Mise en œuvre de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes dans une perspective d'égalité entre hommes et femmes

2015/2118(INI)

La commission des droits de la femme et de l'égalité des genres a adopté le rapport de Catherine BEARDER (ALDE, UK) sur la mise en œuvre de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes dans une perspective d'égalité entre hommes et femmes.

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, exerçant les prérogatives de commission associée conformément à l’article 54 du règlement intérieur du Parlement, a également été consultée pour émettre un avis sur le présent rapport.

Les députés rappellent en premier lieu que la traite des êtres humains (TEH) est une violation des droits fondamentaux selon l'article 5 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi qu'une atteinte à l'intégrité personnelle de la victime et une forme grave de criminalité organisée qui menace l'État, notamment l'État de droit. De nombreux niveaux de gouvernance lutte contre ce phénomène grave dont l'Union européenne au travers de la directive 2011/36/UE qui établit un cadre juridique pour mieux permettre les poursuites pénales contre les trafiquants.

La crise actuelle des réfugiés a en outre démontré l'absence d'instruments adéquats à l'échelon européen pour lutter ensemble contre la traite des êtres humains, notamment lorsque celle-ci a pour but l'exploitation sexuelle de femmes et d'enfants.

Les députés mettent en évidence le fait que 80% des victimes sont des femmes et que les enfants représentent environ 16% des victimes enregistrées de la TEH. Les statistiques montrent, par ailleurs, que 70% des victimes de TEH et 70% des trafiquants suspectés sont des ressortissants de l'Union.

Le rapport évoque en même temps le fait que la TEH est un phénomène complexe et transnational qui ne peut être combattu de manière efficace que si les institutions de l'Union et les États membres agissent de concert et de manière coordonnée pour éviter la course à la juridiction la plus favorable par les criminels et les organisations criminelles.

Évaluation générale des mesures prises pour remédier à la dimension de genre de la TEH dans la mise en œuvre de la directive : les députés relèvent que la directive 2011/36/UE devait être transposée dans les législations nationales des États membres pour le 6 avril 2013, et que tous les États membres, sauf un, ont notifié à la Commission la transposition de cette directive en droit national. Ils demandent aux États membres d'accélérer la mise en œuvre complète et correcte de la directive 2011/36/UE.

Ils insistent sur le fait que la dimension de genre doit faire l'objet d'un contrôle continu lors de la mise en œuvre de la législation de l'Union européenne en matière de lutte contre la TEH. Ils soulignent que les femmes et les hommes, les filles et les garçons sont vulnérables de différentes manières, et sont souvent victimes de la traite à des fins différentes, et que des mesures de prévention, d'aide et de soutien doivent tenir compte de l'appartenance sexuelle.

Les députés se félicitent de la création, par la Commission, d'une page web dénonçant la traite, qui comporte une base de données concernant les projets financés par l'Union dans l'Union et ailleurs, des informations mises à jour sur les instruments juridiques et politiques de l'Union, les moyens disponibles dans les États membres contre la traite d'êtres humains, les possibilités de financement et les initiatives de l'Union.

Ils estiment que les demandeurs d'asile, les réfugiés et les migrants sont particulièrement vulnérables au regard de la traite et qu'il convient d'accorder une attention particulière aux femmes, aux enfants ainsi qu'à d'autres groupes vulnérables. Les députés demandent également à la Commission et aux États membres d'étudier le lien existant entre l'augmentation du nombre d'arrivées de réfugiés et la TEH.

Perspective de genre dans la prévention de la TEH : les députés soulignent la nécessité d'une approche reposant sur 4 stratégies clés:

  • la prévention,
  • la poursuite pénale,
  • la protection des victimes et
  • le partenariat à plusieurs niveaux.

Ils plaident en faveur d'une démarche cohérente en matière de poursuites des infractions liées à la traite des êtres humains et demandent aux États membres d'intensifier leurs enquêtes et leurs poursuites. Ils demandent une démarche cohérente en matière de poursuites des infractions liées à la traite des êtres humains et appellent les États membres à intensifier leurs enquêtes et leurs poursuites. Ils invitent à cet égard les États membres à accroître la coopération et la collaboration transfrontalières avec les agences de l'Union compétentes. Dans ce contexte, les députés invitent les agences relevant de la justice et des affaires intérieures (JAI), telles que Eurojust, Europol, FRA, Frontex, CEPOL ou EASO, à élaborer un programme durable pour l'amélioration de l'équilibre hommes-femmes dans les processus décisionnels pertinents au regard de la traite d'êtres humains.

Les députés appellent par ailleurs les États membres à prendre davantage de mesures préventives, telles que l'organisation de campagnes d'information et de sensibilisation, de formations spécifiquement destinées aux hommes, d'ateliers ciblés avec des populations vulnérables ou d'activités pédagogiques dans les écoles, notamment pour promouvoir l'égalité et lutter contre les stéréotypes et les violences sexistes, eu égard au fait que l'égalité de traitement pour tous devrait constituer un objectif pour la société dans son ensemble.

Plus globalement, les députés invitent l'Union européenne à prêter attention aux nouvelles formes de traite et d'exploitation des êtres humains, y compris l'exploitation des fonctions reproductives, la traite des nouveau-nés, et à les mettre en évidence. Ils soulignent que le mariage forcé peut être perçu comme une forme de traite des êtres humains s'il contient un élément d'exploitation de la victime.

La dimension de genre de l'aide et du soutien aux victimes, ainsi que de leur protection : les députés craignent que les victimes ne soient pas toutes en mesure d'accéder aux services facilement ou d'avoir connaissance de leur existence. Ils notent que les victimes de la TEH ont besoin de services spécialisés, notamment d'un accès à un hébergement sûr, à court ou à long terme, de programmes de protection des témoins, de services de soin de santé et de soutien psychologique, de services de traduction et d'interprétation, etc. Ils demandent à la Commission de présenter une stratégie européenne contre les violences sexistes comportant une proposition législative sur les violences faites aux femmes, qui comprenne la TEH.

De leur côté, les États membres sont appelés à:

  • mettre en place des lignes d'assistance téléphonique que les victimes de la traite des êtres humains et de l'exploitation peuvent appeler pour demander une aide et des conseils;
  • fournir gratuitement, une assistance juridique, notamment des services de conseil et de représentation, une aide psychologique et médicale, ainsi que des informations sur les droits en matière d'assistance et de soins de santé;
  • offrir une aide juridique aux victimes de la traite non seulement dans les procédures pénales, mais également dans les procédures en matière civile, de travail, d'immigration ou d'asile qui les concernent.

Évaluation d'autres mesures sensibles au genre prises dans la mise en œuvre de la directive : constatant que l'actuelle stratégie de l'Union pour l'éradication de la TEH expire en 2016, les députés invitent la Commission à évaluer cette stratégie et à en élaborer une nouvelle qui repose sur une démarche fondée sur les droits fondamentaux. Celle-ci devrait être axée sur les victimes, tenir compte des différences hommes-femmes et définir des mesures concrètes à cet égard. Elle devrait en outre accorder une place adéquate à la prévention, et décourager la demande, laquelle alimente toutes les formes de traite.

Parallèlement, les députés demandent aux États membres de collecter des données plus détaillées et actuelles en compilant les informations statistiques fiables rassemblées auprès de tous les principaux acteurs, en veillant à ce que ces données soient homogènes et ventilées par sexe, âge, type d'exploitation (selon les sous-catégories dans la typologie de la TEH), pays d'origine et pays de destination, et en y incluant les personnes victimes internes de la traite, afin de mieux identifier les victimes potentielles et de prévenir la criminalité. Les États membres devraient également développer le partage des données pour mieux évaluer la dimension de genre et les récentes tendances en matière de TEH, pour lutter plus efficacement contre la traite.

Les députés observent, malgré une claire définition de la TEH dans la directive, que la législation nationale dans les États membres a adopté un certain nombre de définitions différentes. Ils prient donc enfin la Commission d'examiner cette question et de faire état des répercussions de ces différences de définitions dans la pratique sur l'application de la directive.