Avenir du secteur laitier européen - Bilan de la mise en œuvre du "paquet lait"
Le Parlement européen a adopté par 510 voix pour, 154 contre et 44 abstentions, une résolution sur l'avenir du secteur laitier européen: bilan de la mise en uvre du «paquet lait». Le «paquet lait» est entré en vigueur le 3 octobre 2012 et s'applique jusqu'au 30 juin 2020. Les quotas laitiers expireront le 31 mars 2015.
Nécessité dun secteur laitier viable, compétitif et durable sur le territoire de l'Union : le Parlement a rappelé le rôle important de l'élevage laitier en termes d'aménagement du territoire, d'emplois en zone rurale et de développement économique, environnemental et social de nombreuses régions agricoles européennes. Il a toutefois souligné que les questions soulevées dans le «paquet lait» demeuraient des obstacles à un marché du lait durable, compétitif et équitable et à des revenus justes pour les exploitants producteurs laitiers.
Les petits agriculteurs sont particulièrement vulnérables à la fragilité de la production, à la volatilité des prix des produits laitiers de base, ainsi qu'aux coûts des intrants et de l'énergie. Les producteurs européens sont confrontés aux coûts élevés des facteurs de production, tels que les aliments pour animaux, et leur compétitivité par rapport aux producteurs de pays tiers diminue.
Impact de l'embargo russe et la crise actuelle dans le secteur laitier : l'embargo russe sur les produits laitiers européens depuis août 2014 a eu un effet négatif sur le marché intérieur de l'Union, montrant la nécessité d'être préparés à appliquer des mesures de marché en situation de crise.
Le Parlement a demandé à la Commission d'intervenir, en introduisant des mesures de marché ciblées supplémentaires, face à la crise qui touche actuellement les marchés laitiers nationaux, du fait de la pression à la baisse imposée sur les prix qui résulte de l'absence d'instruments adéquats de prévention de la crise, d'une baisse de la demande mondiale, de la volatilité des prix au niveau mondial et de l'embargo russe.
Les députés ont regretté que la demande du Parlement, qui prévoyait de mettre en place, en cas de crise grave, une aide aux producteurs réduisant volontairement leur production, ait été rejetée par le Conseil; ils ont demandé de rouvrir le débat sur cet outil de gestion de crise. Ils ont également souligné que l'abolition des quotas risquait d'aboutir à une concentration supplémentaire de la production de lait au profit des plus grandes exploitations laitières, et au détriment des plus petites exploitations, sans que cette situation ne constitue une garantie d'efficacité ou de revenu.
Défis et perspectives pour le secteur laitier : les perspectives à moyen et long terme pour le secteur laitier sur les marchés nationaux et sur le marché mondial restent floues. Dans ce contexte, les députés ont insisté sur l'importance d'encourager la recherche et l'innovation pour permettre à tous les producteurs et entreprises de la filière d'adapter leurs outils et leurs techniques de production pour répondre aux attentes économiques, environnementales et sociales.
La Commission est invitée à :
- prévoir de nouveaux types de financements pour les États membres, y compris en utilisant les aides de la Banque européenne d'investissement (BEI), pour réformer le secteur laitier;
- envisager des mesures destinées à atténuer les risques liés à une plus forte exposition au marché mondial, renforcer sa surveillance du bon fonctionnement du marché unique du lait et des produits laitiers et établir un plan d'action montrant comment elle compte atténuer ces risques.
Régions défavorisées, montagneuses, insulaires et ultrapériphériques : le Parlement a souligné l'importance de créer dans les régions ultrapériphériques (RUP) un mécanisme de transition entre la fin des quotas et la libéralisation des marchés, afin de protéger les producteurs et le secteur dans ces régions. Il a demandé en outre que des filets de sécurité puissent être activés en fonction d'indicateurs spécifiques aux exploitations et entreprises laitières de montagne.
Dans ces régions, l'utilisation de chaînes courtes d'approvisionnement, privilégiant la production locale devrait être encouragée afin de garantir la continuité de la production dans ces régions et d'éviter l'abandon du secteur. Les députés ont proposé d'octroyer des ressources supplémentaires au programme POSEI de façon à aider les producteurs laitiers à s'adapter aux effets produits par la déréglementation des marchés et à leur permettre de maintenir une production laitière viable et compétitive par rapport au reste de l'espace européen.
Volatilité des prix et fin des quotas laitiers : la politique laitière de l'Union après la fin des quotas laitiers devrait se doter des moyens de profiter de toutes les possibilités de développement de l'économie de l'Union afin de rendre la production laitière attrayante pour les agriculteurs. Ainsi à lavenir, toute mesure devrait renforcer sa compétitivité et sa stabilité afin de favoriser la croissance durable et l'innovation dans le secteur agricole, ainsi que la qualité de vie en milieu rural.
La Commission a été invitée à présenter un ou plusieurs outils de régulation permettant de prévenir et gérer efficacement de nouvelles crises dans le secteur laitier, en facilitant notamment l'organisation de la production laitière en termes de gestion de l'offre.
Mise en uvre du «paquet lait» : le Parlement a invité la Commission à analyser les obstacles à la mise en uvre du paquet lait et les mesures qui permettraient d'assurer une utilisation optimale des outils mis à la disposition des États-membres. Déplorant les faibles niveaux de mise en uvre des contrats obligatoires, les députés ont demandé par conséquent de les étendre à tous les États membres. Ils ont recommandé l'adoption par la Commission d'objectifs clairs en ce qui concerne les organisations de producteurs, les contrats et les négociations collectives.
Rôle des organisations de producteurs : le Parlement a défendu la nécessité d'améliorer les dispositions du «paquet lait» en vue de créer des organisations de producteurs disposant d'une plus grande capacité de gestion et de négociation sur le marché.
Regrettant le peu de progrès accomplis au niveau de la création d'organisations de producteurs, notamment dans les nouveaux États membres, les députés ont plaidé pour un renforcement des normes de reconnaissance des organisations de producteurs afin daugmenter l'influence des producteurs dans la négociation des contrats. Ils ont demandé que les organisations de producteurs puissent bénéficier d'une aide financière au titre du deuxième pilier de la PAC et appelé à développer, au niveau de l'Union, d'autres mesures incitatives pour les parties intéressées qui souhaitent créer ou rejoindre des organisations de production et participer à leurs activités.
Autres recommandations : le Parlement a insisté, entre autres, sur les points suivants :
- le renforcement de l'observatoire du marché du lait : les informations fournies par l'OML devraient comprendre des points actualisés sur les tendances du marché et les prix, des données sur les coûts de production et les interactions entre la production de viande bovine et de lait, la consommation, l'état des stocks, les prix et les échanges du lait importé et exporté au niveau européen;
- la Commission devrait s'engager davantage en faveur de la création de nouveaux débouchés dans les pays tiers tout en tenant compte des systèmes d'appellation d'origine protégée (AOP), d'indication géographique protégée (IGP) et de spécialité traditionnelle garantie (STG) au cours des négociations commerciales;
- le secteur des produits laitiers pourrait tirer parti du développement d'initiatives de promotion sur les marchés nationaux de l'Union dans le cadre des nouvelles actions de promotion;
- le régime d'aide à la distribution de lait dans les écoles devrait être renforcé ;
- la Commission devrait simplifier les règles applicables à la régulation de loffre de fromages bénéficiant d'une «AOP» ou d'une «IGP», en particulier au niveau des exigences minimales requises pour l'approbation de ces systèmes;
- la Commission devrait mettre en uvre des filets de sécurité plus efficaces et réalistes, et faire en sorte que le prix d'intervention reflète davantage les coûts réels de production et les prix réels du marché et soit mieux adapté aux variations du marché ; les députés demandent donc lajustement immédiat des prix dintervention;
- la Commission devrait collaborer avec les parties prenantes afin de fixer des indicateurs relatifs aux coûts de production tenant compte des coûts énergétiques, des engrais, des aliments pour animaux, des salaires, des loyers et d'autres coûts d'intrants, ainsi que de revoir les prix de référence en conséquence;
- de nouveaux instruments de stabilisation des revenus devraient également être envisagés, tels qu'une assurance-revenu ou la mise en uvre d'un programme de protection des marges laitières.
Enfin, les députés ont estimé que les pratiques commerciales déloyales limitaient fortement la capacité du secteur à investir et à s'adapter, et qu'il est nécessaire de les combattre tant au niveau de l'Union européenne qu'au niveau des États membres.