Le Parlement européen une résolution déposée par la commission des affaires étrangères sur le rapport 2015 sur la Turquie.
État des lieux des relations entre l'Union européenne et la Turquie : pour rappel, les négociations d'adhésion avec la Turquie ont été ouvertes 3 octobre 2005.
Compte tenu du recul en matière de respect de la démocratie et de l'état de droit en Turquie, le Parlement sest dit préoccupé par le ralentissement considérable du rythme global des réformes en Turquie ces dernières années et par la régression observée dans certains domaines essentiels, tels que l'indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté de réunion, la liberté d'expression et le respect des droits de l'homme et de l'état de droit, qui éloigne de plus en plus la perspective de la réalisation des critères de Copenhague que les pays candidats doivent respecter.
Les députés ont souligné que la Turquie était un partenaire stratégique clé pour l'Union européenne. Ils ont pris acte de la relance du processus de négociation par l'Union et demandé des progrès tangibles et un engagement réel de la part de la Turquie. Ils ont exprimé leur soutien à un dialogue politique de haut niveau structuré, plus fréquent et plus ouvert sur des questions clés d'intérêt commun, telles que la migration, la lutte contre le terrorisme, l'énergie, l'économie et le commerce. Ils ont également pris acte des résultats des élections parlementaires du 1er novembre 2015 et de la formation d'un nouveau gouvernement, en demandant l'abaissement du seuil électoral de 10% et en réclamant la transparence en ce qui concerne le financement des partis politiques et des campagnes électorales.
Respect de létat de droit, de la démocratie, des droits de lhomme et des libertés fondamentales : le Parlement a déploré le recul marqué, ces deux dernières années, de la liberté de parole, d'expression et d'opinion tant en ligne que hors ligne en Turquie, pays qui occupe la 149e place sur 180 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. Il a condamné la saisie violente et illégale de plusieurs journaux turcs, dont Zaman constitue le dernier exemple en date, et sest dit préoccupé par la décision de Digiturk, justifiée entre autres par des motifs politiques, de cesser de retransmettre certaines chaînes de télévision. Il a condamné vigoureusement toutes les formes d'intimidation à l'encontre de journalistes et demandé au gouvernement turc de s'abstenir de toute pression politique et économique sur les médias indépendants.
La résolution a aussi insisté sur la nécessité de mener d'urgence des réformes au sein de l'appareil judiciaire, dans les domaines des droits fondamentaux et de la justice ainsi que de la liberté et de la sécurité. Elle a demandé au Conseil d'ouvrir les chapitres 23 (appareil judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (justice, liberté et sécurité) ainsi que de veiller à ce que le processus de réforme en Turquie respecte les valeurs et les normes de l'Union. La lutte contre la corruption devrait également constituer l'une des priorités de la Turquie.
De plus, la nouvelle constitution devrait reposer sur un large consensus partagé par toute la classe politique et l'ensemble de la société et respecter pleinement les droits des minorités, quelles que soient leurs origines culturelles et religieuses. Les députés ont souligné la nécessité d'adopter une législation globale contre la discrimination.
Processus de paix kurde et situation dans le sud-est de la Turquie : le Parlement sest dit extrêmement préoccupé par la détérioration de la situation dans le sud-est de la Turquie en insistant sur le fait que les mesures sécuritaires devraient être appliquées dans le respect de l'état de droit et des droits de l'homme. Il sest dit particulièrement alarmé par la situation à Cizre et Sur/Diyarbakir et a condamné le fait que des civils soient tués, blessés et laissés sans eau, nourriture ni soins médicaux.
Les députés se sont dits inquiets du nombre croissant de civils tués et blessés et du fait que le pays compte quelque 400.000 déplacés internes. Ils ont exprimé leur consternation face aux actions des forces policières d'opérations spéciales connues sous le nom d'«équipes Esedullah» qui se rendraient coupables de graves violations des droits de l'homme, dont le meurtre de civils dans la partie sud-est de la Turquie, et ont exigé des autorités turques qu'elles mènent une enquête approfondie concernant de telles actions.
Le Parlement a condamné le regain de violence du PKK, qui figure sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne. Appelant le PKK à déposer les armes, il a souligné que la question kurde ne se résoudra pas par la violence et a invité le gouvernement turc à reprendre les négociations en vue de parvenir à une solution complète et durable au problème kurde.
Les députés ont exhorté la Turquie à redoubler d'efforts pour veiller à ce que les combattants étrangers, l'argent et le matériel de l'État islamique/Daech et d'autres groupes extrémistes ne transitent pas par son territoire. Ils ont noté des lacunes dans l'arrestation des combattants étrangers et dans le contrôle des frontières avec l'Iraq et la Syrie.
De plus, le Parlement sest inquiété du fait que les autorités turques n'aient pas tout mis en uvre pour mettre un terme aux activités transfrontalières de l'État islamique, notamment au trafic clandestin de pétrole. Il a demandé à l'Union d'améliorer sa capacité d'échange d'informations et de collaborer étroitement avec les autorités turques sur le sujet.
Coopération UE-Turquie en matière de crise des réfugiés/crise migratoire : saluant le nouvel engagement politique entre l'Union et la Turquie pour faire face à la crise des réfugiés et des migrants, le Parlement a reconnu la contribution humanitaire notable de la Turquie qui accueille la plus grande population de réfugiés au monde et a salué la décision prise par le gouvernement turc d'ouvrir son marché du travail aux réfugiés syriens.
Il a souligné qu'il était essentiel de coopérer avec la Turquie afin de gérer la crise des réfugiés, de garantir un recensement correct des migrants et de prévenir les décès de migrants en mer. Il a toutefois estimé que laisser la Turquie gérer la crise des réfugiés n'était pas une solution crédible à long terme. Il a demandé aux États membres de l'Union de faire preuve de solidarité et d'élargir la base des pays qui acceptent de réinstaller les réfugiés dans un esprit de partage des charges et des responsabilités.
La résolution a également souligné que l'enveloppe de 3 milliards EUR et les financements supplémentaires octroyés dans le cadre de la facilité de soutien à la Turquie en faveur des réfugiés devaient être correctement utilisés et bénéficier directement aux réfugiés et aux communautés d'accueil par la mise en uvre de projets visant à répondre aux besoins immédiats en nourriture, soins de santé, assainissement et en matière d'enseignement.
En ce qui concerne la politique des visas, le Parlement a salué l'entrée en vigueur de nouvelles règles dans le système turc de délivrance de visas, mais il a souligné qu'une politique bien plus stricte en matière de visas devait être appliquée aux pays qui constituent une source importante de migration illégale afin d'endiguer le flux de migrants qui n'ont pas besoin de protection internationale et affluent vers l'Europe via la Turquie.
Les députés ont estimé que la Turquie devrait prendre des mesures efficaces pour arrêter les trafiquants d'êtres humains ainsi que le flux de réfugiés vers les îles grecques qui se traduit par de graves problèmes humanitaires, socio-politiques et sécuritaires dans l'Union européenne. De plus, la Turquie, la Bulgarie et la Grèce devraient coopérer davantage dans la zone des opérations de recherche et de sauvetage en mer Égée. Les députés ont invité Frontex à épauler les gardes-côtes turcs et à développer les échanges bilatéraux d'informations.
Le Parlement a également demandé au gouvernement à remplir totalement et de façon non discriminatoire les critères définis par la feuille de route sur l'assouplissement du régime des visas qui s'applique à l'ensemble des États membres. Rappelant que les citoyens turcs ne devraient pouvoir se déplacer sans visa que lorsque les normes seront respectées, il a invité la Commission à apporter une aide technique afin que les conditions énoncées par la feuille de route soient remplies.
Avancées des pourparlers relatifs à la réunification de Chypre : le Parlement sest félicité des avancées considérables réalisées dans les pourparlers relatifs à la réunification de Chypre sous l'égide des Nations unies. Il sest dit favorable à l'évolution de Chypre vers une fédération bicommunautaire et bizonale, dotée d'une souveraineté unique, d'une personnalité juridique internationale unique et d'une citoyenneté unique assortie d'une égalité politique entre les deux communautés. Saluant la possibilité d'un nouveau référendum sur la réunification, les députés ont souligné limportance pour l'ensemble de la région ainsi que pour l'Europe et l'Union européenne, de trouver une solution au problème chypriote, qui dure depuis des décennies.
Enfin, le Parlement a demandé à la Turquie de remplir son obligation d'appliquer à l'égard de l'ensemble des États membres, y compris Chypre, le protocole additionnel à l'accord d'association UE-Turquie de manière intégrale et non discriminatoire, ce qui pourrait insuffler un nouvel élan au processus de négociation.