AVIS n° 1/2015 DE LA COUR DES COMPTES sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) n ° 966/2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union.
A la suite des demandes d'avis adressées par le Parlement (le 23 juillet 2014) et par le Conseil (le 18 juillet 2014), la Cour des Comptes a formulé les remarques suivantes au sujet de la proposition.
1) Objet de la proposition de règlement :
La Cour des comptes approuve la démarche d'alignement des règles financières applicables au budget général de l'Union sur les règles de marchés publics contenues dans la directive 2014/24/UE et dans la directive 2014/23/UE sur l'attribution de contrats de concession.
Vu que les dispositions du règlement financier et leurs règles d'application sont intimement liées, la Cour des comptes considère toutefois que les modifications que la Commission envisage d'apporter à ces dernières devraient être portées à sa connaissance avant que le législateur n'adopte les dispositions modificatives du règlement financier.
De plus, la proposition devrait avoir également comme base légale l'article 325 du TFUE étant donné quelle comporte un nombre considérable de règles visant à renforcer la protection des intérêts financiers de l'Union.
2) Atteinte aux règles gouvernant le processus décisionnel et à l'objectif de clarification :
La Cour des comptes considère que le découpage de la matière des marchés publics opéré entre, d'une part, le règlement financier et, d'autre part, les règles d'application n'est pas conforme aux règles et aux procédures décisionnelles définies dans les traités.
Par conséquent, la Cour des comptes est d'avis que le législateur ne peut pas attribuer à la Commission, au titre de l'article 290 (actes délégués), le pouvoir de déterminer les éléments essentiels en matière de passation des marchés publics, comme elle le fait aux termes de la proposition de règlement.
En outre, vu qu'aux termes de la proposition, la plupart des notions et concepts clés des marchés publics seront probablement insérés dans le règlement contenant les règles d'application, la Cour des comptes se trouve dans l'impossibilité de vérifier si l'objectif de clarification des règles de marchés publics est pleinement atteint par la présente révision.
La Cour des comptes recommande que la priorité soit donnée au respect du processus décisionnel et à cet objectif de clarification. En vue datteindre cet objectif, elle préconise la codification dans un règlement à part de toutes les règles de marchés publics des institutions, et ce pour une meilleure lisibilité et accessibilité des règles.
3) Alignement incomplet des règles financières sur les objectifs des directives de révision et de modernisation des règles de passation des marchés publics :
La Cour des comptes recommande de rappeler expressément dans les considérants et de renforcer à travers le dispositif du futur règlement, les objectifs : i) daccroître l'efficacité de la dépense publique, en facilitant notamment la participation des PME aux marchés publics, et ii) de permettre aux acheteurs de mieux utiliser l'instrument des marchés publics au service d'objectifs sociétaux communs.
Selon la Cour, l'ambition de mieux utiliser l'instrument des marchés publics au service d'objectifs sociétaux communs devrait être affirmée en termes concrets tout en précisant qu'une telle utilisation des marchés publics ne peut se faire au détriment d'une saine gestion financière du budget de l'Union.
D'autre part, l'obligation de respecter les dispositions du droit environnemental, du droit social et du droit du travail devrait être reprise au rang des principes généraux applicables aux marchés et assortie de sanctions explicites en cas de non- respect par les soumissionnaires ou les contractants.
4) Inadéquation des mécanismes proposés pour la protection des intérêts financiers de l'Union européenne :
La Cour estime que la mise en place, via la création d'instances ad hoc, d'un système centralisé de sanctions des opérateurs économiques dont l'exploitation serait confiée à la Commission est peu compatible avec l'autonomie organisationnelle des autres institutions et organes. Un tel système risquerait de priver ces derniers de la maîtrise qu'ils ont de leurs procédures de marchés et de la gestion de leurs contrats et de créer des conflits de compétences entre les autorités et instances impliquées dans la protection des intérêts financiers et notamment avec l'OLAF.
La Cour des comptes est d'avis que le système conçu par la proposition de règlement doit être révisé à l'aune des principes de légalité et de proportionnalité des peines et de respect des droits de la défense.