autres militants antiesclavagistes ont, eux aussi, été arrêtés et détenus, ce qui porte à 17 le nombre de militants appartenant à l'organisation IRA-Mauritanie qui sont actuellement en prison. Il se dit préoccupé par les informations faisant état d'un recours à la violence contre certains militants, et exhorte les autorités mauritaniennes à poursuivre en justice les membres des forces de l'ordre qui ont trempé dans les sévices faits aux prisonniers et se sont rendus coupables de torture. Pour les députés, les militants antiesclavagistes doivent pouvoir poursuivre leurs activités non violentes sans qu'ils aient à craindre de subir harcèlement et pratiques d'intimidation.
Le Parlement rappelle que bien qu'aboli officiellement en 1981 et incriminé en 2007, lesclavage demeure une pratique bien réelle en Mauritanie. D'après le rapport sur l'esclavage dans le monde en 2014, intitulé "Global Slavery Index 2014", la Mauritanie est le pays où la part de la population réduite à l'esclavage est la plus élevée (4% de la population totale). En outre, l'esclavage en Mauritanie est explicitement fondé sur l'origine ethnique, les esclaves provenant presque exclusivement de la communauté Haratin, communauté noire qui représente entre 40 et 60% de la population totale du pays, ainsi que d'autres communautés.
Tout en saluant la décision prise par le gouvernement mauritanien d'incriminer l'esclavage en mars 2014, le Parlement constate avec regret qu'il n'y a eu jusqu'à présent qu'une seule affaire dans laquelle des poursuites pour esclavage ont été engagées. Le Parlement encourage vivement les autorités mauritaniennes à modifier le comportement de la société envers la question ethnique et l'esclavage, en particulier en ce qui concerne la communauté Haratin. Il insiste sur la nécessité de rendre illicite toute discrimination fondée sur l'appartenance ethnique et demande au gouvernement mauritanien de mettre un terme à toute forme d'esclavage, de promulguer des lois antiesclavagistes et d'adopter des textes législatifs destinés à modifier ou à abroger toute disposition discriminatoire du corpus législatif.
Le Parlement appelle la vice-présidente/haute représentante, le SEAE et les États membres à accroître les efforts consentis pour éliminer l'esclavage en Mauritanie, notamment en veillant à définir une politique claire et praticable en matière d'affaires étrangères et de droits de l'homme, dans le respect du cadre stratégique de l'Union en matière de droits de l'homme et de démocratie, et en mettant en avant le volet "droits de l'homme" de la stratégie dans la région du Sahel, ainsi que dans le contexte du dialogue avec le gouvernement mauritanien, y compris dans le cadre d'accords bilatéraux formels.
Enfin, le Parlement incite les autorités mauritaniennes à instaurer une éducation formelle universelle, de sorte que les esclaves et les affranchis, ainsi que leurs enfants, puissent acquérir une instruction élémentaire et se doter des outils nécessaires à l'obtention d'un emploi de qualité. Tous les citoyens mauritaniens devraient avoir le droit de posséder des terres, en particulier lorsqu'ils ont vécu sur celles-ci et les ont cultivées des générations durant. Il s'agit là d'un droit que Biram Dah Abeid et l'organisation IRA-Mauritanie proposent comme clef de voûte de l'abolition de l'esclavage.