Le Parlement européen a adopté par 391 voix pour, 43 contre et 53 abstentions, une résolution sur la mise en uvre de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes dans une perspective d'égalité entre hommes et femmes.
Le Parlement rappelle en premier lieu que la traite des êtres humains (TEH) est une violation des droits fondamentaux selon l'article 5 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi qu'une atteinte à l'intégrité personnelle de la victime et une forme grave de criminalité organisée qui menace l'État, notamment l'État de droit. De nombreux niveaux de gouvernance lutte contre ce phénomène grave dont l'Union européenne au travers de la directive 2011/36/UE qui établit un cadre juridique pour mieux permettre les poursuites pénales contre les trafiquants.
La crise actuelle des réfugiés a en outre démontré l'absence d'instruments adéquats à l'échelon européen pour lutter ensemble contre la traite des êtres humains, notamment lorsque celle-ci a pour but l'exploitation sexuelle de femmes et d'enfants.
Le Parlement met en évidence le fait que 80% des victimes sont des femmes et que les enfants représentent environ 16% des victimes enregistrées de la TEH. Les statistiques montrent, par ailleurs, que 70% des victimes de TEH et 70% des trafiquants suspectés sont des ressortissants de l'Union.
Le Parlement évoque en même temps le fait que la TEH est un phénomène complexe et transnational qui ne peut être combattu de manière efficace que si les institutions de l'Union et les États membres agissent de concert et de manière coordonnée pour éviter la course à la juridiction la plus favorable par les criminels et les organisations criminelles.
Évaluation générale des mesures prises pour remédier à la dimension de genre de la TEH dans la mise en uvre de la directive : le Parlement relève que la directive 2011/36/UE devait être transposée dans les législations nationales des États membres pour le 6 avril 2013, et que tous les États membres, sauf un, ont notifié à la Commission la transposition de cette directive en droit national. Il demande aux États membres d'accélérer la mise en uvre complète et correcte de la directive 2011/36/UE. Le Parlement exige des États membres qu'ils adoptent des mesures qui tiennent compte des différences hommes-femmes dans le cadre de la mise en uvre de la directive. Il insiste sur le fait que la dimension de genre doit faire l'objet d'un contrôle continu lors de la mise en uvre de la législation de l'Union européenne. Il souligne également que les femmes et les hommes, les filles et les garçons sont vulnérables de différentes manières, et sont souvent victimes de la traite à des fins différentes, et que des mesures de prévention, d'aide et de soutien doivent tenir compte de l'appartenance sexuelle.
Le Parlement se félicite parallèlement de la création, par la Commission, d'une page web dénonçant la traite, qui comporte une base de données concernant les projets financés par l'Union dans l'Union et ailleurs, des informations mises à jour sur les instruments juridiques et politiques de l'Union, les moyens disponibles dans les États membres contre la traite d'êtres humains, les possibilités de financement et les initiatives de l'Union.
Réfugiés et demandeurs dasile : le Parlement estime que les demandeurs d'asile, les réfugiés et les migrants sont particulièrement vulnérables au regard de la traite et qu'il convient d'accorder une attention particulière aux femmes, aux enfants ainsi qu'à d'autres groupes vulnérables. Il demande également à la Commission et aux États membres d'étudier le lien existant entre l'augmentation du nombre d'arrivées de réfugiés et la TEH.
Le Parlement estime qu'il convient de prendre davantage en considération la situation des victimes transgenres qui devraient être considérées comme un groupe vulnérable puisqu'elles sont particulièrement exposées au risque de tomber entre les mains de trafiquants. Il estime que ce facteur de vulnérabilité devrait être pris en considération lorsque les États membres envisagent des formations à prodiguer aux fonctionnaires susceptibles d'être en contact avec des victimes de la traite des êtres humains.
Perspective de genre dans la prévention de la TEH : le Parlement souligne la nécessité d'une approche reposant sur 4 stratégies clés:
Il plaide en faveur d'une démarche cohérente en matière de poursuites des infractions liées à la traite des êtres humains et demande aux États membres d'intensifier leurs enquêtes et leurs poursuites. Il demande une démarche cohérente en matière de poursuites des infractions liées à la traite des êtres humains et appelle les États membres à intensifier leurs enquêtes et leurs poursuites. Il invite à cet égard les États membres à accroître la coopération et la collaboration transfrontalières avec les agences de l'Union compétentes. Dans ce contexte, le Parlement invite les agences relevant de la justice et des affaires intérieures (JAI), telles que Eurojust, Europol, FRA, Frontex, CEPOL ou EASO, à élaborer un programme durable pour l'amélioration de l'équilibre hommes-femmes dans les processus décisionnels pertinents au regard de la traite d'êtres humains.
Il observe également la nécessité pour les pays d'accueil des migrantes en séjour légal de prévoir un accès aisé à l'apprentissage des langues et à d'autres moyens d'intégration sociale.
Le Parlement appelle par ailleurs les États membres à prendre davantage de mesures préventives, telles que l'organisation de campagnes d'information et de sensibilisation, de formations spécifiquement destinées aux hommes, d'ateliers ciblés avec des populations vulnérables ou d'activités pédagogiques dans les écoles pour promouvoir l'égalité et lutter contre les stéréotypes. Il souligne qu'en raison de la nature coercitive et trompeuse du crime, les victimes peuvent être incapables de reconnaître leur propre vulnérabilité. Il invite les États membres à appliquer pleinement les articles 11 à 17 de la directive 2011/36/UE concernant la protection et l'aide en faveur des victimes suivant une démarche différenciée selon le sexe. Le Parlement critique vivement au passage le fait que le recours aux services de personnes victimes de TEH ne soit pas encore une infraction pénale dans tous les États membres.
Plus globalement, le Parlement invite l'Union européenne à prêter attention aux nouvelles formes de traite et d'exploitation des êtres humains, y compris l'exploitation des fonctions reproductives et la traite des nouveau-nés, et à les mettre en évidence. Il souligne que le mariage forcé peut être perçu comme une forme de traite des êtres humains s'il contient un élément d'exploitation de la victime.
De manière générale, le Parlement estime que les victimes de la traite doivent avoir le droit d'être aidées et protégées.
Prostitution : le Parlement demande que les victimes de la traite des êtres humains ne fassent pas l'objet de poursuites, de sanctions ou de peines, et souligne que cela implique la non-application de sanctions ou de peines à l'encontre des personnes qui se prostituent. Il relève l'absence de consensus entre les États membres sur ce qui constitue la demande d'exploitation, et invite la Commission et les États membres à proposer des lignes directrices en vue de sanctionner les clients, sur le modèle des pays scandinaves, tout en sensibilisant à toutes les formes de TEH, en particulier l'exploitation sexuelle, ainsi qu'à d'autres formes d'exploitation, telles que la servitude domestique. Il insiste sur les données qui confirment l'effet dissuasif de la criminalisation de l'achat de services sexuels en Suède et souligne l'effet normatif de ce modèle de réglementation et du potentiel qu'il recèle du point de vue de l'évolution des attitudes sociales en vue de réduire la demande globale. Parallèlement, le Parlement demande des campagnes destinées à décourager la demande de services sexuels à des victimes de la traite. Il demande à la Commission d'examiner plus avant les liens entre la demande de services sexuels et la traite d'êtres humains. Il estime que la demande peut être réduite par un dispositif législatif faisant peser la charge pénale sur ceux qui achètent des services sexuels auprès de personnes victimes de TEH plutôt que sur ceux qui les vendent.
Le Parlement s'inquiète du développement du phénomène de manipulation psychologique à des fins sexuelles ("grooming") et rappelle que leurs victimes sont en situation de dépendance émotionnelle ce qui rend le travail d'enquête plus difficile puisqu'elles sont moins facilement détectées en tant que victimes de la TEH et refusent souvent de témoigner contre l'auteur de la manipulation.
La dimension de genre de l'aide et du soutien aux victimes, ainsi que de leur protection : le Parlement craint que les victimes ne soient pas toutes en mesure d'accéder aux services facilement ou d'avoir connaissance de leur existence. Il note que les victimes de la TEH ont besoin de services spécialisés, notamment d'un accès à un hébergement sûr, à court ou à long terme, de programmes de protection des témoins, de services de soin de santé et de soutien psychologique, de services de traduction et d'interprétation, etc. Il demande à la Commission de présenter une stratégie européenne contre les violences sexistes comportant une proposition législative sur les violences faites aux femmes, qui comprenne la TEH.
De leur côté, les États membres sont appelés à:
Le Parlement souligne que l'effet cumulatif des discriminations sur la base de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre rend les personnes LGBTI particulièrement vulnérables à la traite des êtres humains. Il souligne également qu'il est important que tous les États membres reconnaissent le droit systématique des femmes victimes de la TEH à bénéficier de services sûrs d'avortement. La Plénière demande en outre aux États membres de veiller à ce que les ressortissants de l'Union ou de pays tiers qui sont victimes de traite puissent bénéficier d'un permis de séjour.
Évaluation d'autres mesures sensibles au genre prises dans la mise en uvre de la directive : constatant que l'actuelle stratégie de l'Union pour l'éradication de la TEH expire en 2016, le Parlement invite la Commission à évaluer cette stratégie et à en élaborer une nouvelle qui reposerait sur une démarche fondée sur les droits fondamentaux. Celle-ci devrait être axée sur les victimes, tenir compte des différences hommes-femmes et définir des mesures concrètes à cet égard. Elle devrait en outre accorder une place adéquate à la prévention, et décourager la demande, laquelle alimente toutes les formes de traite.
Parallèlement, le Parlement demande aux États membres de collecter des données plus détaillées et actuelles en compilant les informations statistiques fiables rassemblées auprès de tous les principaux acteurs, en veillant à ce que ces données soient homogènes et ventilées par sexe, âge, type d'exploitation (selon les sous-catégories dans la typologie de la TEH), pays d'origine et pays de destination. Les États membres devraient également développer le partage des données pour mieux évaluer la dimension de genre et les récentes tendances en matière de TEH, pour lutter plus efficacement contre la traite.
Le Parlement demande à la Commission d'accorder une plus grande priorité à la lutte contre la traite dans le programme européen en matière de migration (COM(2015)0240) pour encourager les victimes à traduire les trafiquants en justice.
Il observe, malgré une claire définition de la TEH dans la directive, que la législation nationale des États membres diffère en matière de définition. Il prie donc la Commission d'examiner cette question et de faire état des répercussions de ces différences de définitions dans la pratique sur l'application de la directive.
Enfin, le Parlement invite la Commission à encourager les États membres à ratifier la convention d'Istanbul, dès lors qu'il s'agit d'un instrument efface pour prévenir et combattre les violences à l'égard des femmes, notamment la traite, ainsi que pour protéger et aider les victimes.