Dumping social dans l'Union européenne

2015/2255(INI)

Le Parlement européen a adopté par 458 voix pour, 199 contre et 34 abstentions, une résolution sur le dumping social dans l'Union européenne.

Les députés ont rappelé que la multiplication des pratiques abusives et le recours croissant au dumping social affaiblissent le soutien en faveur du principe du marché intérieur et à la compétitivité des entreprises, en particulier des PME, portent atteinte aux droits des travailleurs européens et ébranlent la confiance dans l'intégration européenne.

Les travailleurs détachés représentent environ 0,7% de l'ensemble de la population active de l'Union. L'agriculture, la construction, les services de restauration, l'alimentation, ainsi que les transports, la santé, les soins et le travail domestique sont les principaux secteurs concernés.

Renforcer les contrôles et la coordination entre et par les États membres : le Parlement a rappelé que malgré l’absence de définition universellement partagée et juridiquement reconnue du dumping social, la notion recouvre un large éventail de pratiques abusives et situations qui peuvent avoir une incidence en ce qui concerne trois aspects essentiels :

  • sur le plan économique, le recours de certains acteurs économiques à des pratiques illégales (travail non déclaré), ou à des pratiques abusives (travail indépendant factice), peut conduire à d'importantes distorsions du marché qui sont préjudiciables aux entreprises de bonne foi;
  • sur le plan social, le dumping social pourrait mener à une situation de discrimination et d'inégalité de traitement parmi les travailleurs de l'Union ;
  • sur le plan financier et budgétaire, le non-paiement des cotisations sociales exigibles et des impôts qui découle du dumping social représente une menace pour la viabilité financière des systèmes de sécurité sociale et des finances publiques des États membres.

Face à cette situation, les députés ont insisté sur la nécessité de garantir des conditions de concurrence équitables et loyales dans l'ensemble de l'Union et de mettre fin au dumping social. Ils ont demandé aux États membres :

  • de renforcer l'efficacité et les effectifs pour leurs organes de contrôle (notamment les inspections du travail et des affaires sociales) par le biais de l'échange de bonnes pratiques et de répondre au critère d'une personne chargée de l'inspection pour 10.000 travailleurs ;
  • d'améliorer la coopération transfrontalière entre les services d'inspection et de généraliser l'échange électronique d'informations et de données en vue de la coopération obligatoire et de l'assistance mutuelle entre les États membres;
  • d’élaborer des programmes de formation continue à l'échelle de l'Union pour les inspecteurs pour déterminer les nouvelles techniques de contournement des règles et organiser des contrôles transfrontaliers ;
  • de créer, le cas échéant, des task forces ad hoc bilatérales et, si nécessaire, une task force multilatérale intégrant les autorités nationales compétentes et les inspecteurs du travail, pour effectuer, avec l'accord de tous les États membres concernés, des contrôles transfrontaliers sur site, dans le cas d'un dumping social présumé ;
  • de mettre en place des cadres juridiques permettant l'emploi légitime de travailleuses et travailleurs domestiques et d'assistants à domicile ;
  • d'améliorer les échanges d'informations en matière de sécurité sociale concernant les travailleurs détachés, afin d'améliorer la mise en œuvre de la législation existante.

Le Parlement a recommandé, dans le cas du détachement, d'imposer l'obligation, dans tous les États membres, de soumettre une déclaration au plus tard lorsque la prestation de services commence, et que ces déclarations soient inscrites dans un registre européen.

Il a réclamé l'élaboration d'une liste des entreprises à l'échelle européenne responsables de graves violations de la législation sociale et du travail européenne, consultable uniquement par les autorités d'inspection pertinentes. L'accès aux marchés publics, aux subventions publiques et aux fonds de l'Union européenne devrait être refusé à ces entreprises pendant une période fixée légalement.

Combler les lacunes réglementaires : les députés ont demandé à la Commission :

  • de surveiller la mise en œuvre de la directive 2014/67/UE et l'efficacité de la plateforme contre le travail non déclaré dans la lutte contre les sociétés «boîte aux lettres» en généralisant le principe selon lequel chaque société doit disposer d'un siège social et de veiller à ce qu'en cas de libre prestation des services utilisant des travailleurs détachés, chaque prestataire de services concerné ait une «véritable activité» dans l'État membre d'établissement, et dès lors, constitue une «véritable entreprise» ;
  • de surveiller l'application de l'obligation imposée aux États membres par la directive, à savoir mettre en place des mesures qui garantissent que, dans les chaînes de sous-traitance du secteur de la construction, les travailleurs détachés puissent tenir le titulaire du marché, dont leur employeur est un sous-traitant direct, comme étant responsable du respect des droits des travailleurs.

En ce qui concerne les travailleurs mobiles, le Parlement a demandé un renforcement des contrôles du respect des temps de travail, de disponibilité, de conduite et de repos dans tous les secteurs pertinents comme le secteur du bâtiment, de la restauration, de la santé et du transport (routier notamment), ainsi que des sanctions en conséquence pour les infractions graves.

Il a invité la Commission à envisager de créer une agence européenne du transport routier, chargée de faire appliquer correctement la législation de l'Union et de promouvoir la coopération entre tous les États membres sur ces questions. En outre, il a refusé toute nouvelle libéralisation du cabotage tant que la mise en œuvre du cadre législatif actuel n'aura pas été renforcée.

Les députés ont également :

  • souligné la nécessité de surveiller et de garantir le respect et l'application des législations sociales et des conventions collectives nationales par les compagnies aériennes dont les bases opérationnelles sont situées sur le territoire de l'Union;
  • rappelé l’importance d'associer le développement de l'économie numérique et collaborative à la protection des travailleurs dans ce nouveau secteur où les formes de travail plus flexible peuvent conduire à des emplois plus précaires et moins réglementés.

Vers la convergence sociale vers le haut : rappelant à la Commission son engagement quant à la mise en place d'un pilier de droits sociaux, le Parlement a souligné la nécessité d'une convergence sociale vers le haut afin d'atteindre les objectifs énoncés à l'article 151 du traité FUE. L'adoption d'un pilier des droits sociaux ne devrait pas abaisser les normes sociales et du travail déjà en vigueur.

Les députés ont recommandé l'instauration de planchers salariaux sous la forme d'un salaire minimum national, dans le but de parvenir progressivement à au moins 60% du salaire moyen au niveau national, de manière à éviter les écarts salariaux excessifs.

La Commission devrait aussi envisager la possibilité d'établir un instrument qui ferait peser sur les entreprises un devoir de vigilance accru engageant leur responsabilité, tant à l'égard de leurs filiales que de leurs sous-traitants ayant une activité dans un pays-tiers, pour prévenir les risques d'atteintes aux droits de l'homme, de corruption, de dommages corporels ou environnementaux graves et de violation des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT).