Résolution sur le suivi de la résolution du Parlement européen du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA

2016/2573(RSP)

Le Parlement européen a adopté par 329 voix pour, 299 voix contre et 49 abstentions, une résolution préparée par sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur le suivi de la résolution du Parlement européen du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA.

État de droit et lutte contre le terrorisme : les députés rappellent qu’à diverses reprises il a demandé que la lutte contre le terrorisme se fasse dans le respect de l'état de droit, de la dignité humaine, des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils rappellent également que le Parlement a fermement condamné le programme américain de transfert et de détention secrète de la Central Intelligence Agency (CIA) pour de multiples violations des droits de l'homme, notamment la détention illégale et arbitraire, l'enlèvement, la torture et autre traitement inhumain ou dégradant, l'atteinte au principe de non-refoulement et la disparition forcée au moyen d'une utilisation par la CIA de l'espace aérien et du territoire européen.

De la même manière, les députés soulignent que le Parlement a aussi demandé à plusieurs reprises que soient menées des enquêtes approfondies sur l'implication d'États membres de l'Union dans le programme de détention secrète et de restitution extraordinaire de la CIA. Or, aux termes d'une étude sur le programme de détention américain (et son recours à différentes formes de torture de 2001 à 2006), il est apparu que certains États membres de l'Union ainsi que des agents de leurs services de sécurité et de renseignement, étaient complices du programme de la CIA.

Les députés ont également voulu rappeler que le procureur en chef des tribunaux militaires de Guantánamo, Mark Martins, avait admis la véracité des événements exposés dans l'étude susmentionnée.

Dans ce contexte, le Parlement réitère sa vive condamnation de l'usage de techniques avancées d'interrogatoire, qui sont interdites par le droit international et constituent des infractions, notamment au droit à la liberté, au droit à la sécurité, au droit à un traitement humain, au droit de ne pas être soumis à la torture et d’autres droits fondamentaux.

Il exprime sa forte préoccupation quant à l'apathie des États membres et des institutions de l'Union pour ce qui est de reconnaître les multiples violations des droits fondamentaux et de la torture qui ont eu lieu sur le sol européen entre 2001 et 2006 et regrette que seule une mission d'information multipartite a été effectuée en Roumanie en septembre 2015

Il appelle dès lors à l’organisation de missions d'information dans les États membres considérés dans l'étude du Sénat américain sur le programme de détention et d'interrogatoire de la CIA, comme des complices de ce programme, tels que la Lituanie, la Pologne, l'Italie et le Royaume-Uni.

Coopération transatlantique : rappelant l’importance de la coopération transatlantique pour les Parties, les députés estiment que cette dernière doit aussi se concentrer sur la lutte contre le terrorisme mais en respectant les droits fondamentaux, les libertés fondamentales et le respect de la vie privée, tels que garantis par la législation de l'Union. Ils appellent à la poursuite du dialogue politique entre les partenaires transatlantiques sur ces questions.

Une nouvelle fois, les députés appellent les États-Unis à enquêter et à engager des poursuites à l'encontre des multiples violations des droits de l'homme résultant des programmes de restitution et de prisons secrètes de la CIA mis en œuvre par la précédente administration américaine et à publier une étude en la matière.

Mauvais traitements à la prison de Guantánamo : tout en rappelant la condamnation absolue du Parlement de la torture et des disparitions forcées, les députés demandent aux États-Unis de respecter le droit international régissant les enquêtes sur le recours allégué à la torture et aux mauvais traitements à Guantánamo. Ils demandent en outre, une nouvelle fois, aux États membres d'enquêter sur les allégations selon lesquelles il y a eu, sur leur territoire, des prisons secrètes où des personnes ont été détenues dans le cadre du programme de la CIA (en particulier Lituanie, Roumanie et Pologne).

De manière générale, le Parlement demande à tous ses députés de soutenir pleinement et activement l'enquête portant sur la participation d'États membres de l'Union au programme secret de détention et de restitutions extraordinaires de la CIA, notamment de ceux qui ont exercé des fonctions gouvernementales dans les pays concernés lors des événements faisant l'objet de l'enquête.

Il demande à la Commission et au Conseil de faire rapport à la plénière avant la fin du mois de juin 2016 sur les mesures de suivi prises à la suite des recommandations et des demandes formulées par le Parlement européen dans son enquête sur les allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens.

Le Parlement déplore au passage que l'engagement du Président des États-Unis de fermer Guantánamo d'ici janvier 2010 n'ait pas encore été mis en œuvre et souligne que ce dernier, dans son discours sur l'état de l'Union du 20 janvier 2015, a réaffirmé sa détermination à tenir sa promesse, remontant à la campagne électorale de 2008.

La question de la «sécurité nationale» comme frein à la transparence : les députés rappellent que la transparence est la clé de voûte de toute société démocratique, la condition sine qua non pour que le gouvernement rende des comptes aux citoyens. Ils sont, dès lors, vivement préoccupés par la tendance croissante des gouvernements à invoquer excessivement la "sécurité nationale" dans le seul ou principal but d'empêcher le contrôle par les citoyens (auquel le gouvernement est tenu de rendre des comptes) ou par le pouvoir judiciaire (qui est le garant du droit national).

Enfin, le Parlement reste convaincu que des procès pénaux réguliers, dans le cadre de juridictions civiles, constituent la meilleure méthode pour régler le statut des détenus de Guantánamo. Il demande également aux autorités américaines de ne pas pratiquer la peine de mort sur les détenus à Guantánamo.