Lutte contre la criminalité organisée. Décision-cadre

2005/0003(CNS)

La Commission a présenté un rapport fondé sur l’article 10 de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil relative à la lutte contre la criminalité organisée.

La décision-cadre est principalement axée sur l’incrimination des infractions relatives à la participation à une organisation criminelle (article 2 de la décision-cadre) en se fondant sur les définitions d’«organisation criminelle» et d’«association structurée». Son champ d’application devrait donc englober les infractions généralement commises dans le cadre d’une organisation criminelle. Il devrait également prévoir des sanctions correspondant à la gravité de ces infractions commises par des personnes physiques et morales.

Le présent rapport évalue les mesures de transposition nationales de la décision-cadre de manière distincte pour les États membres qui fondent leur législation sur une infraction autonome telle que visée à l’article 2, d'une part, et pour les États qui adoptent des approches différentes, d'autre part. Il n’inclut pas le Royaume-Uni qui a exercé son droit de se retirer de cet instrument, lequel ne s’applique plus à ce pays depuis le 1er décembre 2014.

L’aperçu de la transposition de la décision-cadre dans les États membres révèle plusieurs divergences, qui peuvent être imputées, dans une large mesure, aux différentes traditions juridiques des États membres.

Infractions relatives à la participation à une organisation criminelle : la Commission estime que la décision-cadre ne réalise pas le rapprochement minimal requis en ce qui concerne la direction d'une organisation criminelle et la participation à celle-ci, basé sur un concept unique d’une telle organisation.

Ainsi, la Commission considère que la décision-cadre permet aux États membres de ne pas introduire le concept d’organisation criminelle, mais de continuer à appliquer le droit pénal national existant, en recourant aux règles générales relatives à la participation à des infractions spécifiques et à la préparation de ces dernières. Cela risque de créer d’autres divergences dans la mise en œuvre concrète de la décision-cadre.

Si la plupart des États membres ont défini des infractions autonomes relatives à la participation à une organisation criminelle, conformément à l’article 2, deux États membres (le Danemark et la Suède) ne l'ont pas fait.

Tous les États membres qui prévoient une infraction autonome couvrent la participation à une organisation criminelle [article 2, point a)], tandis que certains d’entre eux couvrent également l’association de malfaiteurs dans le cadre de la criminalité organisée [article 2, point b)]. Aucun État membre n’a choisi d’incriminer de façon distincte une telle association [article 2, point b)].

Plusieurs États membres vont au-delà des exigences minimales : certains d’entre eux ont élargi leurs dispositions nationales en ne mentionnant pas tous les éléments de la définition de la criminalité organisée, comme le critère de la recherche d’un avantage ou la portée des infractions principales, par exemple. En conséquence, la réglementation nationale s’applique à un plus grand nombre d’infractions, par exemple à celles qui n’ont pas nécessairement été commises pour obtenir un avantage (ou du moins lorsque cet avantage ne doit pas être démontré) ou à celles dont le champ d’application va au-delà de celui d’une infraction grave.

Outre les infractions visées à l’article 2, de nombreux États membres prévoient des mesures dont la décision-cadre ne fait pas mention, comme des infractions parallèles concernant certains types de groupes organisés qui se définissent par leur objectif ou leur mode opératoire.

Responsabilité des personnes morales (article 5) : tous les États membres (excepté Chypre) ont adopté des dispositions législatives concernant la responsabilité pénale ou non pénale des personnes morales impliquées dans des infractions relatives à la participation à une organisation criminelle.

Tous les États membres prévoient des dispositions ayant trait à la responsabilité des infractions commises pour le compte d’une personne morale par une personne qui la représente, mais seuls quinze d’entre eux font expressément mention de la responsabilité pour défaut de supervision ou d’encadrement de la part d’une personne ayant rendu possible la commission de l’infraction en question.

De plus, tous les États membres disposent d’une définition de la «personne morale» et reconnaissent que la responsabilité des personnes morales est sans préjudice de l’engagement de poursuites pénales à l’encontre des personnes physiques auteurs ou complices de l’infraction.

Sanctions : le rapport note que les niveaux des sanctions de base sont plus élevés que ceux prévus par la décision-cadre et que, dans certains cas, ils sont encore accrus en raison, par exemple, d’un comportement ou d’un rôle particuliers au sein de l’organisation.

Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la décision-cadre,  les États membres veillent à ce qu’une infraction principale commise dans le cadre de la criminalité organisée puisse être considérée comme une circonstance aggravante dans leur système national.

En général, les législations nationales de tous les États membres se caractérisent par le principe de l'individualisation des peines, selon lequel toute sanction pénale peut potentiellement être aggravée ou atténuée en fonction de circonstances particulières, décidées au cas par cas.

Les dispositions de nature facultative ont par ailleurs été largement transposées :

  • tous les États membres prévoient des circonstances entraînant une exonération de la responsabilité pénale, ou une exemption ou réduction de la peine dans le cadre de circonstances atténuantes ;
  • tous les États membres (à l’exception de Chypre) prévoient des amendes pénales ou non pénales pour le comportement des personnes morales dans le cadre des infractions visées. En outre, tous les États membres, excepté cinq, prévoient également des mesures autres que des amendes, comme par exemple des mesures d’exclusion du bénéfice d’une aide publique ou des mesures d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale.

Conclusions : la Commission estime que de nombreux points pourraient nécessiter des éclaircissements supplémentaires en vue de la bonne mise en œuvre de la décision-cadre. Il s'agit principalement i) du champ d’application potentiellement limité de la définition d’une organisation criminelle, ainsi que ii) de la transposition correcte de l’article 5 relatif à la responsabilité des personnes morales.

Conformément au programme européen en matière de sécurité,  la Commission offrira son soutien aux États membres pour atteindre un niveau satisfaisant de mise en œuvre de la décision-cadre. Elle continuera également à contrôler la conformité des mesures nationales avec les instruments de l’Union.

L’évaluation tiendra également compte des éventuelles incidences des problèmes décelés sur la bonne mise en œuvre de la décision-cadre. La Commission engagera des dialogues bilatéraux avec les États membres concernés et fera usage, le cas échéant, des pouvoirs d’exécution qui lui sont conférés par les traités.  Le présent rapport contribuera également à l’évaluation de la nécessité et de l’opportunité d’un réexamen de la décision-cadre.