Rapport de l'Union 2015 sur la cohérence des politiques pour le développement

2015/2317(INI)

Le Parlement européen a adopté par 523 voix pour, 79 voix contre et 72 abstentions, une résolution sur le rapport 2015 de l'Union sur la cohérence des politiques pour le développement.

Le Parlement rappelle qu'un milliard et demi de personnes vivent dans la pauvreté et n'ont pas accès aux soins de santé, à l'éducation ni à un revenu décent et que la majorité de ces personnes sont des femmes. Dans ce contexte, il rappelle que la cohérence des politiques pour le développement (CPD) est essentielle pour la conception et la réalisation du nouveau programme de développement durable.

La CPD dans le cadre du programme 2030 : le Parlement estime que la CPD doit contribuer à l'établissement de l'état de droit et d'institutions impartiales ainsi qu'à relever le défi d'une bonne gouvernance dans les pays en développement. Il déplore le peu de progrès dans la mise en œuvre des principes de CPD et appelle à un débat dans ce domaine dans le cadre du programme de développement durable à l'horizon 2030 et de ses 17 nouveaux objectifs universels et indivisibles.

Il demande que la CPD soit examinée lors d'une réunion du Conseil européen, afin qu'elle donne lieu à un débat interinstitutionnel auquel participeraient la Commission, le SEAE, le Conseil et le Parlement, ainsi qu'à un débat au niveau national. Il demande également l’élaboration de recommandations concrètes, à l'intention des chefs d'État ou de gouvernement de l'Union, sur les modalités de mise en œuvre de la CPD et d'intégration des stratégies de l'Union pour une meilleure mise en œuvre des objectifs pour le développement durable.

Le Parlement  salue le paquet "Mieux légiférer" adopté par la Commission le 19 mai 2015 et se félicite de ce que la CPD soit spécifiquement mentionnée comme une exigence juridique dans l'outil 30 des lignes directrices pour une meilleure réglementation (COM(2015)0215). La Plénière regrette toutefois que, bien que les analyses d'impact constituent un outil essentiel à la réalisation de la CPD, les évaluations de l'impact sur le développement demeurent peu nombreuses et n'abordent pas suffisamment les conséquences de la législation analysée sur les pays en développement. Elle espère que le paquet "Mieux légiférer" et ses lignes directrices amélioreront cette situation en inscrivant le développement et les droits de l'homme parmi les paramètres de toutes les analyses d'impact et en améliorant leur transparence.

Le Parlement demande à la Commission de consulter systématiquement les organisations des droits de l'homme à un stade précoce du processus décisionnel en matière de développement et appelle à plus de coordination institutionnelle entre les institutions de l'Union et les États membres. De même, il demande aux gouvernements des États membres d'intégrer la CPD dans un acte juridique contraignant.

Le Parlement se félicite de la consultation publique menée sur la feuille de route qui vise à déterminer le résultat de la CPD et ses incidences sur les pays en développement. Il estime qu'il est nécessaire de réaliser des évaluations ex post plus systématiques durant la mise en œuvre des politiques de l'Union.

Rappelant le rôle important que le Parlement européen doit jouer dans le processus de promotion de la CPD, ce dernier évoque la nécessité d’un niveau suffisant de ressources et de personnel pour mettre en œuvre la CPD. Dans ce contexte, il invite la Commission à déceler sans tarder les incohérences et à publier une analyse de leur coût, ainsi qu'à mettre au point des mécanismes adéquats de suivi et de contrôle des progrès concernant la CPD. Il souligne en outre la nécessité de renforcer la CPD dans le cadre de la révision du consensus européen pour le développement et des débats sur l'accord de l'après-Cotonou.

Le Parlement revient ensuite sur un certain nombre de domaines prioritaires et s’exprime comme suit :

- Immigration : constatant que l'Union faisait face à la crise des réfugiés la plus grave qu'elle ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, le Parlement demande que l’on renforce le lien entre les politiques d'immigration et de développement afin de traiter les causes profondes de ce phénomène. Il estime que la réaction à la crise ne devrait pas être centrée exclusivement sur la sécurité et que les objectifs de développement devraient être mieux intégrés si l’on veut rendre les politiques migratoires de l’Union compatibles avec celles qui visent à réduire la pauvreté dans les pays en développement. Le Parlement souligne par ailleurs que l'Union a besoin d'harmoniser davantage ses politiques en matière d'asile et d'immigration et mettre en place une politique commune unique en la matière. Afin de renforcer la cohérence entre les politiques de migration et de développement, le Parlement invite l’Union et ses États membres à ne pas communiquer le coût des réfugiés au titre de l’aide publique au développement, car ce procédé a d’énormes coûts d’opportunité au détriment des programmes de développement.

- Commerce et finances : le Parlement rappelle que l'Union et ses États membres, collectivement, sont toujours le premier donateur d'aide pour le commerce dans le monde (11,7 milliards EUR en 2013). Il rappelle que la libéralisation du commerce n'a pas nécessairement un effet positif sur l'éradication de la pauvreté, car elle peut avoir des effets négatifs sur le développement durable. Il rappelle également que les États membres se sont engagés à faire des efforts concrets pour atteindre l'objectif de consacrer 0,7% de leur produit intérieur brut à l'APD et souligne que les accords commerciaux devraient contribuer à promouvoir le développement durable. Il rappelle que la politique d'investissement de l'Union, en particulier lorsqu'elle fait appel à de l'argent public, doit contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable et appelle à stimuler le recours aux systèmes d'adjudication des pays en développement pour les programmes d'aide afin de soutenir les activités gérées par le secteur public et de renforcer le secteur privé (sous forme de Partenariats public-privé - PPP).

Le Parlement rappelle toutefois que l'aide, à elle seule, ne suffit pas. Il estime que des sources nouvelles et plus diverses de financement doivent être envisagées, comme une taxe sur les transactions financières, une taxe sur le CO2, une taxe sur les billets d'avion, un prélèvement sur l'exploitation des ressources naturelles, etc. Il insiste à cet égard sur l'importance de créer des conditions favorables à l'entreprise privée dans les pays en développement.

Il demande par ailleurs à l'Union d'élaborer un cadre qui régisse le respect, par les entreprises, des droits de l'homme et des normes sociales et environnementales. De même, il plaide en faveur d'un régime fiscal efficace, équitable et transparent, qui soit conforme au principe de bonne gouvernance. Il demande ainsi à l'Union de veiller à ce que les entreprises paient leurs impôts dans les pays où elles génèrent ou créent de la valeur. Le Parlement appelle également l'Union à soutenir la mise en place d'un nouvel organe intergouvernemental sous les auspices des Nations unies en matière de coopération internationale sur les questions fiscales. Il demande à l'Union de soutenir les pays en développement en renforçant leurs capacités dans les domaines de l'administration fiscale, de la gouvernance financière et de la gestion des finances publiques et à les aider à juguler les flux financiers illicites.

- Sécurité alimentaire : le Parlement souligne que si l'on souhaite que les objectifs les plus ambitieux du programme 2030, à savoir l'élimination complète de la faim et l'éradication de toutes les formes de malnutrition, soient atteints, il faut promouvoir des cadres réglementaires solides et assortis de critères clairs. Dans ce contexte, il appelle l'Union à évaluer systématiquement l'incidence de ses politiques dans les domaines de l'agriculture, du commerce et de l'énergie (concernant les biocarburants, par exemple), entre autres, sur la sécurité alimentaire dans les pays en développement. La Commission est appelée à continuer de se concentrer sur la petite agriculture (coopératives microentreprises, petites et moyennes entreprises et travailleurs agricoles) et à promouvoir des pratiques agro-écologiques durables. Le Parlement insiste pour que l'Union soutienne la mise en place d'industries de transformation dans le secteur agricole et l'amélioration des techniques de conservation des produits alimentaires. Il demande surtout à l’Union européenne et à ses États membres de contribuer à la prévention de l’accaparement des terres.

- Changement climatique : le Parlement soutient une action résolue de l'Union, de ses États membres et de tous ses partenaires internationaux dans la mise en œuvre de l'accord de la COP 21 de Paris sur le climat. L'Union et les autres pays développés doivent continuer à soutenir les actions en faveur du climat afin de réduire les émissions et renforcer la résilience des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés, aux incidences du changement climatique. Il rappelle dès lors qu'il est primordial de financer suffisamment la lutte contre le changement climatique et le processus de transition énergétique. Il souligne aussi que si le réchauffement climatique n'est pas limité à un niveau nettement inférieur à 2 °C, les retombées positives du développement pourraient en être amoindries. Il demande dès lors à l'Union d'adopter une approche volontariste face au défi climatique mondial, en fixant des priorités stratégiques à tous les niveaux et dans tous les secteurs.

- Dimension hommes-femmes : le Parlement demande à l’Union d’intégrer réellement l’égalité entre les hommes et les femmes et l’émancipation des femmes dans l’ensemble de ses politiques, notamment ses politiques budgétaires, et de veiller à ce que ses politiques extérieures contribuent à combattre toutes les formes de discrimination, notamment celles à l'égard des personnes LGBTI.

- Sécurité : le Parlement invite l'Union à renforcer ses capacités en matière de prévention des crises et de réaction rapide à celles-ci, ainsi que les synergies entre la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et les instruments de développement. Il estime que la création d'un nouvel instrument consacré spécifiquement à l'interdépendance entre sécurité et développement pourrait réduire les incohérences et accroître l'efficacité de la CPD. Cet instrument ne devrait pas être financé par les instruments de développement, mais au moyen de nouveaux crédits budgétaires. Il appelle à une collaboration renforcée, lors du traitement des crises, entre la Commission, le SEAE et les États membres en vue de réaliser une analyse complète qui permette un choix éclairé entre les actions qui relèvent de la PSDC et celles qui n'en font pas partie.

Sur la question de la sécurité au Sahel, le Parlement indique que la force africaine de réaction rapide, ainsi que le plan d'action régional en faveur du Sahel pour la période 2015-20202 constituent de bons exemples de mise en œuvre réussie de l'approche globale de l'Union, qui combinent sécurité, développement et gouvernance.

Enfin, le Parlement invite la Commission et les États membres à continuer de renforcer les liens entre l’aide humanitaire, la coopération au développement et la résilience aux catastrophes, afin de permettre une réaction plus souple et plus efficace aux besoins croissants dans ces domaines.