Règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur

2016/0011(CNS)

Le Parlement européen a adopté par 486 voix pour, 88 contre et 103 abstentions, dans le cadre d’une procédure législative spéciale (consultation du Parlement), une résolution législative sur la proposition de directive du Conseil établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

Le Parlement a approuvé la proposition de la Commission sous réserve des amendements suivants :

Une priorité politique : selon les députés, l'Union devrait considérer que la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale constitue une priorité politique de premier ordre car les pratiques de planification fiscale agressive sont inacceptables du point de vue de l'intégrité du marché intérieur et de la justice sociale.

La résolution a précisé qu’il était essentiel de donner des moyens adaptés aux administrations fiscales afin qu'elles puissent lutter, de manière efficace, contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices et ainsi améliorer la transparence dans les activités des grandes multinationales, notamment en ce qui concerne les bénéfices réalisés, les impôts payés sur les bénéfices, les subventions reçues, les remboursements des impôts payés, le nombre de salariés et les actifs détenus.

Établissement stable : le Parlement a estimé que la notion d'établissement stable permettrait d'avoir une définition précise et obligatoire des conditions qui attestent qu'une entreprise multinationale est bien implantée dans un pays donné.

Dans un souci de cohérence concernant le traitement des établissements stables, les députés ont jugé essentiel que les États membres appliquent, à la fois dans la législation concernée et dans les conventions fiscales bilatérales, une définition commune de l'établissement stable.

Selon le texte amendé, cette définition devrait désigner toute installation fixe d'affaires située dans un État membre dans laquelle l'activité d'une société d'un autre État membre est exercée en tout ou partie; cela recouvrirait également les cas dans lesquels des sociétés se livrant à des activités numériques complètement dématérialisées sont considérées comme ayant un établissement stable dans un État membre si elles maintiennent une présence significative dans l'économie de cet État membre.

Juridictions opaques ou à faible taux d'imposition : les députés ont rappelé que le transfert de bénéfices dans des juridictions pratiquant le secret des opérations ou un régime fiscal privilégié présentait un risque particulier pour les recettes fiscales des États membres ainsi que pour le traitement égal et équitable des entreprises, grandes ou petites.

C’est pourquoi, en plus des mesures d'application générale que la directive propose pour toutes les juridictions, des mesures spécifiques devraient être proposées pour utiliser la directive en tant qu'instrument permettant de veiller à ce que les juridictions qui pratiquent actuellement le secret des opérations et un régime fiscal privilégié s'alignent sur les efforts déployés au niveau international en vue de la transparence et de l'équité fiscales.

En particulier, le texte amendé précise que les paiements effectués par une entité d'un État membre en faveur d'une entité située dans une juridiction opaque ou à faible taux d'imposition, devraient pouvoir faire l'objet d'une retenue à la source. Les États membres devraient mettre à jour les conventions en matière de double imposition qui empêchent l'application d'un tel niveau de retenue à la source afin de supprimer les obstacles juridiques à cette mesure de défense collective.

Prix de transfert : la définition des «prix de transfert» a été précisée. Il s’agit des prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels ou des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées.

Dans un considérant, il est précisé que le terme «prix de transfert» se rapporte aux conditions et modalités entourant les transactions réalisées au sein d'une entreprise multinationale, y compris les filiales et les sociétés écrans dont les bénéfices sont cédés à une multinationale mère. L'Union devrait s'assurer que les profits imposables des entreprises multinationales ne sont pas transférés artificiellement hors de leur juridiction et que les bases fiscales déclarées par les entreprises multinationales dans leur pays reflètent l'activité économique qui y est entreprise.

Clause de «switch-over» : les États membres ne devraient pas exonérer un contribuable de l'impôt sur les revenus étrangers, ne provenant pas de l'exercice effectif d'une activité, qu'il perçoit sous la forme d'une distribution de bénéfices de la part d'une entité située dans un pays tiers ou de revenus provenant d'un établissement stable situé dans un pays tiers lorsque l'entité stable est soumise, dans le pays de résidence de l'entité ou le pays où se situe l'établissement stable, à un impôt sur les bénéfices à un taux légal d'imposition sur les sociétés inférieur à 15%.

Sociétés «boîtes aux lettres» : selon le texte amendé, l'utilisation de sociétés de boîtes aux lettres par des contribuables opérant dans l'Union devrait être interdite. Les contribuables devraient communiquer aux autorités fiscales des preuves démontrant la substance économique de chacune des entités de leur groupe, dans le cadre de leur obligation de transmettre des informations annuelles pays par pays.

Liste noire : les députés ont estimé qu’une définition à l'échelle de l'Union ainsi qu'une «liste noire» exhaustive devraient être établies pour les paradis fiscaux et les pays, y compris ceux de l'Union, qui faussent la concurrence en proposant des régimes fiscaux favorables. Cette liste noire devrait être complétée par une liste des sanctions pour les juridictions non coopératives et les établissements financiers qui travaillent avec des paradis fiscaux.

Mécanisme de résolution des litiges : afin d'améliorer les mécanismes actuels pour résoudre les différends fiscaux transfrontaliers dans l'Union, en se concentrant non seulement sur les cas de double imposition, mais aussi sur la double non-imposition, un mécanisme de règlement des litiges avec des règles plus précises et des délais plus stricts devrait être introduit d’ici janvier 2017.

Dispositifs hybrides concernant des pays tiers : les députés ont estimé que si un montage hybride entre un État membre et un pays tiers entraînait une double déduction, l'État membre devrait refuser la déduction d'un tel paiement, à moins que le pays tiers ne l'ait déjà fait. Si un montage hybride entre un État membre et un pays tiers entraîne une déduction sans prise en compte, l'État membre devrait refuser la déduction ou la non-prise en compte d'un tel paiement, le cas échéant, à moins que le pays tiers ne l'ait déjà fait.

Taux d'imposition effectif : la Commission a été invitée à élaborer une méthode commune de calcul du taux d'imposition effectif dans chaque État membre, de manière à permettre de dresser un tableau comparatif des taux d'imposition effectifs dans les États membres.

Numéro d’identification fiscale européen : l'identification correcte des contribuables est essentielle pour un échange efficace d'informations entre les administrations fiscales. Les députés ont donc proposé que la Commission européenne présente une proposition législative en vue d'un numéro européen d'identification fiscale (NIF) commun et harmonisé d'ici au 31 décembre 2016, afin de rendre l'échange automatique d'informations fiscales plus efficace et fiable au sein de l'Union.

Brevets : jusqu'à présent, les multinationales utilisent les incitants au dépôt de brevets pour réduire artificiellement le montant de leurs bénéfices. Ce qui s'avère préjudiciable pour les pays réellement novateurs. Les députés ont proposé de soumettre ces multinationales à une taxe de sortie quand elles rapatrient le produit des brevets vers des pays faiblement taxés.

Proposition législative sur une ACCIS : le Parlement a noté qu’une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) en bonne et due forme, avec une clé de répartition appropriée et équitable, serait véritablement à même de «changer la donne» dans la lutte contre les stratégies artificielles de BEPS (érosion de la base d'imposition et  transfert de bénéfices). En conséquence, la Commission a été invitée à publier une proposition ambitieuse pour une ACCIS, dès que possible, et la branche législative devrait conclure les négociations sur ce dossier crucial dans les meilleurs délais.

Sanctions : les États membres devraient mettre en place un système de sanctions prévues par la législation nationale et en informer la Commission.

Examen et suivi : les députés ont suggéré que la Commission mette en place un mécanisme de suivi spécifique pour assurer la bonne mise en œuvre de la directive et l'interprétation homogène de ses mesures par les États membres. La Commission devrait évaluer la mise en œuvre de la directive trois ans après son entrée en vigueur et en rendre compte au Parlement européen et au Conseil. Les États membres devraient communiquer au Parlement européen et à la Commission toutes les informations nécessaires à cette évaluation.