Le Parlement a adopté par 508 voix pour, 108 contre et 85 abstentions, une résolution sur les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou par leur effet.
Pour rappel, le scandale LuxLeaks, qui a éclaté le 5 novembre 2014, a révélé l'étendue du recours à des accords secrets faisant appel à des structures financières complexes destinées à obtenir des réductions d'impôt drastiques. Or, dans de nombreux cas, les filiales luxembourgeoises, dont le chiffre d'affaires s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros, ne maintiennent qu'une faible présence et n'exercent qu'une activité économique réduite au Luxembourg.
Le scandale a porté l'attention du public et des médias sur ces questions en dévoilant les pratiques fiscales discutables favorisées par des cabinets d'expertise comptable dans un État membre donné. Les enquêtes menées par la Commission et les travaux réalisés par le Parlement par l'intermédiaire de sa commission spéciale ont démontré qu'il ne s'agissait pas d'un cas isolé mais que la pratique qui consiste à prendre des mesures fiscales pour réduire globalement l'assujettissement à l'impôt de certaines sociétés de sorte à augmenter de manière artificielle l'assiette fiscale nationale au détriment d'autres pays, qui, pour certains, font l'objet de mesures d'austérité, était largement répandue en Europe et ailleurs.
Le Parlement a considéré que soumettre ces pratiques au contrôle public s'inscrivait dans le cadre du contrôle démocratique. Sagissant des pratiques en matière d'impôt sur les sociétés dans les États membres et de limpact de la planification fiscale agressive, il a formulé les observations suivantes :
Face à ce constat, le Parement a formulé les recommandations suivantes:
Nécessité de règles claires : sans empiéter sur la compétence des États à déterminer le taux d'imposition qu'ils souhaitent appliquer aux entreprises, le Parlement a insisté sur le fait que la concurrence en matière fiscale, tant au sein de l'Union qu'avec les pays tiers, devrait avoir pour cadre un ensemble de règles clair. Il a demandé à la Commission d'aborder les problèmes en la matière dans le cadre du Semestre européen et que des indicateurs, y compris des estimations du manque à gagner fiscal résultant de l'évitement fiscal, soient ajoutés au tableau de bord de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques.
Coopération et coordination en matière de décisions fiscales anticipées : le Parlement a déploré le contenu de l'accord politique du 6 octobre 2015 au sein du Conseil, qui n'est pas à la hauteur de la proposition législative de la Commission présentée en mars 2015 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.
Les députés ont donc invité le Conseil à s'en tenir à la proposition de la Commission et à tenir dûment compte de l'avis du Parlement sur le sujet, en particulier en ce qui concerne : i) le champ d'application de la directive (tous les rescrits fiscaux et pas seulement les rescrits transfrontaliers), ii) la période de rétroactivité (tous les rescrits fiscaux encore valides seraient échangés) et iii) les informations à fournir à la Commission, qui devrait avoir accès aux rescrits fiscaux.
Transparence : le Parlement a réaffirmé sa position selon laquelle les multinationales devraient déclarer dans leurs états financiers, d'une manière claire et compréhensible, pour chaque État membre et chaque pays tiers dans lequel elles sont établies, un ensemble d'informations agrégées, y compris leur résultat d'exploitation avant impôt, les impôts sur le résultat, le nombre de salariés, les actifs détenus, des informations de base sur les rescrits fiscaux (rapports par pays).
Assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) : tout en prenant acte du plan d'action proposé par la Commission le 17 juin 2015 pour lutter contre l'évasion fiscale et promouvoir l'équité et l'efficacité de la fiscalité des entreprises dans l'Union européenne, les députés ont demandé à la Commission de présenter une proposition rectificative pour établir au plus tôt une assiette commune obligatoire consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACIS), ce qui tiendrait compte non seulement du problème des régimes préférentiels et des incohérences entre régimes fiscaux nationaux, mais aussi des principaux facteurs de l'érosion de l'assiette fiscale au niveau européen (en particulier les problèmes liés à l'établissement de prix de transfert).
Le Parlement a invité la Commission à :
Aides d'État: le Parlement a souligné que certaines pratiques fiscales dommageables sont susceptibles de relever du champ d'application des règles en matière d'aides d'État dans le domaine fiscal, notamment parce qu'elles peuvent accorder un avantage sélectif et fausser la concurrence au sein du marché intérieur. La Commission est dès lors appelée à:
Code de conduite en matière de fiscalité des entreprises : le Parlement a déploré que les travaux du groupe «code de conduite (fiscalité des entreprises)» semblaient marquer le pas, relevant que les autorités fiscales étaient allées à l'encontre des recommandations du groupe en créant de nouvelles structures aux effets tout aussi dommageables que celles dont le groupe avait obtenu le retrait.
Les députés ont demandé une réforme urgente du code de conduite en matière de fiscalité des entreprises et du groupe chargé du contrôle de son application, vu que son utilité s'est avérée jusqu'ici incertaine. La réforme devrait lever les barrières qui entravent actuellement la lutte contre les pratiques fiscales dommageables et contribuer à une coordination et à une coopération à l'échelle de l'UE dans le domaine de la politique fiscale.
Protection des lanceurs d'alerte : le rapport a invité la Commission à proposer d'ici juin 2016 la création dun cadre législatif de lUnion destiné à assurer une protection efficace des lanceurs d'alerte et similaires. Il a souligné qu'il nétait pas acceptable que les citoyens et les journalistes puissent faire l'objet de poursuites plutôt que bénéficier d'une protection juridique lorsque, au nom de l'intérêt public, ils divulguent des informations ou font rapport sur des soupçons d'abus notamment dans des cas dévasion fiscale.
La Commission est invitée à envisager une série d'instruments qui permettront d'assurer une telle protection contre toutes poursuites judiciaires, sanctions économiques ou discriminations injustifiées, tout en assurant la protection de la confidentialité et des secrets daffaires.
Echange dinformations : le Parlement a noté que les États membres n'avaient pas respecté les obligations prévues dans les directives 77/799/CEE et 2011/16/UE du Conseil, ayant omis d'échanger spontanément des informations fiscales, y compris dans des affaires où il y avait de bonnes raisons de s'attendre à des pertes fiscales pour d'autres États membres ou de subodorer que des économies d'impôt résultaient de transferts artificiels des bénéfices au sein d'un groupe.
Déplorant l'inefficacité du cadre législatif et de surveillance actuel en matière d'échange d'informations sur les mesures fiscales, les députés ont rappelé que l'échange automatique, transparent et efficace d'informations fiscales détaillées et l'existence d'une assiette fiscale commune consolidée et obligatoire pour les entreprises étaient des conditions nécessaires à la création d'un système fiscal au niveau de l'Union qui respecte et sauvegarde les principes fondamentaux du marché intérieur. Il a demandé à la Commission dutiliser tous les instruments à sa disposition pour favoriser une approche plus coordonnée à l'égard des pays développés afin de promouvoir une réciprocité accrue en matière fiscale.
Paradis fiscaux : le Parlement a noté que la concurrence en matière fiscale recouvrait un ensemble de pratiques d'envergure internationale, qui s'appuient sur le transfert de bénéfices vers des juridictions sans réelle activité économique, qui cultivent une fiscalité réduite ou inexistante, ou le secret. Il a déploré l'absence de toute démarche d'ensemble des États membres face à ces juridictions et plaidé en faveur d'une approche commune de l'Union à l'égard des paradis fiscaux. La Commission a été invitée à :
Numéro européen d'identification fiscale (NIF) : le Parlement a invité la Commission à présenter une proposition de numéro d'identification fiscale (NIF) de l'Union, sur la base du projet de NIF européen figurant dans le Plan daction de 2012 de la Commission pour renforcer la lutte contre la fraude et lévasion fiscales.