OBJECTIF : conclure au nom de l’Union européenne, le traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.
ACTE PROPOSÉ : Décision du Conseil.
RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Conseil ne peut adopter l'acte que si le Parlement européen a approuvé celui-ci.
CONTEXTE : les personnes aveugles, qui présentent une déficience visuelle ou qui ont d’autres difficultés de lecture des textes imprimés doivent pouvoir bénéficier de l’égalité d’accès aux livres et aux matériels imprimés. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 285 millions de personnes dans le monde souffrent d’une déficience visuelle: 39 millions d’entre elles sont aveugles, et 246 millions ont une acuité visuelle réduite. L’Union mondiale des aveugles rapporte par ailleurs qu’en Europe, seuls 5% des livres publiés sont disponibles dans un format accessible aux déficients visuels et que, dans les pays en développement – où vivent environ 90% de ces personnes –, ce taux peut être aussi faible que 1%.
Depuis janvier 2011, l’Union européenne (UE) est liée par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Celle-ci consacre le droit d’accès à l’information (article 21) et le droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle sur un pied d’égalité avec les autres (article 30). Elle fait désormais partie intégrante de l’ordre juridique de l’UE. Vingt-cinq États membres sont parties à la convention, et les trois autres achèvent actuellement de la ratifier.
En 2009, des négociations ont commencé au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) en vue d’un éventuel traité international établissant des limitations et exceptions au droit d’auteur en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés, dans le but de faciliter les échanges transfrontières de livres en format accessible.
Le 26 novembre 2012, le Conseil a adopté une décision autorisant la Commission à participer à ces négociations au nom de l’UE. Les négociations à l’OMPI ont abouti lors de la conférence diplomatique qui s’est tenue à Marrakech du 17 au 28 juin 2013, ouvrant la voie à l’adoption, le 27 juin 2013, du traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.
Le Conseil a autorisé la signature de ce traité au nom de l’Union européenne le 14 avril 2014.
Il convient maintenant de conclure cet accord au nom de l’Union européenne.
CONTENU : avec la présente proposition, il est prévu d'appeler le Conseil à approuver au nom de l'Union européenne, le traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.
Objectifs du traité : le traité établit un ensemble de règles internationales qui garantissent l’existence, au niveau national, de limitations ou d’exceptions au droit d’auteur en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés, et qui permettent l’échange transfrontière des exemplaires en format accessible d’œuvres publiées qui ont été réalisés en vertu d’une limitation ou d’une exception au droit d’auteur sur le territoire de toute partie contractante.
Principales dispositions:
Définition et champ d’application : le traité définit :
- les personnes bénéficiaires : il s’agit des personnes aveugles, qui souffrent d’une déficience visuelle, d’une déficience de perception ou de difficultés de lecture, ou qui sont incapables, en raison d’un handicap physique, de tenir ou de manipuler un livre ou encore de fixer ou de bouger les yeux au point de permettre en principe la lecture.
- les «œuvres» : il s’agit des œuvres littéraires et artistiques au sens de l’article 2, par. 1, de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques qui se présentent sous la forme de textes, de notations ou d’illustrations les complétant, qu’ils soient publiés ou mis de quelque autre façon à la disposition du public sur quelque support que ce soit.
En vertu d’une déclaration commune, cette définition englobe également les audio-livres.
- les exemplaires en format accessible : il s’agit d’un exemplaire d’une œuvre présenté sous une forme autre que le format dans lequel l’œuvre a été publiée et qui permet à une personne bénéficiaire d’accéder à cette œuvre aussi aisément qu’une personne voyante. Les exemplaires en format accessible sont à l’usage exclusif des personnes bénéficiaires et doivent respecter l’intégrité de l’œuvre originale. Ces exemplaires doivent en outre être réalisés en vertu d’une limitation ou d’une exception au droit d’auteur et doivent pouvoir être exportés par les «entités autorisées», définies comme étant des établissements publics ou d'autres organisations qui offrent, à titre non lucratif, des services en matière d’enseignement, de formation pédagogique, de lecture adaptée ou d’accès à l’information aux aveugles, déficients visuels ou personnes ayant d’autres difficultés de lecture.
Ces entités doivent veiller à limiter la distribution d’exemplaires en format accessible aux seules personnes bénéficiaires, à décourager la reproduction, la distribution et la mise à disposition d’exemplaires non autorisés, ainsi qu’à faire preuve de la diligence requise dans la gestion des exemplaires d’œuvres et à tenir un registre de cette gestion.
Obligations de production en format accessible : le traité oblige chaque partie contractante à prévoir, dans sa législation nationale relative au droit d’auteur, une limitation ou une exception aux droits de reproduction, de distribution et de mise des œuvres à la disposition du public, afin que des exemplaires en format accessible soient plus facilement mis à la disposition des personnes bénéficiaires.
Les parties contractantes peuvent décider de restreindre ces limitations ou exceptions aux cas dans lesquels des exemplaires en format accessible ne peuvent pas être obtenus dans le commerce à des conditions raisonnables sur leur territoire.
«Test en 3 étapes» : une partie contractante ne pourrait autoriser l’exportation d’exemplaires en format accessible que si elle garantit que les limitations ou exceptions qu’elle applique concernant le droit de reproduction, le droit de distribution et le droit de mise à disposition du public sont conformes au «test en 3 étapes». Cela signifie soit qu’elle doit être partie au traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT), soit qu’elle doit garantir d’une autre manière que les limitations ou exceptions en question sont limitées à certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit.
Autorisation d’importation : le traité précise en outre que dans la mesure où une partie contractante autorise une personne bénéficiaire ou une entité autorisée à réaliser un exemplaire d’une œuvre en format accessible, elle doit aussi autoriser l’importation de tels exemplaires.
Les parties contractantes ont l’obligation de prendre des mesures appropriées, si nécessaire, pour faire en sorte que, lorsqu’elles prévoient une protection juridique adéquate et des sanctions efficaces contre le contournement des mesures techniques, cette protection n’empêche pas les personnes bénéficiaires de jouir des limitations et exceptions prévues par le traité.
Protection de la vie privée : le traité impose aussi aux parties contractantes de protéger la vie privée des personnes bénéficiaires et de coopérer pour faciliter les échanges transfrontières d’exemplaires en format accessible. L’OMPI devrait ainsi créer un point d’accès à l’information pour aider les entités autorisées à se faire connaître les unes des autres afin de pouvoir travailler ensemble. En outre, le traité encourage ces entités à mettre des informations sur leurs politiques et pratiques à la disposition des parties intéressées et du public.
Procédure de ratification et entrée en vigueur : le traité confirme que les parties contractantes sont libres de déterminer selon quelle méthode il convient de le mettre en œuvre dans le cadre de leurs propres système et pratiques juridiques. Elles doivent toutefois respecter les obligations internationales que leur imposent la convention de Berne, l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT).
Le traité devrait entrer en vigueur lorsque 20 parties contractantes l’auront ratifié.
Autres dispositions spécifiques : le traité prévoit enfin que :
Compétences de l’UE : l’UE peut devenir partie au traité, étant donné qu’elle a déclaré au cours de la conférence diplomatique de Marrakech qu’elle a compétence, et dispose d’une législation propre liant tous ses États membres, pour les questions régies par le traité et qu’elle a été dûment autorisée, conformément à ses procédures internes, à devenir partie au traité. L’UE a signé l’acte final de la conférence diplomatique le 28 juin 2013 et le traité le 30 avril 2014 à Genève.