Situation en Méditerranée et nécessité d'une approche globale de l'Union européenne de la question des migrations

2015/2095(INI)

Le Parlement européen a adopté par 459 voix pour, 206 voix contre et 52 abstentions, une résolution sur la situation en Méditerranée et sur la nécessité d'une approche globale des migrations de la part de l'Union européenne.

Faire face à un désastre humanitaire : le Parlement met en évidence le fait qu’en 2015, , selon les données de Frontex, 1,83 million de personnes ont été appréhendées alors qu'elles tentaient de franchir clandestinement les frontières extérieures de l'Union, ce qui constitue un record absolu par rapport aux 282.500 migrants qui sont entrés dans l'Union sur l'ensemble de l'année 2014. En outre, 20% de ces migrants étaient des enfants.

Rappelant l’importance du principe fondamental de solidarité auquel est attachée l’Union européenne en matière de migration, le Parlement part du principe que le sauvetage des vies doit être une priorité absolue et qu'il est essentiel que des fonds suffisants soient alloués, au niveau de l'Union et des États membres, aux opérations de recherche et de sauvetage. Il constate que le nombre des arrivées de clandestins par la mer a augmenté et que le nombre des décès en mer a progressé de façon alarmante, cependant qu'une réponse appropriée de l'Europe continue de se faire attendre.

Le Parlement estime qu’il convient de faire une claire distinction entre les personnes qui se sont introduites clandestinement dans l'UE et celles qui sont victimes de traite, en proposant des mesures ciblées. Il déclare que, en termes généraux, le trafic illicite de migrants consiste à faciliter l'entrée illégale d'une personne dans un État membre, tandis que la traite d'êtres humains consiste à recruter, à transporter ou à détenir une personne en recourant à la violence, à la tromperie ou à des moyens illicites à des fins d'exploitation.

Il précise à cet égard le rôle des agences de l'Union dans la lutte contre le trafic illicite de migrants. Il considère comme un pas en avant l'adoption par la Commission, le 27 mai 2015, du plan d'action de l'UE contre le trafic de migrants, qui prévoit d'instituer un groupe de contact des agences de l'Union sur le trafic de migrants afin de renforcer la coopération opérationnelle et l'échange d'informations entre les agences européennes concernées.

Relocalisation : le Parlement relève qu'au cours de l'année écoulée, le Conseil a adopté deux décisions sur des mesures de relocalisation provisoire au sein de l'Union qui prévoient le transfert de demandeurs de protection internationale depuis la Grèce et l'Italie vers d'autres États membres. Il constate que, bien que les décisions relatives à la relocalisation n'abrogent pas les règles de Dublin en vigueur concernant la répartition des responsabilités, elles constituent une "dérogation temporaire" à ces règles. Le Parlement est préoccupé par le fait qu'au regard des actuelles décisions relatives à la relocalisation, les États membres de première arrivée doivent toujours traiter les demandes de protection internationale (et les recours) les plus compliquées ainsi qu'organiser des périodes d'accueil plus longues, et devront coordonner le retour de ceux à qui, au final, la protection internationale est refusée. Il rappelle que tout nouveau système de gestion du régime d'asile européen commun doit se fonder sur la solidarité et un partage équitable des responsabilités. Il est par ailleurs convaincu que les préférences du demandeur devraient, dans la mesure où cela est possible d'un point de vue pratique, être prises en compte aux fins de la relocalisation.

Réinstallation : le Parlement indique que selon lui la réinstallation est l'une des options privilégiées pour garantir un accès sûr et légal à l'Union aux réfugiés et aux personnes qui ont besoin d'une protection internationale dans les cas où les réfugiés ne peuvent ni retourner dans leur pays d'origine ni bénéficier d'une protection effective ou être intégrés dans le pays d'accueil. Il souligne que, compte tenu des flux de migrants sans précédent qui sont arrivés et continuent d'arriver aux portes de l'Europe, l'Union doit adopter un dispositif législatif contraignant et obligatoire à l'égard de la réinstallation. Ce dispositif devrait permettre la réinstallation d'une part significative du nombre total de réfugiés demandant la protection internationale de l'Union, non sans insister sur l'importance d'un programme permanent de réinstallation à l'échelle de l'Union qui repose sur la participation obligatoire de tous les États membres.

Pour une révision du règlement de Dublin III : revenant sur les grands principes d’asile européen commun et sur la question des admissions humanitaires, le Parlement fait observer que la mise en œuvre du règlement Dublin III a suscité de nombreuses questions liées à l'équité et à la solidarité au regard de la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale. Il constate que le système actuel ne tient pas suffisamment compte des pressions migratoires particulièrement élevées subies par les États membres situés aux frontières extérieures de l'Union. Il est convaincu que l'Union doit reconnaître que la logique du règlement de Dublin suscite des difficultés persistantes et proposer des solutions en matière de solidarité tant à l'égard de ses États membres que des migrants concernés. Il souligne à cet égard que la pression subie par le système – tel qu'établi par le règlement de Dublin – n'a pas permis d'atteindre, dans une large mesure, ses deux principaux buts, à savoir le fait de définir des critères objectifs et équitables pour la répartition des responsabilités et de permettre un accès rapide à la protection internationale. Il insiste donc sur ses réserves quant au critère actuel selon lequel c'est l'État membre de première entrée qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, et estime que ce critère devrait être révisé.

Le Parlement précise en outre que, dans le même temps, l'incidence des mouvements secondaires dans l'Union reste élevée.  Le système de Dublin n'a manifestement pas été conçu, au départ, pour partager les responsabilités entre les États membres mais principalement pour désigner rapidement l'État membre responsable du traitement d'une demande d'asile donnée. Il recommande dès lors que les critères sur lesquels s'appuient les décisions de relocalisation soient intégrés directement dans les règles fondamentales de l'Union pour la répartition des responsabilités en ce qui concerne le traitement des demandes de protection internationale. Il est par ailleurs convaincu que l'Union devrait apporter aux États membres qui reçoivent le plus de demandes d'asile une aide financière et technique proportionnée et adaptée. En effet la raison d'être du recours aux mesures de solidarité et de partage des responsabilités est l'amélioration de la qualité et du fonctionnement du RAEC.

Le Parlement fait observer qu'une des options envisageables aux fins de la refonte du système de Dublin est la mise en place d'un système centralisé de collecte des demandes au niveau de l'Union dans le cadre duquel chaque demandeur d'asile serait considéré comme une personne cherchant l'asile dans l'Union de manière générale et non dans un État membre en particulier, ainsi que d'un système centralisé de répartition des responsabilités au regard des demandeurs d'asiles. Il propose qu'un tel système établisse des seuils par États membres en ce qui concerne le nombre d'arrivées, ce qui pourrait éventuellement contribuer à décourager les mouvements secondaires car tous les États membres participeraient pleinement au système centralisé et ne détiendraient plus de responsabilité individuelle au regard du renvoi de demandeurs vers d'autres États membres. Un tel système pourrait s'appuyer sur un certain nombre de points d'accès ("hotspots") à partir desquels la répartition dans l'Union aurait lieu.

Intégration : le Parlement souligne que les mesures d'intégration relatives à l'ensemble des ressortissants de pays tiers en séjour régulier devraient promouvoir l'inclusion, plutôt que l'isolement. Il met ainsi l'accent sur le fait que les États membres d'accueil doivent aider les réfugiés et leur donner la possibilité de s'intégrer ainsi que de construire un projet de vie dans leur nouvel environnement. Cette aide devrait nécessairement inclure un logement, des cours d'alphabétisation et de langues, un dialogue interculturel, l'éducation et la formation professionnelle ainsi qu'un accès réel aux structures démocratiques de la société, comme le prévoit la directive sur les normes minimales. Toutefois, l’intégration doit être un processus réciproque et le respect des valeurs fondamentales de l'Union doit être une composante à part entière du processus d'intégration, tout comme le respect des droits fondamentaux des réfugiés.

Le Parlement insiste également sur l’unité familiale et sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

Liste des pays d'origine sûrs : le Parlement prend acte de la liste commune de l'Union des pays d'origine sûrs qui a été récemment proposée par la Commission et qui modifie la directive relative aux procédures d'asile. Il relève que, si cette liste devenait obligatoire pour les États membres, elle pourrait, en principe, constituer un outil important pour faciliter le processus d'asile, notamment le retour. Il déplore qu'à l'heure actuelle, les États membres recourent à des listes de pays sûrs différentes, une situation qui empêche une application uniforme en même temps qu'elle favorise les mouvements secondaires.

Agences responsables de l’asile : le Parlement préconise que le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) devienne à long terme un organe de coordination majeur du RAEC afin de garantir l'application commune des règles de ce système. Il se réjouit également de la proposition de la Commission destinée à transformer Frontex en corps de garde-frontières européen en vue d’assurer une gestion européenne intégrée des frontières extérieures de l'Union.

Schengen et la gestion et la sécurité des frontières extérieures : le Parlement rappelle que, depuis la création de l'espace Schengen, l'Union est un espace sans frontières intérieures et que la logique inhérente à ce système a toujours été que la suppression des contrôles aux frontières intérieures devait s'accompagner de mesures compensatoires renforçant les frontières extérieures de l'espace Schengen et d'un échange d'informations par l'intermédiaire du système d'informations Schengen (SIS). Il admet que l'Union a besoin de renforcer la protection de ses frontières extérieures et de développer davantage le RAEC, et que des mesures s'imposent pour que l'espace Schengen soit mieux à même de relever les nouveaux défis auxquels l'Europe fait face et de préserver les principes fondamentaux que sont la sécurité et la libre circulation des personnes. Il souligne une nouvelle fois que, comme c'est le cas pour la législation spécifique à l'asile et aux migrations, la législation sur les frontières intérieures et extérieures ne peut être efficace si les États membres n'appliquent pas correctement les mesures décidées au niveau de l'Union. Il est donc essentiel, compte tenu de la pression croissante, que les États membres appliquent avec plus d'efficacité les mesures aux frontières extérieures.

Le Parlement prend acte de la proposition faite le 15 décembre 2015 par la Commission de réviser de manière ciblée le code frontières Schengen. Il estime en particulier que l'espace Schengen est l'une des réalisations majeures de l'intégration européenne et que le conflit qui sévit en Syrie et les autres conflits dans la région ont provoqué l'arrivée d'un nombre sans précédent de réfugiés et de migrants dans l'Union un nombre, ce qui, à son tour, a mis en évidente des défaillances sur certains tronçons des frontières extérieures de l'Union. Il s'inquiète du fait qu'en réaction à cela, certains États membres ont éprouvé le besoin de fermer leurs frontières intérieures ou d'introduire des contrôles temporaires aux frontières, ce qui remet en question le bon fonctionnement de l'espace Schengen.

Hotspots : le Parlement demande que les points d'accès ou hotspots soient mis en place dès que possible, de sorte que ces États membres reçoivent une aide opérationnelle concrète. Il demande que des moyens techniques et financiers soient alloués aux États membres de première arrivée, comme l'Italie et la Grèce, afin qu'ils puissent enregistrer avec rapidité et efficacité l'ensemble des migrants qui arrivent dans l'Union, avant de les diriger vers les autorités compétentes, ce dans le plein respect de leurs droits fondamentaux. Il estime qu'il est important, pour la confiance mutuelle, que l'Union accorde un soutien rapide et efficace aux États membres et que ceux-ci acceptent ce soutien. Il reconnaît qu'un des principaux objectifs de ces points d'accès est de permettre à l'Union d'offrir protection et aide humanitaire immédiates à ceux qui en ont besoin.

Le Parlement insiste sur la coopération avec les pays tiers en matière d’asile. Il pense que la dimension extérieure devrait privilégier la coopération avec les pays tiers pour s'attaquer aux causes profondes de l'afflux de migrants irréguliers et lutter contre ce phénomène. Il rappelle que l'UE a intensifié sa coopération extérieure avec des pays tiers dans le domaine de la migration et de l'asile afin de répondre comme il se doit à la crise actuelle des réfugiés, et a lancé de nouvelles initiatives de coopération telles que le plan d'action commun UE-Turquie. Il souligne, à cet égard, que toutes les parties doivent satisfaire à leurs engagements découlant du plan d'action commun, y compris en luttant contre les causes fondamentales à l'origine de l'afflux massif de Syriens.

Sur la question des causes profondes, le Parlement réaffirme que l'Union doit adopter une stratégie à long terme afin de contribuer à faire contrepoids aux facteurs d'incitation au départ dans les pays tiers (conflit, persécution, épuration ethnique, violence généralisée ou autres facteurs tels que extrême pauvreté, changement climatique ou catastrophe naturelle), qui poussent les candidats dans les filets des réseaux criminels de passeurs, puisqu'ils les considèrent comme leur seule chance d'atteindre l'Europe.

Financement : le Parlement se félicite de la création récente du fonds d'affectation spéciale d'urgence pour l'Afrique et du 1,8 milliard EUR promis au fonds, lequel apporte une composante supplémentaire au financement destiné aux pays tiers. Il invite les États membres à continuer à contribuer à ce fonds. Il recommande que les 4 piliers thématiques que sont i) l'immigration légale et la mobilité, ii) l'immigration irrégulière et la traite des êtres humains, iii) la protection internationale et iv) l'impact de la migration sur le développement se voient accorder la même importance dans le cadre de la politique extérieure et du financement de l'Union. Enfin, le Parlement estime que, si les récentes propositions budgétaires et le financement supplémentaire prévu dans le budget de l'Union pour 2016 se doivent d'être salués, y compris la mobilisation de l'instrument de flexibilité, le financement à moyen et long termes demeure toutefois problématique. Il s'inquiète notamment de ce que l'augmentation proposée des montants pour les lignes budgétaires au titre du Fonds "Asile, migration et intégration" pour 2016 ne se soit pas accompagnée d'une proposition de révision des ressources globales disponibles dans le cadre de ce fonds pour la période de financement 2014–2020. Il croit savoir que, si cela ne change pas, le financement disponible au titre du Fonds "Asile, migration et intégration" sera épuisé bien avant 2020.