Programme européen en matière d'économie collaborative

2017/2003(INI)

Le Parlement européen a adopté par 510 voix pour, 60 voix contre et 48 abstentions, une résolution sur un Agenda européen pour l'économie collaborative.

A noter qu’une proposition de résolution de remplacement, déposée par la groupe ENF, a été rejetée en plénière par 61 voix pour, 553 voix contre et une abstention.

Le Parlement précise que l’économie collaborative a connu une croissance rapide ces dernières années, en termes d’utilisateurs, de transactions et de revenus, en revoyant la manière dont les produits et les services étaient fournis et en venant bouleverser les entreprises déjà bien établies dans de nombreux secteurs économiques. A cet égard, la communication de la Commission sur l’Agenda européen pour l'économie collaborative constitue un bon point de départ pour promouvoir et réglementer efficacement ce secteur. C’est pourquoi, le Parlement accueille favorablement la communication comme première étape d’une stratégie équilibrée dans ce domaine.

Il encourage donc les États membres à prévoir plus de clarté juridique et à ne pas considérer l'économie collaborative comme une menace pour l'économie traditionnelle. Bien au contraire, il estime que l'économie collaborative renforce le pouvoir des consommateurs et offre de nouvelles opportunités d'emploi même s’il convient en même temps qu'il faut assurer un haut niveau de protection des consommateurs, de respecter pleinement les droits des travailleurs et d'assurer la conformité fiscale dans ce secteur.

Nécessité d’une plus grande clarté juridique : le Parlement insiste sur la nécessité de renforcer la clarté juridique dans ce domaine notamment afin d’éviter de fragmenter le marché unique. Pour le Parlement, si ce secteur n’est pas dûment réglementé, cela pourrait entraîner une incertitude juridique quant aux règles et aux contraintes applicables à l'exercice des droits individuels et à la protection des consommateurs. Cette réglementation doit donc être adaptée à l'âge numérique notamment pour les start-ups européennes et les organisations à but non lucratif particulièrement impliquées dans l'économie collaborative.

L'économie collaborative dans l'UE : le Parlement souligne la nécessité de considérer l'économie collaborative non seulement comme une collection de nouveaux modèles commerciaux offrant des biens et des services, mais comme une nouvelle forme d'intégration entre l'économie et la société où les services proposés sont basés sur une grande variété de relations qui entremêlent économies et relations sociales.

En Europe, l’économie collaborative présente en outre des traits spécifiques, reflétant également la structure commerciale européenne qui se compose principalement de PME et de micro-entreprises.

Cadre réglementaire de l'UE pour le secteur de l’économie collaborative : le Parlement reconnaît que si certaines parties de l'économie collaborative sont couvertes par la réglementation, y compris au niveau local et national, d'autres parties peuvent tomber dans des zones grises de la réglementation. Il se félicite donc de l'intention de la Commission de s'attaquer à la fragmentation actuelle, mais regrette que dans sa communication, celle-ci n'ait pas suffisamment éclairé l'applicabilité de la législation communautaire existante à différents modèles d'économie collaborative. Il met donc l'accent sur la nécessité pour les États membres d'intensifier l'application de la législation existante et demande à la Commission de prévoir un cadre d'exécution soutenant les États membres dans leurs efforts, surtout en ce qui concerne la Directive «services» et l'acquis en matière de protection des consommateurs. Il invite en outre la Commission à utiliser pleinement tous les outils disponibles dans ce contexte, y compris les procédures d'infraction, lorsque l'application incorrecte ou insuffisante de la législation est mise en évidence dans les États membres.

Il demande en outre à la Commission de collaborer avec les États membres pour fournir des lignes directrices supplémentaires sur l'établissement de critères efficaces pour distinguer les pairs et les professionnels, ce qui est crucial pour le développement équitable de l'économie collaborative. Ces lignes directrices doivent notamment tenir compte de la législation différente existant dans les États membres et de leurs réalités économiques particulières en matière de niveau de revenu, de caractéristiques des secteurs et de la situation des micro et petites entreprises. Le Parlement considère donc qu'un ensemble de principes et de critères généraux au niveau de l'UE et un ensemble de seuils au niveau national pourraient être un moyen d'aller de l'avant dans ce domaine.

Le Parlement pointe également la question des régimes de responsabilité des plates-formes collaboratives afin de promouvoir un comportement responsable, la transparence, la sécurité juridique et ainsi accroître la confiance des utilisateurs dans ce secteur. Le Parlement estime dès lors que tout nouveau cadre réglementaire devrait tirer parti des capacités autonomes des plates-formes et des mécanismes d'évaluation par les pairs, car ces deux éléments ont prouvé qu'ils fonctionnaient efficacement pour défendre les intérêts des consommateurs.

Pour le Parlement, les plates-formes collaboratives devraient elles-mêmes jouer un rôle dans la création d'un tel environnement réglementaire grâce à des mécanismes de réputation numérique permettant d’accroître la confiance des utilisateurs.

Concurrence et conformité fiscale : si le Parlement se félicite du fait que la montée en puissance de l'économie collaborative a entraîné une concurrence accrue entre opérateurs économiques en vue de mieux satisfaire les exigences des consommateurs, il souligne également que l'économie collaborative ne devrait jamais être utilisée comme moyen d'éviter les obligations fiscales. Il souligne donc le besoin urgent de collaborations entre les autorités compétentes et les plates-formes collaboratives sur la conformité fiscale et la collecte des informations pertinentes. Il invite la Commission à faciliter l'échange des meilleures pratiques entre les États membres pour élaborer des solutions efficaces et novatrices renforçant la conformité fiscale et l'application de la loi, afin d'éliminer le risque de fraude fiscale transfrontalière. A cet effet, il appelle les plates-formes collaboratives à jouer un rôle actif dans la recherche de ces solutions.

Impact sur le marché du travail et sur les droits des travailleurs : le Parlement souligne que l'économie collaborative ouvre de nouvelles opportunités et de nouvelles voies flexibles du travail, en particulier pour les travailleurs indépendants, pour ceux qui sont au chômage ou ceux qui sont marginalisés sur le marché du travail.

Il invite la Commission à examiner dans quelle mesure le droit de l’Union en vigueur est applicable au marché du travail numérique et à garantir sa mise en œuvre et son application adéquates.

Les États membres sont appelés à évaluer, en faisant preuve d’initiative et d’anticipation, la nécessité de moderniser la législation existante, y compris les systèmes de sécurité sociale. La Commission et les États membres sont quant à eux appelés à coordonner les systèmes de sécurité sociale en vue de garantir l’exportabilité des prestations et la totalisation des périodes conformément à la législation de l’Union et au droit national.

Le Parlement encourage les partenaires sociaux à moderniser les conventions collectives si nécessaire, de manière à ce que les normes de protection en vigueur puissent être préservées dans le monde du travail numérique.

Par ailleurs, le Parlement invite la Commission à publier des lignes directrices sur la manière dont la législation de l’Union s’applique aux différents types de modèles commerciaux de plateformes afin de combler, le cas échéant, les lacunes réglementaires dans le domaine de l’emploi et de la sécurité sociale. La Plénière estime que le haut potentiel de transparence de l’économie des plateformes permet à cet égard une bonne traçabilité, conformément à l’objectif d’application de la législation existante. Des inspections du travail devraient également être menées. Pour sa part, la Commission et les États membres devraient accorder une attention particulière au travail non déclaré et au faux travail indépendant dans ce secteur, et inscrire la question de l’économie des plateformes à l’ordre du jour de la plateforme européenne visant à lutter contre le travail non déclaré.

Le Parlement rappelle que les travailleurs de l'économie collaborative sont des auto-entrepreneurs ou indépendants et qu’ils doivent être classés en conséquence dans le marché du travail. Il demande aux États membres et à la Commission, dans leurs domaines de compétence respectifs, d'assurer des conditions de travail équitables et une protection juridique et sociale adéquate pour tous les travailleurs de l'économie collaborative, quel que soit leur statut. A cet égard, le Parlement appelle la Commission à examiner dans quelle mesure la directive sur le travail temporaire (Directive 2008/104/CE) devrait s'appliquer aux travailleurs des plateformes en ligne.

Mesures de promotion de l’économie collaborative : rappelant la dimension locale de l’économie collaborative, le Parlement souligne également son caractère particulièrement évolutif sur le plan technique. Des efforts sur l’amélioration des compétences sont donc requis, de même que des efforts sur le plan technique afin de toucher le plus largement les bénéficiaires de l’économie collaborative. A cet effet, le Parlement souligne l’importance d’une introduction efficace de la 5G pour rendre les technologies les plus efficaces et accessibles possible.

Le Parlement souligne qu’il est indispensable de mettre en place des politiques cohérentes et de déployer des réseaux à haut et ultra-haut débit pour pouvoir développer pleinement le potentiel de l’économie collaborative et profiter des bénéfices offerts par les modèles collaboratifs. Il rappelle par conséquent la nécessité de permettre un accès approprié au réseau pour tous les citoyens de l’Union, en particulier dans les zones les moins peuplées, isolées ou rurales, qui ne disposent pas encore d’une connectivité suffisante.

Plateformes collaboratives dans le secteur du tourisme : le Parlement rappelle que, selon les estimations de la Commission, l'hébergement par les pairs est le plus grand secteur de l'économie collaborative, tandis que le transport par les pairs est le plus important mesuré en termes de revenus. Il indique notamment que, dans le secteur du tourisme, l’habitat partagé représente une excellente utilisation des ressources et de l'espace sous-utilisé, en particulier dans les zones qui ne bénéficient pas traditionnellement du tourisme. Il condamne dès lors les règlementations imposées par certaines autorités publiques qui visent à restreindre l'offre d'hébergement touristique par l'intermédiaire de l'économie collaborative.

Enfin, le Parlement invite la Commission à promouvoir l'accès aux financements appropriés pour les entrepreneurs européens qui opèrent dans le secteur de l'économie collaborative grâce notamment au programme Horizon 2020.