Nécessité d'une stratégie de l'Union européenne pour faire cesser et prévenir l'écart entre les pensions des hommes et des femmes

2016/2061(INI)

Le Parlement européen a adopté par 433 voix pour, 67 voix contre et 175 abstentions, une résolution sur la nécessité d’une stratégie de l’Union européenne pour éradiquer et prévenir l’écart entre les pensions des hommes et des femmes.

Le Parlement rappelle qu’en 2015, l’écart des rémunérations de retraite ou écart de pension entre hommes et femmes (le «Gender gap in pensions», que l’on peut définir comme étant l’écart entre la rémunération moyenne perçue (avant impôts et taxes) par les femmes au titre de leur retraite (par rapport à celle des hommes) représentait 38,3% pour la classe d’âge des 65 ans et plus dans les 28 États membres de l’Union. Il rappelle également que cet écart s’était creusé dans la moitié des États membres au cours des 5 ans écoulés.

La crise financière des dernières années a également eu des incidences négatives sur les revenus de nombreuses femmes, puisque, dans certains États membres, entre 11 et 36% des femmes n’ont aucun accès à la retraite.

Estimant que les écarts entre hommes et femmes étaient inacceptables et devaient être comblés, le Parlement appelle la Commission, en étroite coopération avec les États membres, à mettre en place une stratégie globale visant à éradiquer les écarts des rémunérations de retraite entre hommes et femmes dans l’Union européenne et à les aider à établir des lignes directrices en la matière. Il soutient l’appel du Conseil en faveur d’une nouvelle initiative de la Commission visant à établir une stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2016-2020, qui adopte la forme d’une communication, et en faveur du renforcement du compromis stratégique de l’Union européenne en matière d’égalité des genres, lequel devrait être étroitement lié à la stratégie Europe 2020.

Il estime que cette stratégie ne devrait pas se limiter à corriger les effets de l’écart de pension dans les États membres, notamment auprès des personnes les plus vulnérables, mais plutôt à le prévenir, en s’attaquant à ses causes profondes, telles que les inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché de l’emploi, du point de vue des rémunérations, de la progression de la carrière et des perspectives d’emploi à temps plein, ou encore la ségrégation sur le marché du travail.

Il encourage à cet égard le dialogue et les échanges de bonnes pratiques entre les gouvernements des États membres.

Il insiste sur le caractère multiforme (une combinaison de mesures au titre de diverses politiques destinées à améliorer l’égalité hommes-femmes) de l’approche nécessaire pour mener à bien la stratégie, qui doit envisager :

  • la retraite en tenant compte de toute la durée de vie active de la personne,
  • des écarts entre hommes et femmes du point du vue du niveau des emplois, des carrières,
  • des possibilités contributives et de ceux qui résultent de l’organisation des systèmes de retraite.

Rôle des syndicats et revenu minimum : le Parlement attire l’attention sur le rôle important joué par les partenaires sociaux dans les débats relatifs au revenu minimum, tout en respectant le principe de subsidiarité. Il insiste en particulier sur le rôle important des syndicats et de la négociation collective pour permettre aux personnes âgées d’accéder à des pensions de retraite publiques conformes au principe de solidarité intergénérationnelle et au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

Il invite les États membres à mettre en place des mesures respectueuses de lutte contre la pauvreté pour les travailleurs dont la santé ne permet pas de travailler jusqu’à l’âge légal de la retraite. Il estime que les mesures de retraite anticipée pour les travailleurs qui s’exposent à des conditions de travail jugées pénibles ou à risque devraient être maintenues.

Pour le Parlement, augmenter les taux d’emploi grâce à des emplois de qualité pourrait contribuer à contenir considérablement la hausse future des personnes incapables de travailler jusqu’à l’âge légal de départ en retraite et, partant, à soulager la charge financière du vieillissement.

Par ailleurs, le Parlement se dit profondément préoccupé par l’impact sur un nombre croissant d’États membres, des recommandations par pays sur les régimes de retraite et leur viabilité, rédigées dans un esprit d’austérité, ainsi que sur l’accès aux pensions de retraite contributives, et par les effets néfastes de ces recommandations sur les niveaux de revenu et sur les transferts sociaux.

Mesurer et sensibiliser pour mieux combattre l’écart de pension : de manière générale, le Parlement demande aux États membres et à la Commission de continuer leurs recherches sur l’écart de pension et d’élaborer, en partenariat avec Eurostat et avec l’Institut européen pour l’égalité des genres (IEEG), des indicateurs formels et fiables sur cet écart.

D’autres mesures sont envisagées pour combattre les causes de l’écart de pension entre hommes et femmes, telles que : i) la création d’un indicateur formel de ce phénomène ; ii) le renforcement des mesures d’information des femmes sur les conséquences de cet écart ; iii) la sensibilisation de  l’opinion publique aux questions liées à l’égalité salariale et à l’écart de pension, ainsi qu’aux discriminations directes et indirectes à l’encontre des femmes sur le lieu de travail ; iv) des études formelles sur les effets de l’écart de pension entre les femmes et les hommes sur les retraites et l’indépendance économique des femmes.

Réduire les inégalités dans les possibilités contributives : le Parlement condamne sans réserve les écarts de salaire entre hommes et femmes et leur caractère prétendument «inexplicable» alors qu’ils résultent de phénomènes de discrimination sur le lieu de travail. Il réitère son appel à la révision de la directive 2006/54/CE.

Il invite les États membres et la Commission à veiller à l’application du principe de non-discrimination et d’égalité sur le marché du travail et dans l’accès à l’emploi et, en particulier, à adopter des mesures de protection sociale afin de garantir la rémunération et les droits sociaux des femmes.

Les États membres sont appelés à :

  • prévoir des mesures appropriées afin de réduire les cas de violation du principe d’égalité de rémunération pour un travail égal ou de valeur égale entre hommes et femmes;
  • mettre en œuvre des outils d’évaluation utiles et concrets en matière d’emploi, permettant de déterminer ce qu’est un travail de même valeur, afin de garantir l’égalité de salaire entre les femmes et les hommes et, par conséquent, l’égalité des retraites qu’ils percevront plus tard;
  • lutter contre la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail, en éliminant les inégalités et les discriminations entre hommes et femmes en matière d’emploi et en encourageant les femmes et les jeunes filles à se tourner vers des études, des métiers et des carrières dans les secteurs porteurs en matière d’innovation et de croissance.

Le Parlement demande par ailleurs aux États membres de prêter une attention particulière au cas des femmes qui ne disposent d’aucune autonomie financière en cas de divorce.

Réduire les inégalités entre hommes et femmes dans les parcours professionnels : le Parlement exhorte les États membres à respecter et à faire respecter la législation sur les droits liés à la maternité, de manière à ce que les femmes ne se trouvent pas lésées sur le plan des retraites parce qu’elles ont eu des enfants au cours de leur carrière professionnelle.

Il invite les États membres à étudier la possibilité de permettre aux salariés de négocier des accords volontaires sur la flexibilité au travail, notamment des formules d’«aménagement intelligent» du travail, conformément aux pratiques nationales, afin qu’hommes et femmes puissent mieux concilier vie privée et vie professionnelle, indépendamment de l’âge de leurs enfants ou de leur situation familiale.

Le Parlement prend en outre acte de la proposition de la Commission de congé pour les proches aidants dans la directive relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants et renouvelle sa demande de rémunération adéquate et de protection sociale.

Il encourage les États membres à mettre en place des «crédits de prise en charge» au bénéfice tant des hommes et des femmes afin de compenser les interruptions de carrière destinées à la prise en charge informelle d’un membre de la famille, ainsi que les périodes de congé officielles, telles que le congé de maternité et de paternité et le congé parental. Il souligne à cet égard l’importance de prendre des mesures qui incitent les hommes à recourir au congé de paternité.

En particulier, le Parlement demande aux États membres de permettre aux salariés de retrouver des conditions de travail comparables après leur congé de maternité ou leur congé parental.

Effets des régimes de retraites sur l’écart de pension : le Parlement invite la Commission et les États membres à étudier d’une manière plus approfondie l’effet potentiel que pourrait avoir sur l’écart de pension une évolution des régimes de retraite d’État vers des mécanismes plus flexibles de régimes professionnels et privés de contribution au régime des pensions, que ce soit quant au calcul de la durée de contribution au système de retraite ou quant à la progressivité du départ du marché du travail.

Il alerte sur les risques pour l’égalité entre hommes et femmes que représente le passage de régimes de retraite de la sécurité sociale à des régimes de retraite privés par capitalisation puisque ceux-ci sont fondés sur les contributions individuelles et ne tiennent compte ni du temps passé à s’occuper des enfants et des autres personnes à charge ni des périodes de chômage, des congés de maladie ou d’invalidité.

Il invite les États membres à supprimer, dans leurs régimes de pension et les réformes qu’ils mettent en œuvre, les éléments qui accroissent les déséquilibres dans les prestations.

Pour le Parlement, chaque changement stratégique lié aux pensions de retraite doit être mesuré par rapport à son incidence sur l’écart entre les hommes et les femmes.

La Commission et les États membres sont en outre appelés à prévoir l’introduction de tarifs unisexes pour la vie dans les régimes de pension et les crédits de prise en charge.

Le Parlement réclame également l’individualisation des droits à pension.

Enfin, le Parlement souligne que tout le monde a droit à l’accès universel à une pension de retraite publique et rappelle l’article 25 de la charte des droits fondamentaux de l’Union, qui consacre le droit des personnes âgées à mener une vie décente et indépendante.