Situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2013-2014)

2014/2254(INI)

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté le rapport d’initiative de Laura FERRARA (EFDD, IT) sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2013-2014).

Pour une stratégie interne sur les droits fondamentaux : les députés rappellent qu'il est fondamental de garantir le respect plein et entier des valeurs européennes communes énoncées à l'article 2 du traité UE. Ils espèrent qu'une stratégie interne sur les droits fondamentaux sera rapidement adoptée en étroite collaboration avec l’ensemble des institutions. Ils déplorent en particulier le manque de volonté politique à recourir à l'article 7 du traité UE à l'égard des États membres responsables de violations des droits fondamentaux à titre de sanction et de mesure de dissuasion. Ils soulignent que tous les instruments actuellement prévus par les traités en la matière doivent être appliqués et mis en œuvre de toute urgence.

Pour renforcer le cadre européen existant, les députés demandent à la Commission de :

  • lancer des procédures d'infraction à l’encontre des États membres qui ne respectent pas l'article 2 du traité UE;
  • veiller au lancement automatique de la procédure visée à l'article 7 du traité UE en cas de défaillance d’un État membre;
  • préciser que toutes les propositions législatives, politiques et actions de l'Union doivent respecter la charte des droits fondamentaux.

La stratégie interne devrait en outre s'accompagner d'un nouveau mécanisme clair et détaillé qui s'appuie solidement sur le droit international et de l'Union et qui fasse siennes toutes les valeurs protégées par l'article 2 du traité UE. Un tel mécanisme devrait permettre de contrôler le respect des droits fondamentaux par tous les États membres et d'engager un dialogue systématique et institutionnalisé en cas de violation des droits fondamentaux par un ou plusieurs États membres.

Pour renforcer encore l’efficacité de cette stratégie, la Commission est appelée à élaborer un tableau de bord fondé sur des indicateurs communs et objectifs qui permette d'évaluer la situation de la démocratie, de l'état de droit et des droits fondamentaux.

Recrudescence des actes discriminatoires : les députés s'inquiètent de l'intensification préoccupante des violations des droits fondamentaux au sein de l'Union, notamment dans les domaines de l'immigration et de l'asile ainsi que des attaques ou pressions faites contre des ONG défendant les droits de ces groupes et communautés. Ils constatent la réticence des États membres à faire respecter ces libertés et droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne les Roms, les femmes, les personnes LGBTI, les demandeurs d'asile, les migrants et les autres populations vulnérables.

Dans sa 2ème partie, le rapport passe en revue les principaux droits fondamentaux et dresse un état des lieux de la situation à l’égard de ces droits dans l’UE.

Liberté et sécurité : les députés se penchent sur les droits liés à la liberté et à la sécurité :

  • liberté d’expression :
  • les députés prient l'Union et les autorités nationales de veiller à ce que les mesures de lutte contre le terrorisme respectent pleinement la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux, notamment les droits de la défense et la présomption d'innocence;
  • les députés demandent une nouvelle fois aux États membres d'établir les responsabilités pour les violations des droits fondamentaux dans le cadre de la déportation et de la détention illégale de détenus par la CIA dans des pays européens. Ils prient les États membres de conduire des enquêtes ouvertes et transparentes pour faire toute la lumière sur cette affaire et de coopérer pleinement à l'enquête du Parlement européen dans ce domaine;
  • en matière de surveillance massive de données, les députés condamnent fermement les activités de surveillance telles qu'elles sont révélées depuis 2013. Ils invitent la Commission et les États membres à tenir pleinement compte des exigences et des recommandations du Parlement telles qu'exprimées dans sa résolution du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de la NSA;
  • en matière de liberté d’expression, les députés réprouvent les pressions exercées par des acteurs tant publics que privés sur les entreprises pour accéder aux données relatives aux internautes et contrôler les contenus sur l'internet;
  • les députés déplorent les faits de discrimination, voire de violence, perpétrés par les forces de police de certains États membres à l'égard de Roms, de personnes LGBTI ou encore de personnes handicapées.
  • Liberté de religion et de conviction : les députés condamnent toute forme de discrimination ou d'intolérance et invitent les États membres, y compris les autorités régionales, à protéger, par tous les moyens, la liberté de religion ou de croyance, à promouvoir la tolérance et le dialogue interculturel. Ils s'alarment de la recrudescence de l'antisémitisme en Europe et de la banalisation des discours niant l'Holocauste. Ils se disent également vivement préoccupés par la montée de l'islamophobie, les attaques envers les lieux de culte musulmans et les nombreux amalgames.
  • Égalité et non-discrimination : les députés considèrent que l'Union et les États membres doivent intensifier leurs efforts en matière de lutte contre les discriminations et de protection de la diversité culturelle, religieuse et linguistique. Il convient de promouvoir les mesures visant à renforcer l'égalité entre hommes et femmes, les droits de l'enfant, les droits des personnes âgées, les droits des personnes handicapées, les droits des personnes LGBTI et les droits des personnes appartenant à des minorités nationales.
  • Défense des minorités : les députés invitent les institutions de l'Union à élaborer un système global de protection à l'échelle de l'Union pour les minorités nationales, ethniques et linguistiques afin d'assurer leur égalité de traitement. Ils demandent aux États membres de garantir l'égalité effective de ces minorités, notamment en ce qui concerne la langue, l'éducation et la culture. Ils condamnent également toute forme de discrimination fondée sur l'usage d'une langue et invitent les États membres qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
  • en ce qui concerne la situation des Roms, les députés déplorent le développement des tendances anti-Roms en Europe et s'inquiètent de la situation des Roms dans l'Union et des nombreux cas de persécution. Ils réclament toute une batterie de mesures pour faciliter leur intégration;
  • en matière de violence à l'égard des femmes, les députés demandent aux États membres de lutter efficacement contre la violence domestique et l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes, y compris les pratiques de mutilations génitales. Des mesures sont également réclamées pour lutter contre la sous-représentation des femmes dans les processus décisionnels. Ils soulignent que le refus d'un avortement dont le but est de sauver une vie constitue également une violation grave des droits fondamentaux;
  • pour ce qui est des droits des enfants, les députés invitent les États membres et l'Union à joindre leurs efforts dans la lutte contre la pédopornographie sur l'internet ainsi qu’à lutter contre les cas d'enlèvements parentaux transfrontaliers;
  • pour les droits des personnes LGBTI, les députés condamnent dans les termes les plus fermes toutes les discriminations et les violences commises au détriment des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI). Ils invitent une nouvelle fois la Commission à proposer un règlement ambitieux pour la reconnaissance mutuelle des documents d'état civil, y compris la reconnaissance légale du genre. Ils déplorent que les personnes transgenres soient toujours considérées comme souffrant de maladie mentale dans les États membres;
  • pour les personnes handicapées, les députés demandent à la Commission, aux États membres et aux autorités régionales de mettre en œuvre la stratégie européenne qui leur est consacrée;
  • pour les personnes âgées, les députés constatent leur accès à des revenus suffisants, à l'emploi, aux soins de santé et aux biens et services nécessaires. Ils appellent à un meilleur respect de leur dignité notamment en fin de vie.

Crimes et discours de haine : les députés demandent à l'Union de faire de la lutte contre les crimes motivés par la haine une priorité lors de l'élaboration des mesures européennes contre la discrimination et dans le domaine de la justice. Ils s'inquiètent de la multiplication des discours de haine sur l'internet et invitent les États membres à mettre en place une procédure simple permettant aux citoyens de signaler la présence de contenus à caractère haineux sur l'internet. Ils invitent également la Commission à contrôler la transposition correcte de la décision-cadre et à lancer des procédures en infraction contre les États membres qui ne la transposent pas. Ils demandent en outre que la décision-cadre soit revue de manière à couvrir entièrement toutes les formes de crimes haineux et de crimes motivés par des préjugés ou fondés sur un motif discriminatoire.

Droits des migrants et des demandeurs de la protection internationale : en ce qui concerne la question centrale des migrants, les députés invitent les États membres à respecter leurs droits et:

  • insistent sur la nécessité d'une approche globale de l'Union qui permette d'accroître la cohérence entre son action intérieure et extérieure;
  • rappellent aux États membres leur obligation internationale de porter secours aux personnes en détresse en mer;
  • demandent aux États membres de modifier ou de réexaminer toute législation prévoyant des sanctions à l'encontre des personnes qui portent secours aux migrants en détresse en mer;
  • soulignent le droit fondamental de demander l'asile;
  • encouragent l'Union et les États membres à ouvrir de nouvelles voies d'entrée légales et sûres dans l'Union européenne et d'y affecter les ressources qui conviennent afin de réduire les risques liés aux tentatives d'entrée irrégulière;
  • invitent les États membres à prendre part aux programmes de réinstallation de l'Union et encouragent l'utilisation de visas humanitaires;
  • prient les États membres d'offrir des conditions d'accueil décentes, dans le respect des droits fondamentaux et de la législation en vigueur en matière d'asile;
  • réclament la mise en place d'un système d'asile efficace et harmonisé à l'échelle de l'Union aux fins d'une répartition équitable des demandeurs d'asile entre les États membres;
  • invitent la Commission, ses agences et les États membres à veiller au respect de ces principes ainsi que des autres obligations découlant du droit international et européen.

D’une manière générale, les députés condamnent le recours généralisé à la détention illégale des migrants en situation irrégulière, y compris des demandeurs d'asile, des mineurs non accompagnés et des apatrides. Ils réclament un contrôle renforcé du fonctionnement des centres d'accueil et de détention de migrants, et réprouvent les "procédures d'expulsion à chaud" et les violents incidents qui ont lieu dans différentes zones "sensibles" du sud de l'Europe.

Conditions dans les prisons et autres lieux de privation de liberté : les députés déplorent le fait que seuls quelques États membres aient mis en œuvre les 3 décisions-cadres couvrant le transfert de détenus, la probation et les peines de substitution et la décision européenne de contrôle judiciaire, qui offrent un potentiel important de réduction de la surpopulation carcérale. Ils invitent la Commission à évaluer l'impact des politiques de détention et des systèmes de justice pénale sur les enfants. Ils insistent sur le fait que, selon les estimations, 800.000 enfants dans l'Union sont séparés d'un parent incarcéré chaque année.

Citoyenneté : enfin, les députés estiment qu’il faut renforcer la transparence institutionnelle, l'obligation démocratique de rendre des comptes et l'ouverture institutionnelle dans l'Union. Ils pressent les institutions compétentes de l'Union ainsi que l'ensemble des États membres de:

  • redoubler d'efforts pour mener à bien une révision rapide du règlement (CE) nº 1049/2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission;
  • présenter une révision du règlement relatif à l'initiative citoyenne européenne (règlement (UE) nº 211/2011) au cours de la législature actuelle pour en améliorer le fonctionnement;
  • présenter une révision de la directive 93/109/CE fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union européenne résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants, afin que les citoyens résidant dans un autre État que leur État d'origine puissent participer aux élections européennes dans leur pays de résidence;
  • prêter dûment attention à la part croissante de la population qui est complètement privée du droit de vote pour les élections nationales.