Exportations d'armes: mise en œuvre de la position commune 2008/944/PESC

2015/2114(INI)

La commission des affaires étrangères a adopté un rapport d’initiative de Bodil VALERO (Verts/ALE, SE) sur les exportations d'armements: mise en œuvre de la position commune 2008/944/PESC.

Pour rappel, la position commune 2008/944/PESC est un cadre juridiquement contraignant qui définit huit critères concernant l'exportation d'armes conventionnelles que les États membres de l'Union doivent appliquer à leurs décisions en matière d'autorisation.

Situation mondiale en matière de sécurité et exportations d'armements : préoccupés par la propagation des conflits armés, notamment en Ukraine, en Syrie, en Iraq, en Libye et au Yémen, les députés regrettent que les événements survenus ces deux dernières années aient montré que les armes finissent parfois entre les mains de terroristes, de régimes répressifs, de pays où les enfants sont susceptibles d'être enrôlés ou qui mènent une politique intérieure ou extérieure agressive. Ils déplorent qu'environ un demi-million de personnes meurent chaque année des suites de la violence armée et jugent nécessaire d'adopter un régime efficace de contrôle des exportations d'armements.

Les États membres de l'Union sont de grands exportateurs mondiaux d'armements, leurs exportations mondiales représentant 36,711 milliards EUR en 2013, dont 10,735 milliards EUR entre les États membres et 25,976 milliards EUR vers des pays tiers. Les députés réaffirment que l'article 10 de la position commune dispose que la prise en considération, par les États membres, d'intérêts économiques, commerciaux et industriels ne doit pas affecter l'application des huit critères régissant les exportations d'armement. Ils regrettent toutefois que l'article 10 soit souvent négligé, d'autant plus que les entreprises européennes du secteur de la défense compensent de plus en plus la réduction de leur chiffre d'affaires en Europe par des exportations hors de l'Union.

La commission parlementaire rappelle que l'industrie de la défense devrait être un instrument assurant la défense et la sécurité des États membres, de manière à établir un régime de sécurité de l'approvisionnement dans l'Union, tout en contribuant à la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et d'une politique de sécurité et de défense commune (PSDC) renforcées, éléments importants qui contribuent à garantir la stabilité et la sécurité mondiales. Elle reconnaît la légitimité des exportations lorsqu'elles répondent à des demandes et des requêtes introduites auprès de l'Union, conformément au droit de légitime défense.

Le traité sur le commerce des armes (TCA) : le rapport se félicite de l'entrée en vigueur du TCA qui représente une avancée positive, même s’il comporte encore des limites et des ambiguïtés (concepts flous, exceptions aux obligations d'établissement de rapport, absence d'un régime de sanctions). Les États membres qui n'ont pas encore ratifié le TCA sont invités à le faire le plus rapidement possible.

La position commune : les députés rappellent que la position commune devrait mener à une approche coordonnée du commerce des armes qui ne porte pas atteinte au droit des États membres de mener une politique nationale plus restrictive. Ainsi, l'harmonisation au niveau européen ne devrait pas servir de prétexte pour affaiblir des règles nationales plus strictes.

Par ailleurs, ils estiment que le vrai problème réside dans une application approximative et une interprétation incohérente de la position commune par les États membres, et plaident pour que soit recherchée une application homogène et ambitieuse des huit critères. De plus, les députés:

  • estiment opportun de prévoir des modalités pour procéder à des vérifications indépendantes, ainsi que des mécanismes de sanction en cas de violation de la position commune ;
  • encouragent les États membres à appliquer des critères nationaux plus stricts en élargissant la portée de leurs évaluations afin d'inclure une étude de la situation dans le pays de destination ainsi que de la technologie militaire en question ;
  • préconisent de clarifier le deuxième critère qui n'oblige les États membres à refuser l'autorisation d'exportation que s'il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l'exportation est envisagée servent à la répression interne.

Les États membres sont invités :

  • aborder la notion de risque dans les procédures d'octroi d'autorisations de transfert d'armements en appliquant le principe de précaution, comme c'est la norme pour d'autres domaines tels que le terrorisme, le blanchiment d'argent et la protection de l'environnement;
  • soutenir la création d'une autorité européenne indépendante de contrôle des armes (AECA) sous le patronage de la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ;
  • intégrer dans la position commune un mécanisme gelant automatiquement les autorisations d'exportation d'armements en vigueur vers les pays contre lesquels un embargo sur les armements européens a été décrété après l'octroi de la licence de contrôle des exportations ;
  • inclure les services de transport d'armes et de financement d'armes dans leur législation sur le courtage en armements ;
  • mettre en place un système de contrôle efficace pour lutter contre les détournements possibles des exportations.

Les députés réclament en outre une coordination renforcée des travaux du Conseil et du SEAE afin de veiller à ce que les aspects liés à la prévention des conflits, au développement et aux droits de l'homme soient pris en considération.

Transparence : les députés estiment que les rapports annuels sur les exportations d'armements sont des outils essentiels pour faire progresser la transparence du commerce des armes; ils regrettent que seuls 21 États membres aient soumis des observations détaillées aux fins du seizième rapport annuel. Ils demandent :

  • l'adoption d'une procédure normalisée de rapports et de transfert des données sur les exportations réelles et les autorisations, comportant un délai, qui soit appliquée et respectée de la même manière dans tous les États membres ;
  • des consultations renforcées entre les États membres en ce qui concerne les transferts vers des régions ou des pays fragiles et instables, en particulier ceux qui se montrent belliqueux vis-à-vis de leur voisinage ;
  • un renforcement du contrôle parlementaire tant au niveau national qu'au niveau européen grâce à des rapports annuels aux parlements.

Nouvelles technologies et biens à double usage : étant donné que les développements technologiques rendent la distinction entre un usage purement militaire et un usage purement civil de plus en plus difficile, les députés demandent de prêter une attention particulière à la liste des biens à double usage à la lumière de l'arrangement de Wassenaar. Une attention particulière devrait être accordée aux nouvelles technologies d'importance stratégique, telles que les systèmes d'aéronefs télépilotés, la robotique appliquée et les technologies de surveillance dans ce contexte.

Les États membres sont invités à dégager des ressources suffisantes pour mettre en place et faire exécuter le contrôle des exportations, du courtage et du transit de biens à double usage de manière efficace.