Décharge 2013: budget général UE, Commission européenne et agences exécutives

2014/2075(DEC)

La commission du contrôle budgétaire a adopté le rapport d’Ingeborg GRÄßLE (PPE, DE) recommandant au Parlement d'accorder la décharge à la Commission sur l'exécution du budget général de l'Union européenne pour l'exercice 2013 ainsi qu’aux directeurs des agences exécutives "Éducation, audiovisuel et culture", "Compétitivité et l'innovation", "Santé et consommateurs", «Conseil européen de la recherche», «Recherche» et «Innovation et réseaux» sur l'exécution de leur budgets respectifs pour l'exercice 2013.

La commission recommande également au Parlement européen de clôturer les comptes du budget général de l’Union pour 2013.

Renforcer le rôle de contrôle de la Commission: rappelant que pour la 20ème année consécutive, la Cour des comptes n'avait pas été en mesure de délivrer une déclaration d'assurance positive quant à la légalité et à la régularité des paiements sur l’exécution du budget général de l’Union pour l’exercice 2013 les députés jugent qu'il est inacceptable que les paiements restent à nouveau affectés par un niveau aussi significatif d'erreur.

I. Déclaration d'assurance de la Cour des comptes :

  • Fiabilité des comptes – opinion favorable : les députés notent que les comptes annuels de l'Union pour l'exercice 2013 présentaient fidèlement, dans tous leurs aspects significatifs, la situation de l'Union au 31 décembre 2013 ainsi que les résultats de ses opérations et les flux de trésorerie pour l'exercice clos à cette date;
  • Légalité et régularité des paiements – opinion défavorable : ils déplorent toutefois profondément que les paiements restent affectés par un niveau significatif d'erreur avec un taux d'erreur probable de 4,7%, soit largement au-dessus du seuil de signification de 2%. Les députés insistent dès lors sur la nécessité d'améliorer constamment les systèmes de gestion et de contrôle dans les États membres afin d'assurer une meilleure gestion financière des fonds de l'UE et de travailler à une diminution du taux d'erreur dans les domaines d'action concernés au cours de la période de programmation 2014-2020.

Réserves parlementaires sur la politique agricole et de cohésion : dans ce contexte général, les députés ont émis une série de réserves sur un certain nombre de dépenses majeures de l’UE dont le domaine agricole, la politique régionale, et le domaine de l’emploi et des affaires sociales.

Corrections financières et recouvrements : les députés notent que les corrections financières ont chuté en 2013 à 2,5 milliards EUR, compensée par une augmentation de 27% des recouvrements (0,9 milliard EUR). Ils rappellent à la Commission et aux États membres qu'ils ont le devoir de prendre des mesures correctrices pour protéger le budget de l'Union en cas d'inefficacité des systèmes de contrôle ou de dépenses irrégulières. Au passage, les députés soulignent que pour un certain nombre des opérations entachées d'erreurs relevant notamment des domaines en gestion partagée, les autorités disposaient de suffisamment d'informations pour détecter et corriger les erreurs. Ils demandent dès lors à la Cour des comptes d'estimer, dans ses futurs rapports annuels, le niveau d'erreur qui résulterait de l'adoption de toutes les mesures correctrices nécessaires. Ils déplorent en outre que ces mesures aient toujours une incidence financière limitée sur le budget de l'Union, étant donné que plus de 40% des corrections financières mises en œuvre en 2013 ne sont pas considérés comme des recettes affectées mais peuvent être utilisées par les mêmes États membres qui sont à l'origine des problèmes, ce qui nuit à l'effet préventif des corrections financières.

Une pression inacceptable sur le budget de l’UE : les députés se disent préoccupés par le fait que, compte tenu de la position inacceptable du Conseil au cours des négociations sur le budget annuel de l'Union et malgré le niveau élevé des paiements, les comptes font apparaître quelque 322 milliards EUR d’engagements à liquider (ce chiffre devant encore augmenter en 2014), ce qui est totalement contraire au traité. Ils soulignent qu'en période de crise, les ressources financières sont limitées et que la manière dont ces fonds sont absorbés par les États membres devient souvent le principal objectif politique ("utilisé ou perdu") sans se concentrer sur la façon dont ces montants sont dépensés. Ils invitent donc la Commission et les États membres à promouvoir un déplacement culturel de l'aspect "dépenses" vers l'aspect "performance" en mettant l'accent sur les résultats.

Revenant sur l’utilisation de certains instruments financiers de l’UE, les députés déplorent leur complexité et le manque de contrôle démocratique qui leur sont attachés. Ils demandent à la Commission de faire preuve de plus de transparence et de dresser un panorama complet des projets financés à l'aide des instruments d'ingénierie financière notamment.

Gestion partagée : une fois encore, les députés rappellent qu'en vertu de l'article 317 du traité FUE, c'est la Commission qui est responsable de l'exécution du budget de l'Union mais qu’en gestion partagée, la Commission délègue aux États membres certaines tâches, dont la responsabilité politique et financière est alors engagée. Par conséquent, les États membres devraient agir en respectant rigoureusement le principe de bonne gestion financière et ne pas compromettre leur propre responsabilité dans la gestion des fonds de l'Union. Les députés invitent donc la Commission et le Conseil à prendre des mesures concrètes pour permettre les progrès nécessaires dans la bonne gestion financière, ce qui n'exigerait pas dans la pratique un effort beaucoup plus grand. Ils invitent la Commission et les États membres à publier non seulement les déclarations nationales, mais également les résumés annuels et les déclarations de gestion afin de permettre une meilleure compréhension et une réelle amélioration de la gestion financière.

Au passage, les députés épinglent les chiffres fournis par la Cour des comptes concernant les montants et pourcentages des fonds "à risque" du Fonds européen de développement régional et du Fonds social européen et du Fonds de cohésion et qui montrent que la Slovaquie, le Royaume-Uni et l'Espagne présentent les taux d'erreur les plus élevés. De même, pour la gestion du Fonds européen agricole de garantie et du Fonds européen agricole pour le développement rural, la Roumanie, la Bulgarie et le Portugal affichent les taux d'erreur les plus élevés.

II. Exécution budgétaire par politique : mesures à prendre: les députés reviennent ensuite point par point sur l’exécution budgétaire et s’expriment globalement comme suit:

Recettes : les députés constatent que la Cour n'a pas révélé de niveau significatif d'erreur affectant le paiement et le calcul par la Commission des contributions des États membres, pour la plupart établies sur la base des prévisions relatives aux données sur le RNB pour 2013. Ils regrettent cependant que le Conseil n'ait jusqu'ici nullement fait avancer la réforme du système des ressources propres sur la base des propositions législatives existantes, et soutenues par le Parlement. Des mesures sont proposées pour faire des ajustements dans ce domaine.

Agriculture : les députés regrettent que les paiements effectués au titre du Fonds européen agricole de garantie soient entachés par un taux d’erreur se situant à 3,6% (contre 3,8% en 2012). Ils jugent notamment préoccupant que le taux d'erreur concernant les mesures de marché dans le domaine agricole s'élève à 7,44%, avec des cas avérés d’insuffisance pour la mesure intitulée "Restructuration de vignobles" en Espagne. Les députés réclament dès lors des mesures de recouvrements et de corrections financières adaptées.

Développement rural, environnement, pêche et santé : les députés soulignent que les paiements effectués dans ces domaines n’étaient sont pas exempts d'erreur significative en 2013, avec une réduction du taux d'erreur le plus probable à 6,7% contre 7,9% en 2012. Ils observent que les erreurs relevées par la Cour s'expliquent essentiellement par le non-respect des conditions d'admissibilité, par la mauvaise application des règles en matière de marchés publics et par des manquements aux engagements agroenvironnementaux.

En conséquence, les députés réclament:

  • un calcul des taux d'erreur distincts pour les mesures de marché et les paiements directs dans le premier pilier de la PAC;
  • des mesures correctrices pour remédier aux insuffisances affectant le système de contrôle de l'aide octroyée par l'Union aux groupements de producteurs de fruits et légumes en Pologne, en Autriche, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni;
  • une étude afin de savoir si les mesures de marché agricoles présentent une réelle valeur ajoutée pour l'Union compte tenu du risque de pertes pour son budget : les députés demandent à la Commission d'envisager de les supprimer si le risque s’avère trop élevé et les fraudes sont trop importantes (ex. : restitutions à l'exportation de volailles en France);
  • l’élaboration de propositions tendant à sanctionner les déclarations fausses ou erronées des organismes payeurs autour des 3 axes: i) statistiques de contrôle, ii) déclarations des organismes payeurs, iii) travaux réalisés par les organismes de certification.

Politique régionale, énergie et transports : les députés soulignent que l'enveloppe totale des paiements de 2013 pour ce groupe de politiques s'élevait à 45,311 milliards EUR, et que 96% de cette enveloppe relevaient de la politique régionale (FEDER et Fonds de cohésion), tandis que 1,059 milliard EUR étaient affectés à la mobilité et au transport et 758 millions EUR à l'énergie. Ils signalent que, pour les dépenses relevant du FEDER et du Fonds de cohésion, les principaux risques de non-conformité ressortissaient aux catégories suivantes: erreurs dans la passation de marchés publics (39%), projets/activités ou bénéficiaires inéligibles (22%), déclaration de coûts inéligibles (21%) et non-conformité avec les règles en matière d'aides d'État. Ils réclament dès lors de nouvelles orientations pour aider les États membres dans la mise en œuvre des procédures. Ils prient notamment la Commission et les États membres de veiller à simplifier les procédures, y compris celles qui s'adressent aux bénéficiaires, puisque cela peut contribuer à améliorer les procédures d'audit et à réduire les taux d'erreur, tout en augmentant l'efficacité des systèmes de gestion et de contrôle. Ils demandent en outre des mesures spécifiques pour la Grèce, l’Italie et la République tchèque, pays touchés par de nombreux problèmes d’inéligibilité des dépenses.

De manière plus transversale, les députés réclament un changement de mentalité dans les États membres afin que ces derniers appliquent une culture de la performance en vue de renforcer l'efficience, l'efficacité et l'impact de la politique de cohésion ainsi que des mesures de renforcement des contrôles de 1er niveau par les États membres.

Emploi et affaires sociales : les députés rappellent toute l’importance du FSE pour faire baisser le chômage des jeunes (avec une enveloppe de 12,4 milliards EUR du FSE et l'initiative pour l'emploi). Ils notent que le rapport de la Cour des comptes a démontré une légère diminution du taux d'erreur pour cette politique (3,1% en 2013) avec un taux d’erreur marqué pour les dépenses inéligibles (surdéclaration de frais généraux et de frais de personnel et calcul incorrect des coûts et non-respect des règles en matière de marchés publics). Ils encouragent la DG EMPL à poursuivre son objectif à l'égard du FSE, qui est de passer de la nécessité de corriger les erreurs à une situation permettant d'éviter les erreurs. Des mesures actives sont également réclamées pour la mise en œuvre de projets pour les Roms dans les États membres.

Relations extérieures, aide et élargissement : les députés s'inquiètent vivement du fait que, dans le budget 2013, il manquait 293 millions EUR aux crédits de paiement gérés par la DG DEVCO et que l'approbation tardive des renforcements budgétaires nécessaires a entraîné un report à l'année suivante, ce qui a encore accentué la pression sur les crédits de paiement déjà limités prévus pour 2014. Ils estiment que cette situation non seulement entraîne un risque élevé sur le plan politique et en termes d'image pour la crédibilité de l'Union, en tant que premier donateur mondial, mais qu'elle est également susceptible de compromettre la stabilité des pays partenaires en provoquant des déficits de financement dans leurs budgets. Ils soulignent que 2013 a été la 2ème année consécutive durant laquelle l'aide humanitaire accordée au titre du budget de l'Union a dépassé 1,3 milliard EUR en termes d'engagements compte tenu du très grand nombre de crises humanitaires qui se sont succédé. Ils déplorent l'incidence qu'a eue le manque de crédits de paiement au cours de cette année de crise sur les activités de la DG ECHO, qui n'ont pu être maintenues qu'au prix d'un réaménagement des échéanciers de paiement, ce qui s'est traduit par un report de 160 millions EUR d'arriérés de paiement en fin d'exercice. Les députés demandent dès lors au Conseil de garantir et de respecter le plan de paiement convenu avec le Parlement européen.

Ils notent par ailleurs que le taux d'erreur le plus probable pour cette politique était de 2,6% et que le taux d'erreur résiduel d’EuropeAid était de 3,35%. Ils notent que la nature des instruments et des conditions de paiement de l'appui budgétaire et des contributions de l'Union en faveur de projets relevant de plusieurs donateurs limite la mesure dans laquelle les opérations sont exposées au risque d'erreur. Ils demandent à la Commission de présenter un rapport sur la valeur ajoutée de l'aide budgétaire et, en particulier, sur la façon dont elle a contribué à la réalisation, par les pays en développement, des objectifs du Millénaire pour le développement.

Parallèlement, les députés prennent acte du fait que l'OLAF a rédigé un rapport sur l'aide humanitaire accordée au camp de réfugiés sahraouis de Tindouf en Algérie et appellent la Commission à fournir des éclaircissements sur les mesures prises en réponse aux conclusions de ce rapport. Ils pressent la Commission de veiller à ce que les algériens ou sahraouis incriminés par le rapport de l'OLAF n'aient plus accès à l'aide financée par les contribuables européens.

Recherche et autres politiques internes : les députés font observer que les dépenses de ce groupe de politiques ont couvert un large éventail d'objectifs, notamment la recherche et l'innovation, l'éducation, la sécurité, les migrations et les mesures visant à contrer les effets de la crise financière. Ils notent que le principal risque affectant la régularité de ces politiques reste que les bénéficiaires déclarent des coûts inéligibles ou non justifiés qui ne sont ni détectés ni corrigés par les systèmes de contrôle de la Commission ou de l'État membre. Ils demandent à la Commission de lui remettre un rapport sur l'orientation stratégique de plus en plus grande de la direction générale de la recherche et de l'innovation, due à l'externalisation de la gestion de deux tiers des coûts opérationnels du 7e PC à des organismes extérieurs à la Commission. Ils réclament également un aperçu des progrès stratégiques réalisés entre le 7e PC et HORIZON 2020 pour les chercheurs et les PME.

Administration : les députés notent que les différences de rémunération entre les fonctionnaires qui travaillent pour les institutions de l'Union et ceux qui travaillent pour les administrations nationales restent très élevées, ce qui entraîne, un manque de mobilité entre le personnel travaillant aux niveau européen et national. Ils invitent la Commission à procéder à une étude approfondie des motivations de ces différences et à élaborer une stratégie à long terme en vue de les réduire. Ils estiment en outre qu'en période de crise et de coupes budgétaires en général, il convient de réduire les coûts des journées hors les murs du personnel des institutions européennes et d'organiser ces manifestations, dans la mesure du possible, dans les propres sièges des institutions, étant donné que la valeur ajoutée y afférente ne justifie pas des dépenses aussi élevées.

Le budget de l'Union - obtenir des résultats : enfin, les députés observent que, dans son rapport 2013, la Cour des comptes conclut que les États membres, dans leur sélection des projets en gestion partagée, se sont attachés d'abord à la nécessité de dépenser les fonds disponibles, plutôt qu'aux performances attendues. Afin de renverser cette tendance, les députés demandent de mettre en place un groupe de travail indépendant de haut niveau sur la performance du budget de l'Union, afin de présenter des recommandations en vue de passer d'une logique de dépenses à une logique de performances, sur la base d'une évaluation de la valeur ajoutée européenne. Ils demandent également à la Commission d'inclure, dans les prochains rapports d'évaluation prévus à l'article 318 du traité FUE, une analyse de l'efficacité et des résultats obtenus en termes de croissance et de création d'emplois par le plan d'investissement de 315 milliards EUR.

De manière générale, les  députés demandent à la Commission de gérer son budget de façon à éviter les chevauchements de politiques thématiques et les doubles emplois entre ses DG possédant des compétences similaires ou presque identiques.