Le Parlement
européen a adopté par 371 voix pour, 293 voix contre et
43 abstentions, une résolution sur la situation des droits
fondamentaux dans l'Union européenne (2013-2014).
Pour une
stratégie interne sur les droits fondamentaux : le
Parlement rappelle qu'il est fondamental de garantir le respect
plein et entier des valeurs européennes communes
énoncées à l'article 2 du traité UE. Il
espère qu'une stratégie interne sur les droits
fondamentaux sera rapidement adoptée en étroite
collaboration avec lensemble des institutions. Il
déplore en particulier le manque de volonté politique
à recourir à l'article 7 du traité UE à
l'égard des États membres responsables de violations des
droits fondamentaux à titre de sanction et de mesure de
dissuasion. Il souligne que tous les instruments actuellement
prévus par les traités en la matière doivent
être appliqués et mis en uvre de toute urgence.
Pour renforcer le
cadre européen existant, le Parlement demande à la
Commission de :
- lancer des
procédures d'infraction à lencontre des États
membres qui ne respectent pas l'article 2 du traité UE;
- veiller au
lancement automatique de la procédure visée à
l'article 7 du traité UE en cas de défaillance dun
État membre;
- préciser que
toutes les propositions législatives, politiques et actions de
l'Union doivent respecter la charte des droits fondamentaux.
La stratégie
interne devrait en outre s'accompagner d'un nouveau mécanisme
clair et détaillé qui s'appuie solidement sur le droit
international et de l'Union et qui fasse siennes toutes les valeurs
protégées par l'article 2 du traité UE.
Un tel
mécanisme devrait permettre de :
1)
assurer la cohérence avec le cadre stratégique en
matière de droits de l'homme et de démocratie qui est
déjà appliqué dans les relations extérieures de
l'Union;
2)
rendre les institutions européennes et les États membres
responsables de leurs actions et de leurs omissions en ce qui
concerne les droits fondamentaux;
3)
contrôler le respect des droits fondamentaux par tous les
États membres et engager un dialogue systématique et
institutionnalisé en cas de violation des droits fondamentaux
par un ou plusieurs États membres.
Pour renforcer
encore lefficacité de cette stratégie, la
Commission est appelée à élaborer un tableau de
bord fondé sur des indicateurs communs et objectifs qui
permette d'évaluer la situation de la démocratie, de
l'état de droit et des droits fondamentaux.
Recrudescence
des actes discriminatoires : le Parlement s'inquiète
de l'intensification préoccupante des violations des droits
fondamentaux au sein de l'Union, notamment dans les domaines de
l'immigration et de l'asile ainsi que des attaques ou pressions
faites contre des ONG défendant les droits de ces groupes et
communautés. Il constate la réticence des États
membres à faire respecter ces libertés, notamment en ce
qui concerne les Roms, les femmes, les personnes LGBTI, les
demandeurs d'asile, les migrants et les autres populations
vulnérables.
Le Parlement
suggère notamment que les droits et les principes
fondamentaux, tels qu'ils figurent dans les traités, la charte
et la convention européenne des droits de l'homme, soient
intégrés d'emblée dans les stratégies et
mesures de sécurité intérieure.
Dans sa
2ème partie, le Parlement passe en revue les
principaux droits fondamentaux et dresse un état des lieux de
la situation à légard de ces droits dans
lUE.
Liberté et
sécurité : le Parlement se penche sur les droits
liés à la liberté et à la
sécurité :
- le Parlement prie
l'Union et les autorités nationales de veiller à ce que
les mesures de lutte contre le terrorisme respectent pleinement la
démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux,
notamment les droits de la défense et la présomption
d'innocence;
- le Parlement
demande une nouvelle fois aux États membres d'établir les
responsabilités pour les violations des droits fondamentaux
dans le cadre de la déportation et de la détention
illégale de détenus par la CIA dans des pays
européens. Il prie les États membres de conduire des
enquêtes ouvertes et transparentes pour faire toute la
lumière sur cette affaire et de coopérer pleinement
à l'enquête menée par le Parlement européen
dans ce domaine;
- en matière de
surveillance massive de données, le Parlement condamne
fermement les activités de surveillance telles qu'elles sont
révélées depuis 2013. Il invite la Commission et les
États membres à tenir pleinement compte des exigences et
de ses recommandations figurant dans sa résolution
du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de la NSA. Il
rappelle au passage que les États membres doivent faire en
sorte que leurs services de renseignement opèrent dans la
légalité;
- en matière de
liberté dexpression, le Parlement réprouve les
pressions exercées par des acteurs tant publics que
privés sur les entreprises pour accéder aux données
relatives aux internautes et contrôler les contenus sur
l'internet;
- le Parlement
déplore les faits de discrimination, voire de violence,
perpétrés par les forces de police de certains États
membres à l'égard de Roms, de personnes LGBTI ou encore
de personnes handicapées.
- Liberté de
religion et de conviction : le Parlement condamne toute
forme de discrimination ou d'intolérance et invite les
États membres, y compris les autorités régionales,
à protéger, par tous les moyens, la liberté de
religion ou de croyance, à promouvoir la tolérance et
le dialogue interculturel. Il s'alarme de la recrudescence de
l'antisémitisme en Europe et de la banalisation des discours
niant l'Holocauste. Il se dit également vivement
préoccupé par la montée de l'islamophobie, les
attaques envers les lieux de culte musulmans et les nombreux
amalgames. Il demande aux États membres de les condamner
systématiquement et d'appliquer une tolérance zéro
à cet égard.
-
Égalité et non-discrimination : le Parlement
considère que l'Union et les États membres doivent
intensifier leurs efforts en matière de lutte contre les
discriminations et de protection de la diversité culturelle,
religieuse et linguistique. Il convient de promouvoir les mesures
visant à renforcer l'égalité entre hommes et femmes,
les droits de l'enfant, les droits des personnes âgées,
les droits des personnes handicapées, les droits des personnes
LGBTI et les droits des personnes appartenant à des
minorités nationales. A cet égard, le Parlement demande
à la Commission et aux États membres d'adopter des
engagements politiques spécifiques pour lutter contre
toutes les formes de racisme, y compris l'antisémitisme,
l'islamophobie, l'afrophobie et l'antitsiganisme.
- Défense
des minorités : le Parlement invite les institutions
de l'Union à élaborer un système global de
protection à l'échelle de l'Union pour les minorités
nationales, ethniques et linguistiques afin d'assurer leur
égalité de traitement. Il demande aux États membres
de garantir l'égalité effective de ces minorités,
notamment en ce qui concerne la langue, l'éducation et la
culture. Il condamne également toute forme de discrimination
fondée sur l'usage d'une langue et invite les États
membres qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la charte
européenne des langues régionales ou minoritaires.
- en ce qui
concerne la situation des Roms, le Parlement déplore le
développement des tendances anti-Roms en Europe et
s'inquiète de la situation des Roms dans l'Union et des
nombreux cas de persécution. Il réclame toute une
batterie de mesures pour faciliter leur intégration;
- en matière
de violence à l'égard des femmes, le Parlement
demande aux États membres de lutter efficacement contre la
violence domestique et l'exploitation sexuelle sous toutes ses
formes, y compris les pratiques de mutilations génitales. Des
mesures sont également réclamées pour lutter contre
la sous-représentation des femmes dans les processus
décisionnels. Il souligne que le refus d'un avortement dont
le but est de sauver une vie constitue également une violation
grave des droits fondamentaux;
- pour ce qui est
des droits des enfants, le Parlement invite les États
membres et l'Union à joindre leurs efforts dans la lutte
contre la pédopornographie sur l'internet ainsi quà
lutter contre les cas d'enlèvements parentaux
transfrontaliers;
- pour les droits
des personnes LGBTI, le Parlement condamne dans les termes les
plus fermes toutes les discriminations et les violences commises au
détriment des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenres et intersexuées (LGBTI). Il invite une nouvelle
fois la Commission à proposer un règlement ambitieux pour
la reconnaissance mutuelle des documents d'état civil, y
compris la reconnaissance légale du genre. Il déplore que
les personnes transgenres soient toujours considérées
comme souffrant de maladie mentale dans les États
membres;
- pour les
personnes handicapées, le Parlement demande à la
Commission, aux États membres et aux autorités
régionales de mettre en uvre la stratégie
européenne qui leur est consacrée;
- pour les
personnes âgées, le Parlement déplore leur
accès insuffisant à des revenus, à l'emploi, aux
soins de santé et aux biens et services nécessaires. Il
appelle à un meilleur respect de leur dignité notamment
en fin de vie.
Crimes et
discours de haine : le Parlement demande à l'Union de
faire de la lutte contre les crimes motivés par la haine
une priorité lors de l'élaboration des mesures
européennes contre la discrimination et dans le domaine de la
justice. Il s'inquiète de la multiplication des discours de
haine sur l'internet et invite les États membres à mettre
en place une procédure simple permettant aux citoyens de
signaler la présence de contenus à caractère haineux
sur l'internet. Il déplore à la présence de plus
en plus visible dans la sphère publique de groupes racistes et
xénophobes, dont certains ont acquis ou cherchent à
acquérir le statut de parti politique.
Il invite
également la Commission à contrôler la transposition
correcte de la décision-cadre et à lancer des
procédures en infraction contre les États membres qui
ne la transposent pas. Il demande en outre que la
décision-cadre soit revue de manière à couvrir
entièrement toutes les formes de crimes haineux et de crimes
motivés par des préjugés ou fondés sur un motif
discriminatoire.
Personnes sans
abri : le Parlement exprime son inquiétude face aux
personnes sans domicile et appelle les États membres à
adopter des mesures ambitieuses pour venir en aide à ces
personnes et à élaborer des stratégies nationales
visant à lutter contre le sans-abrisme sur leur territoire. La
Commission est également appelée à soutenir les
États membres dans leur lutte contre le sans-abrisme en
facilitant les échanges des meilleures pratiques et la
collecte de données précises. Il rappelle que le droit
à l'aide au logement pour les plus démunis figure
dans la charte des droits fondamentaux.
Droits des
migrants et des demandeurs de la protection
internationale : en ce qui concerne la question centrale
des migrants, le Parlement condamne le fait qu'un grand nombre de
demandeurs d'asile et de migrants cherchant à atteindre
l'Union continuent de mourir en Méditerranée. Il souligne
que l'Union et les États membres devraient prendre des mesures
énergiques et obligatoires pour éviter de nouvelles
tragédies en mer. Il demande à l'Union et aux États
membres de placer la solidarité et le respect des droits
fondamentaux des migrants et des demandeurs d'asile au cur
des politiques de l'Union en matière de migration.
Le Parlement
insiste sur la nécessité d'une approche globale de
l'Union qui permette d'accroître la cohérence entre
son action intérieure et extérieure.
Par ailleurs, le
Parlement:
- rappelle aux
États membres leur obligation internationale de porter secours
aux personnes en détresse en mer;
- demande aux
États membres de modifier ou de réexaminer toute
législation prévoyant des sanctions à l'encontre des
personnes qui portent secours aux migrants en détresse en
mer;
- souligne le
droit fondamental de demander l'asile;
- encourage l'Union
et les États membres à ouvrir de nouvelles voies
d'entrée légales et sûres dans l'Union
européenne et d'y affecter les ressources qui conviennent
afin de réduire les risques liés aux tentatives
d'entrée irrégulière;
- invite les
États membres à prendre part aux programmes de
réinstallation de l'Union et encourage l'utilisation de
visas humanitaires;
- prie les
États membres d'offrir des conditions d'accueil décentes,
dans le respect des droits fondamentaux et de la législation
en vigueur en matière d'asile;
- réclame la
mise en place d'un système d'asile efficace et harmonisé
à l'échelle de l'Union aux fins d'une répartition
équitable des demandeurs d'asile entre les États
membres;
- invite la
Commission, ses agences et les États membres à veiller au
respect de ces principes ainsi que des autres obligations
découlant du droit international et européen.
La
Plénière invite en outre à l'Union et les États
membres à adopter les législations nécessaires afin
de mettre en uvre le principe de solidarité tel
qu'il figure à l'article 80 du traité FUE.
Elle condamne
fermement la protection sécuritaire des frontières de
l'Union allant jusqu'à la construction de murs et de
barbelés et le manque de voies d'entrée légales
dans l'Union qui ont pour conséquence que de nombreux
demandeurs d'asile et de migrants se trouvent dans l'obligation
d'utiliser des voies de plus en plus dangereuses et sont
livrés aux mains des passeurs et des trafiquants.
Dune
manière générale, le Parlement condamne le recours
généralisé à la détention illégale
des migrants en situation irrégulière, y compris des
demandeurs d'asile, des mineurs non accompagnés et des
apatrides. Il réclame un contrôle renforcé du
fonctionnement des centres d'accueil et de détention de
migrants, et réprouve les "procédures d'expulsion à
chaud" et les violents incidents qui ont lieu dans différentes
zones "sensibles" du sud de l'Europe.
Au passage, le
Parlement demande une enquête sur les allégations de
violations commises dans le cadre des opérations
coordonnées par l'agence Frontex.
Conditions dans
les prisons et autres lieux de privation de liberté :
le Parlement déplore le fait que seuls quelques États
membres aient mis en uvre les 3 décisions-cadres
couvrant le transfert de détenus, la probation et les peines
de substitution et la décision européenne de
contrôle judiciaire, qui offrent un potentiel important de
réduction de la surpopulation carcérale. Il invite la
Commission à évaluer l'impact des politiques de
détention et des systèmes de justice pénale sur les
enfants. Il insiste sur le fait que, selon les estimations, 800.000
enfants dans l'Union sont séparés d'un parent
incarcéré chaque année.
Citoyenneté : enfin, le Parlement estime
quil faut renforcer la transparence institutionnelle,
l'obligation démocratique de rendre des comptes et l'ouverture
institutionnelle dans l'Union. Il presse les institutions
compétentes de l'Union ainsi que l'ensemble des États
membres à:
- redoubler
d'efforts pour mener à bien une révision rapide du
règlement (CE) nº 1049/2001 relatif à l'accès
du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et
de la Commission;
- présenter une
révision du règlement relatif à l'initiative
citoyenne européenne (règlement (UE) nº 211/2011) au
cours de la législature actuelle pour en améliorer le
fonctionnement;
- présenter une
révision de la directive 93/109/CE fixant les modalités
de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux
élections au Parlement européen pour les citoyens de
l'Union européenne résidant dans un État membre dont
ils ne sont pas ressortissants, afin que les citoyens résidant
dans un autre État que leur État d'origine puissent
participer aux élections européennes dans leur pays de
résidence;
- prêter
dûment attention à la part croissante de la population
qui est complètement privée du droit de vote pour les
élections nationales.
Á noter quune proposition de
résolution de remplacement, déposée par le groupe
PPE, a été rejetée en Plénière.