Le Parlement européen a adopté par 205 voix pour, 204 contre et 184 abstentions, une résolution déposée par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur le programme européen en matière de sécurité.
Tout en prenant acte du programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020 tel que proposé par la Commission, le Parlement a estimé que le terrorisme, l'extrémisme violent, la criminalité organisée transfrontalière et la cybercriminalité constituaient les menaces les plus graves et nécessitaient des efforts coordonnés aux niveaux national, de l'Union et de la planète.
Sur un plan général, le Parlement a préconisé ce qui suit :
Dans ce contexte, le Parlement a rappelé qu'il condamnait les mesures qui entraînent la collecte à grande échelle, systémique et aveugle des données à caractère personnel de personnes innocentes, faisant oublier la nécessité d'investir dans des mesures répressives éventuellement moins onéreuses, plus efficaces et moins intrusives.
Tout en notant que l'Union européenne ne disposait pas d'une définition commune de la notion de «sécurité nationale», les députés ont estimé que les institutions et les États membres de l'Union devraient assurer la transparence, la responsabilité et le contrôle démocratique dans l'élaboration et la mise en uvre des politiques pour accroître la confiance des citoyens dans les politiques de sécurité. Ils ont insisté sur la nécessité d'améliorer le contrôle démocratique et judiciaire des services de renseignement des États membres.
Gestion des frontières : le Parlement sest félicité de la priorité accordée par la Commission à la gestion des frontières, qui constitue un aspect essentiel de la prévention de la criminalité transfrontière et du terrorisme. Il a souligné la nécessité de renforcer la sécurité aux frontières de l'Union en procédant à des vérifications systématiques par rapport aux bases de données existantes, comme le système dinformation Schengen (SIS); il a salué l'engagement de la Commission de présenter une version révisée de sa proposition sur les frontières intelligentes d'ici au début de l'année 2016.
La Commission a été invité à présenter rapidement une proposition législative modifiant le règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) afin d'harmoniser les critères d'alerte et de rendre obligatoires les signalements de personnes condamnées ou suspectées de terrorisme.
Le Parlement a par ailleurs réaffirmé son engagement à uvrer en faveur de l'achèvement des travaux sur la directive PNR de l'Union d'ici la fin de l'année; il a souligné que la directive devrait respecter les droits fondamentaux et les normes en matière de protection des données, y compris la jurisprudence pertinente de la Cour de justice, tout en fournissant un outil efficace à l'échelle de l'Union.
Terrorisme : à la lumière des récents attentats terroristes perpétrés à Bruxelles, Paris, Copenhague et Saint-Quentin-Fallavier, le Parlement a rappelé la nécessité urgente de mieux évaluer la menace pesant sur la sécurité de l'Union et de se concentrer sur les domaines revêtant un caractère de priorité immédiate pour la lutte contre le terrorisme, à savoir : i) le renforcement de la sécurité aux frontières de l'Union, ii) l'amélioration des capacités de signalement des contenus sur l'internet et la lutte contre le trafic d'armes à feu, ainsi que iii) le développement du partage d'informations et de la coopération opérationnelle entre les services répressifs et de renseignement nationaux. Il a également rappelé l'importance cruciale de surveiller et de stopper les flux financiers dans le cadre de la lutte contre les réseaux terroristes.
Les députés ont cependant condamné toute analyse entraînant une confusion entre Islam, d'une part, et terrorisme, insécurité et migrants, d'autre part.
Le Parlement a également invité la Commission à élaborer, en coopération avec les États membres, une véritable stratégie à l'égard des combattants européens reposant sur une approche à plusieurs niveaux consistant en une réponse globale s'attaquant aux facteurs sous-jacents.
Radicalisation : le Parlement a demandé à la Commission de prendre d'urgence des mesures globales pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent, empêcher la diffusion d'idéologies extrémistes et encourager l'intégration et la cohésion. Il a invité la Commission à renforcer le réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR), lequel réunit tous les acteurs concernés associés à des initiatives visant à lutter contre la radicalisation au niveau local, et à préciser le mandat, les missions et le champ d'application de la nouvelle proposition de centre d'excellence du RSR.
La résolution a souligné que le succès de la politique de sécurité impliquait de s'attaquer aux facteurs sous-jacents de l'extrémisme tels que la radicalisation, l'intolérance et la discrimination, par la promotion de la tolérance politique et religieuse, le développement de la cohésion et de l'intégration sociales ainsi que l'aide à la réintégration.
Criminalité organisée : étant donné que la lutte contre la criminalité organisée exige une action européenne forte, le Parlement a invité la Commission à instaurer une coopération étroite dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains, mais également une coopération avec les pays tiers pour lutter contre le trafic de clandestins, afin d'éviter de nouvelles tragédies en Méditerranée. Outre la traite des êtres humains, une plus grande attention devrait être accordée à l'évolution de la criminalité organisée transfrontière en ce qui concerne le trafic d'armes, ainsi que la production et la vente de drogues illicites.
Mis à part les instruments dont dispose l'Union pour lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme, un programme devrait inclure des mécanismes de protection pour les victimes de ces graves crimes afin qu'elles n'en soient pas une fois encore les victimes.
Cybercriminalité : soulignant que la cybercriminalité nécessitait une nouvelle approche en matière de répression et de coopération judiciaire à l'ère numérique, la résolution a insisté sur l'importance de la recherche et de l'innovation dans l'Union européenne afin de lui permettre de rester en phase avec l'évolution des besoins en matière de sécurité. Le Parlement a réitéré son appel en vue d'une meilleure autonomie en matière de sécurité informatique de l'Union et sur la nécessité d'envisager le développement, au sein même de l'Union, de dispositifs de sécurité et de services pour les infrastructures critiques et les services publics.
La Commission est invitée à lancer une campagne de sensibilisation et de préparation qui soit à la hauteur des graves risques liés à la cybercriminalité afin d'améliorer la résistance aux cyberattaques.
Financement : le Parlement a regretté que le projet de budget de la Commission pour 2016 ne prévoie qu'une augmentation d'environ 1,5 millions EUR du budget d'Europol, qui ne la dote pas des moyens nécessaires pour mettre en place, comme prévu dans le programme, un Centre européen de la lutte contre le terrorisme et une unité de signalement des contenus sur Internet. Les députés ont néanmoins salué la déclaration du premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, au Parlement européen selon laquelle la Commission adaptera les ressources financières disponibles aux priorités du programme.
La Commission et le Conseil ont été invités à établir dans les plus brefs délais une feuille de route afin d'assurer la mise en uvre effective et opérationnelle du programme européen en matière de sécurité, de la soumettre au Parlement et de le mettre en uvre au cours des six prochains mois.