Réfugiés: inclusion sociale et intégration sur le marché du travail

2015/2321(INI)

La commission de l'emploi et des affaires sociales a adopté le rapport d’initiative de Brando BENIFEI (S&D, IT) sur les réfugiés: inclusion sociale et intégration sur le marché du travail.

La commission de la culture et de l'éducation, exerçant les prérogatives de commissions associées conformément à l’article 54 du règlement intérieur du Parlement, a également été consultée pour émettre un avis sur le présent rapport.

Les députés soulignent que l’UE devrait fonder sa réponse à la situation actuelle des réfugiés sur les principes de solidarité et de partage équitable des responsabilités, conformément à l'article 80 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE), et sur une stratégie globale favorisant l’amélioration des voies d'immigration sûres et légales.

Prenant acte du degré élevé d'hétérogénéité et du manque de clarté dans l'utilisation du terme "réfugié" dans les discours publics et politiques, les députés soulignent l'importance d'établir une distinction claire entre les réfugiés et les migrants économiques pour la mise en œuvre des différentes politiques européennes et internationales.

Ils soulignent également que des différences significatives existent entre les États membres en ce qui concerne les délais et les modalités de traitement des demandes de protection internationale et mettent en avant la lenteur des procédures pour obtenir le statut de réfugié, ce qui accroît leur difficulté à l’accès à l'éducation et au marché du travail et renforce leur vulnérabilité face au travail non déclaré et à la précarité. Les députés demandent dès lors une approche prévoyant une adaptation appropriée et une coopération en la matière afin d’aborder cette problématique sous toutes ses dimensions.

En tout état de cause, les députés rejettent la création de marchés de travail spécifiques aux réfugiés et approuvent l’accès des réfugiés aux salaires minimaux respectifs des États membres.

Rappelant l’importance de la question de genre en matière d’asile et les besoins spécifiques des femmes dans ce domaine, les députés soulignent l'importance de garantir, pour l'ensemble des réfugiés, notamment les filles et les femmes, un accès à l'éducation formelle, informelle et non formelle et à la formation à long terme combinées à des expériences professionnelles. Ils soulignent l'importance d'une approche d'intégration sur mesure fondée sur l'égalité des chances.

Défis à relever et chances à saisir : les députés en appellent à des mesures permettant l’accès des réfugiés et des demandeurs d'asile au logement, aux soins de santé, à l'éducation, à la protection sociale et au marché du travail, en vue de rétablir leur dignité et leur estime de soi. Ils rappellent que la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d'asile et la directive relative aux conditions d'accueil prévoient le droit d'accéder au marché du travail et à la formation professionnelle pour les demandeurs d'asile.

Ils soulignent que les conditions sur le marché du travail des pays d'accueil sont un des facteurs déterminants d'une intégration réussie et durable des réfugiés. La Commission et les États membres devraient dès lors continuer à accorder la priorité aux politiques et aux investissements visant à stimuler la création d'emplois de qualité pour la société dans son ensemble, en mettant plus particulièrement l'accent sur les personnes les plus vulnérables. Les députés estiment par ailleurs qu’il convient de tenir compte des disparités des situations sociales et économiques au sein même de l'Union au moment de la relocalisation des réfugiés afin de maximiser leurs chances d'intégration professionnelle.

Les députés insistent par ailleurs pour que les États membres veillent à ce que l'accueil de réfugiés aille de pair avec une solide politique d'intégration, incluant des cours de langue et d'orientation, offrant un aperçu exhaustif des valeurs et droits fondamentaux de l'Union et de l'insertion sociale.

D’un point de vue budgétaire, les députés soulignent que les dépenses publiques, couvrant les investissements extraordinaires dans des mesures et des programmes d'inclusion sociale et d'intégration sur le marché du travail, sont susceptibles d'avoir des effets positifs sur les PIB des États membres à court terme. Ils rappellent à cet égard l’existence des principaux fonds de l'Union disponibles pour l'inclusion sociale et l'intégration sur le marché du travail, notamment le Fonds social européen (FSE) et le Fonds "Asile, migration et intégration" (FAMI). Toutefois, les députés estiment que, comme ces fonds sont insuffisants, des investissements publics accrus et des ressources supplémentaires seront nécessaires pour apporter en priorité aux autorités locales, aux partenaires sociaux, aux acteurs sociaux et économiques, à la société civile et aux organisations de bénévoles un soutien financier direct en vue de mesures visant à intégrer rapidement les réfugiés et les demandeurs d'asile au sein de la société et sur le marché du travail (le FAMI, en particulier a d’ores et déjà épuisé toutes ses ressources économiques).

Les députés soulignent par ailleurs que les mesures d'intégration et d'inclusion destinées aux réfugiés et aux demandeurs d'asile ne devraient pas utiliser les ressources destinées à des programmes ayant pour cible d'autres groupes défavorisés. Ils demandent, dès lors, à la Commission d'envisager d'introduire une part minimale de 25% du budget de la politique de cohésion dans le FSE lors de la révision du cadre financier pluriannuel (CFP), en vue de garantir des ressources appropriées pour l'intégration sur le marché du travail à long terme. De manière plus générale, les députés demandent au Conseil d'ajuster, dans le cadre de la révision à venir du CFP, le plafond des crédits totaux et des différentes rubriques pour tenir compte des défis internes et externes liés à la crise des réfugiés et à l'adapter aux besoins des États membres qui sont le plus confrontés aux défis de l'intégration.

La réussite de l'intégration : les députés se disent fermement convaincus que l'intégration des réfugiés sur le marché du travail est difficile sans le soutien des micro, petites et moyennes entreprises à travers l'Union. Ils soutiennent les efforts de la Commission visant à mettre à jour l'Agenda européen en matière de migration, notamment en révisant le règlement Dublin III pour améliorer la solidarité, le partage des responsabilités et l'harmonisation des normes de protection entre les États membres. Toutefois, des efforts supplémentaires s’avèrent nécessaires pour créer un régime d'asile européen commun qui soit véritablement uniforme ainsi qu'une politique de migration légale, globale et durable, au sein de l'Union, qui réponde aux besoins du marché du travail en termes de compétences et au sein de laquelle les politiques d'inclusion sociale et d'intégration active jouent un rôle central. En attendant, la Commission devrait en faire davantage pour s'assurer que les règles existantes soient appliquées pleinement et efficacement.

Au passage, les députés regrettent que l'accord de répartition des réfugiés entre les États membres, adopté en septembre 2015, ne s'exécute pas de manière satisfaisante. Les quotas d'accueil de réfugiés ne sont pas respectés dans la plupart des États membres et il convient de les mettre en place aussi vite que possible.

Recommandations et meilleures pratiques : dans la foulée, le rapport fait une série de recommandations pour favoriser l’intégration des réfugiés sur le marché du travail des États membres.

Les députés invitent entre autre les États membres à :

  • garantir une intégration complète et rapide sur le marché du travail et une inclusion sociale des réfugiés, conformément au principe d'égalité de traitement, à la situation nationale du marché du travail et à la législation nationale et européenne;
  • raccourcir le temps de traitement des demandes de protection internationale;
  • garantir aux réfugiés et aux demandeurs d'asile un accès rapide, facile et égal à la formation, y compris à des stages et des apprentissages, afin de garantir leur intégration rapide, effective et complète;
  • mettre en place des plates-formes spécifiques et des portails internet multilingues qui fournissent des informations précises et aisément accessibles sur les possibilités de reconnaissance des diplômes;
  • faciliter le partage des expériences et pratiques accumulées à l'échelon municipal et à en tirer profit pour promouvoir des marchés du travail favorisant l'insertion de tous les résidents, y compris des bénéficiaires d'une protection internationale, et associer les villes et les autorités locales à l'élaboration et à la mise en œuvre de politiques d'inclusion sociale et économique.

La Commission est quant à elle appelée à:

  • envisager une révision ciblée de la directive relative aux conditions d'accueil, afin de veiller à ce que les personnes demandant une protection internationale aient accès au marché du travail le plus rapidement possible, et au plus tard 6 mois après le dépôt de leur demande;
  • encourager une convergence vers le haut des normes de protection sociale et une délivrance rapide des permis de travail dans les États membres;
  • redoubler d'efforts pour s'assurer que les réfugiés et les demandeurs d'asile aient véritablement accès au marché du travail, notamment en vérifiant que les États membres n'imposent pas de conditions d'accès à l'emploi trop restrictives;
  • proposer des lignes directrices visant à répondre à la question de la reconnaissance des qualifications et des compétences existantes des réfugiés;
  • envisager une révision de la directive "carte bleue" en vue d'assurer une plus grande flexibilité de celle-ci pour les bénéficiaires d'une protection internationale particulièrement qualifiés qui pourraient, en tant que ressortissants de pays tiers, bénéficier du système de "carte bleue", en tenant compte des conditions extraordinaires auxquelles les réfugiés et demandeurs d'asile sont confrontés;
  • renforcer les mesures de lutte contre toutes les formes de discrimination, de xénophobie et de racisme;
  • renforcer le dialogue avec les partenaires sociaux en vue d'identifier les possibilités d'emploi pour les réfugiés;
  • soutenir financièrement les actions transnationales assurant une transférabilité et une adaptabilité des bonnes pratiques – telles que les projets de tutorat et d'encadrement entre pairs.

Les députés demandent par ailleurs un redéploiement dans les plus brefs délais des crédits du FSE, du FAMI, du FEDER et du FEAD, afin de mieux aider les États membres qui supportent la charge principale de la crise des réfugiés.

La culture, l'éducation et le sport : les députés estiment enfin qu’il est urgent de garantir que les mineurs non accompagnés bénéficient d'une attention spécifique, afin de les protéger contre toutes les formes d'exploitation, notamment par le travail, de violence et de trafic. Ils invitent la Commission à accroître le poids de la culture, de l'éducation et de la formation dans les mesures opérationnelles entreprises dans le cadre de l'Agenda européen en matière de migration. Ils invitent l'Union européenne et les États membres à donner la priorité à l'intégration à travers des mesures précoces axées sur l'éducation, la formation, la culture et le sport.

Tout en soulignant que l'un des rôles importants du sport est d'encourager le dialogue social et interculturel, les députés rappellent qu’ils soutiennent les initiatives existantes d'organisations sportives et encouragent l'échange de bonnes pratiques entre les diverses entités engagées dans des activités sportives visant l'intégration sociale des réfugiés.

Ils insistent sur la nécessité, pour les États membres, de faciliter l'inscription des étudiants réfugiés à tous les niveaux d'enseignement et leur demande de consentir davantage d'efforts pour répartir les élèves dans l'ensemble de leurs établissements scolaires. De la même manière, les députés appellent l'Union européenne et les États membres à ouvrir des "couloirs éducatifs" en encourageant les accords avec les universités européennes et l'Union des universités de la Méditerranée (Unimed).

Des mesures sont également encouragées pour soutenir les enfants et les jeunes réfugiés et demandeurs d'asile qui intègrent le système scolaire, et pour garantir leur protection.

De manière générale, les députés recommandent l'organisation de cours supplémentaires de la langue du pays d'origine à l'intention des enfants réfugiés. A cet égard, les députés soulignent le rôle essentiel des enseignants dans l'intégration des enfants et des jeunes réfugiés et migrants dans le système éducatif. Ils invitent les États membres à aider les enseignants et les professeurs migrants à trouver un emploi dans l'enseignement afin qu'ils puissent à la fois améliorer leur situation et mettre leurs compétences linguistiques et pédagogiques ainsi que leur expérience au service des systèmes scolaires européens.

Les députés soutiennent en outre la démarche visant à mettre en place des services d'aide destinés aux enseignants et leur offrant rapidement une aide lorsqu'il s'agit de gérer les différents aspects de la diversité présente dans la classe, d'encourager le dialogue interculturel et de les orienter lorsqu'ils sont face à des conflits ou à des élèves risquant de se radicaliser.

Le recours à l'art comme outil d'intégration est également largement encouragé, de même que l’importance de développer davantage les applications, les vidéos et les exercices pédagogiques ainsi que les plates-formes d'apprentissage pour les réfugiés.