Protection internationale: mesures provisoires en faveur de l'Italie et de la Grèce

2015/0125(NLE)

La Commission présente son 1er rapport sur la réinstallation et la relocalisation conformément à la présente décision (UE) 2015/1523 du Conseil instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce et la décision (UE) 2015/1601 du Conseil instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce qui instaure un mécanisme temporaire et exceptionnel de relocalisation pour 160.000 demandeurs ayant manifestement besoin d’une protection internationale.

En outre, conformément à la Recommandation de la Commission du 8 juin 2015 sur le programme européen de réinstallation, 27 États membres ainsi que les États associés au système de Dublin, sont convenus, le 20 juillet 2015, de procéder en 2 ans à la réinstallation, au moyen de mécanismes multilatéraux et nationaux, de 22.504 personnes déplacées en provenance de pays tiers et ayant manifestement besoin d’une protection internationale.

Le rapport fait aussi suite à l’engagement pris par la Commission, dans la feuille de route «Revenir à l’esprit de Schengen», de présenter des rapports mensuels sur la mise en œuvre de la relocalisation et de la réinstallation.

La présente communication résume en particulier les défis recensés et les enseignements tirés au cours des premiers mois de l’exécution des programmes de relocalisation et de réinstallation et propose des recommandations et des actions à court terme pour améliorer le taux d’exécution desdites décisions.

Relocalisation :

  • la mise en œuvre est lente mais les premiers signes d’une évolution positive apparaissent: au 15 mars 2016, on dénombrait 937 personnes relocalisées (368 depuis l’Italie et 569 depuis la Grèce). Cependant, le nombre de demandeurs a considérablement augmenté (par exemple, 300 personnes par jour en Grèce) dans les premières semaines du mois de mars. Ainsi, au 15 mars, les États membres de relocalisation se sont déclarés prêts à assurer («engagements formels»), au total, la relocalisation rapide de 3.723 personnes demandant une protection internationale, ce qui représente 2,33% des 160.000 transferts à effectuer dans le cadre de la relocalisation. Le côté positif actuel est la nomination, dans la plupart des États membres, des officiers de liaison jouant un rôle clé dans la procédure;
  • le nombre de demandes de relocalisation augmente rapidement: le nombre de demandeurs restait faible au début mais les choses sont sur le point de changer (par exemple, environ 20 personnes par jour en Grèce pour passer à 300 par jour dès le mois de mars). Cette évolution est due notamment aux restrictions mises en place à la frontière entre la Grèce et l’ancienne République yougoslave de Macédoine ainsi qu’aux efforts supplémentaires consentis pour diffuser des informations, y compris le déploiement d’équipes mobiles de l’EASO en dehors des centres et zones de crise pour assurer une plus grande sensibilisation des migrants. Néanmoins, le risque de fuite persiste après la notification du dossier des demandeurs aux États membres de relocalisation;
  • le nombre de nationalités pouvant prétendre à une relocalisation augmente de même que l’impossibilité de prévoir quelles seront les nouvelles nationalités susceptibles de relever des décisions du Conseil: les ressortissants des pays suivants peuvent actuellement prétendre à une relocalisation: Burundi, République centrafricaine, Érythrée, Costa Rica, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Bahreïn, Iraq, Maldives, Syrie et pays et territoires britanniques d’outre-mer;
  • la relocalisation des demandeurs de protection internationale vulnérables, y compris les mineurs non accompagnés, reste complexe;
  • on constate un usage abusif des préférences par les États membres: certains États membres ont établi de longues ou contraignantes listes de préférences concernant le profil des demandeurs devant être relocalisés. Certains États membres de relocalisation sont réticents à l’idée de recevoir des demandes de relocalisation concernant des nationalités spécifiques, des demandeurs isolés ou des mineurs non accompagnés. En outre, certains États membres de relocalisation ont invoqué le non-respect des préférences comme motif de rejet d’une demande de relocalisation, ce qui n’est pas autorisé par les décisions du Conseil;
  • relative tardiveté des réponses aux demandes de relocalisation: la procédure de relocalisation dans son ensemble s’étend au-delà du délai de 2 mois établi dans les décisions, faute notamment d’une réponse rapide des États membres de relocalisation. Si les réponses aux demandes de relocalisation tardent, cela est dû principalement aux contrôles de sûreté supplémentaires, notamment sous forme d’entretiens systématiques et de la prise en compte des empreintes digitales des personnes concernées;
  • refus injustifiés de demandes de relocalisation: certains États membres invoquent la sécurité nationale, l’ordre public ou l’application des clauses d’exclusion prévues par la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile pour rejeter des demandes, sans fournir de motivation spécifique;
  • en dépit du fait que les États membres ont proposé 201 experts à la suite de l’appel général lancé par l’EASO visant à recruter 374 experts, la réponse est insuffisante pour couvrir les appels spécifiques et procéder aux déploiements effectifs.

Mesures devant être prises par l’Italie et la Grèce

  • nécessité, pour l’Italie et la Grèce, de rendre opérationnels tous les centres de crise et de continuer à mettre en œuvre les feuilles de route : renforcer, avec le soutien de l’EASO, la capacité du service d’asile grec d’enregistrer les demandeurs devant être relocalisés, de sorte que cette capacité soit en adéquation avec l’augmentation importante du nombre de migrants éligibles qui souhaitent intégrer le programme;
  • rendre la totalité des centres de crise opérationnels ;
  • intensifier les efforts afin de réaliser des contrôles de sûreté systématiques et d’améliorer la qualité des informations fournies dans les demandes de relocalisation adressées aux États membres et nommer un correspondant sûreté;
  • améliorer la capacité de coordination en parachevant et en mettant en œuvre dès que possible des procédures opérationnelles standard et des protocoles de relocalisation;
  • augmenter la capacité d’accueil de la Grèce par la mise à disposition, le plus rapidement possible, des 50.000 places promises au titre de la feuille de route;
  • parachever dès que possible les procédures visant à faciliter la relocalisation des mineurs non accompagnés.

Mesures devant être prises par les États membres de relocalisation :

  • accroître sensiblement le nombre et la fréquence de leurs engagements;
  • répondre aux demandes de relocalisation depuis l’Italie et la Grèce dans un délai d’une semaine à compter de leur réception;
  • accélérer la réalisation des contrôles de sûreté supplémentaires, avec pour objectif de les effectuer dans un délai d’une semaine, en se concentrant sur les cas dûment justifiés;
  • fournir des dossiers d’information préalable au départ, comprenant des informations qualitatives et attrayantes à l’intention des demandeurs, conformément à la note d’orientation de l’EASO et répondre d’urgence aux appels lancés par l’EASO pour que des experts viennent en aide à l’Italie et, surtout à la Grèce, assurant ainsi une plus grande continuité dans le déploiement d’experts.

Le rapport établit par ailleurs une série de recommandations pour le Bureau d’appui en matière d’asile.

La Commission a calculé que pour respecter les engagements déjà pris au titre des deux décisions du Conseil sur la relocalisation (106.000), les États membres devraient en moyenne procéder à au moins 5.679 relocalisations par mois, au cours des 18,5 mois restants. Cela suppose une moyenne journalière de 187 transferts et une procédure de relocalisation n’excédant pas 2 semaines. Les relocalisations effectuées récemment de la Grèce vers le Portugal prouvent que la procédure peut également être réalisée en une semaine. Sur la base de ces calculs, la Commission estime qu’au moins 6.000 relocalisations devraient être effectuées d’ici à la publication, le 16 avril 2016, du 2ème rapport sur la relocalisation et la réinstallation et, en accélérant le rythme, qu’au moins 20.000 relocalisations devraient être effectuées d’ici à la publication du troisième rapport, le 16 mai 2016, compte tenu de la situation d’urgence humanitaire sur le terrain.

Réinstallation : selon les informations fournies par les États participants, au 15 mars 2016, 4.555 personnes avaient, aux fins de leur réinstallation, été transférées vers l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, la France, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Norvège, le Liechtenstein et la Suisse au titre du programme. Une majorité d’États membres participant au programme ont indiqué que leurs efforts de réinstallation étaient principalement, mais pas exclusivement, axés sur les Syriens se trouvant en Jordanie, au Liban ou en Turquie.

  • il existe d’importantes divergences entre les États membres en ce qui concerne leurs programmes et pratiques de réinstallation, et notamment les critères de sélection, la durée des procédures, les programmes d’orientation préalable au départ, les instruments d’intégration, le statut accordé aux personnes admises, les titres de séjour, ainsi que le nombre de places disponibles pour la réinstallation;
  • la durée de la procédure peut varier de plusieurs semaines à 2 ans, du dépôt du dossier par le HCR jusqu’à l’arrivée dans le pays d’accueil;
  • le manque de capacités d’accueil et le fait de devoir trouver un hébergement adéquat sont des problèmes souvent invoqués, en particulier lorsqu’il s’agit de réinstaller des familles nombreuses ou des personnes particulièrement vulnérables. Quant aux autorisations de sortie délivrées par les pays tiers, elles sont également qualifiées de problématiques dans certains cas et provoquent des retards considérables dans les procédures et des reports d’arrivées;
  • plusieurs États membres de l’UE, tels que la tels que la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne ou la Finlande, procèdent à des réinstallations depuis plusieurs d’années déjà, d’ici à la fin 2017, 10 États membres devraient en faire autant, pour la première fois, dans le cadre du nouveau programme européen, même si aucun d’entre eux n’a encore commencé à le mettre en œuvre. Ces États membres sont confrontés à des difficultés, parmi lesquelles la nécessité de renforcer les capacités et plusieurs d’entre eux ont exprimé le souhait de pouvoir bénéficier de l’expertise, de l’expérience et des bonnes pratiques relatives aux mécanismes utilisés par les États membres ayant une longue tradition de réinstallation.

Le rapport conclut en faisant un certain nombre de recommandations nouvelles incluant : i) les échanges connaissances et d’expériences et le renforcement de la coopération avec les partenaires ; ii) un meilleure suivi du programme ; iii) la mise en œuvre d’un programme d’admission humanitaire volontaire en association avec la Turquie ; iv) un système de réinstallation structuré dans l’Union européenne.

Afin de souligner l’attachement à la solidarité avec les pays tiers concernés dans la région et le rôle des filières de migration légales, les États membres doivent respecter leurs engagements en ce qui concerne les 17.949 places encore disponibles pour la réinstallation. Au cours de la période restante, les États membres devraient réinstaller en moyenne chaque mois 855 personnes ayant besoin de protection.

Conformément à l’engagement pris dans sa feuille de route intitulée «Revenir à l’esprit de Schengen», la Commission établira un rapport mensuel sur les progrès effectués dans la mise en œuvre des engagements en matière de relocalisation et de réinstallation.