Transformations, fusions et scissions transfrontalières

2018/0114(COD)

OBJECTIF: proposer de nouvelles règles relatives au droit des sociétés pour faciliter la fusion, la scission ou le déplacement des entreprises au sein du marché unique.

ACTE PROPOSÉ: Directive du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN: le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE: l’Union européenne compte environ 24 millions d’entreprises, dont à peu près 80 % de sociétés de capitaux, quelque 98 à 99 % d’entre elles étant des PME. La liberté d'établissement joue un rôle capital dans le développement du marché unique car elle permet aux entreprises de mener des activités économiques dans d'autres États membres sur une base stable. Toutefois, dans la pratique, l'exercice de la liberté d'établissement par les entreprises reste difficile, notamment en raison du fait que le droit des sociétés n'est pas suffisamment adapté à la mobilité transfrontalière dans l'UE.

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a considéré que la liberté d'établissement consacrée par l'article 49 du TFUE impliquait le droit, pour les sociétés établies dans un État membre, de transférer leur siège dans un autre État membre au moyen d'une transformation transfrontalière, sans perdre leur personnalité juridique. En particulier, dans son récent arrêt Polbud, la Cour de justice a confirmé le droit pour les sociétés d'effectuer des transformations transfrontalières sur la base de la liberté d'établissement.

Actuellement, les sociétés qui souhaitent transférer leur siège statutaire dans un autre État membre doivent se baser sur les lois des États membres. Ces lois sont souvent incompatibles ou difficiles à combiner. De plus, plus de la moitié des États membres ne prévoient aucune règle spécifique pour des transformations transfrontalières. Cet état de fait dissuade les entreprises, en particulier les PME, de rechercher de nouveaux débouchés par crainte de formalités administratives trop lourdes. Cela signifie aussi que, lorsque les entreprises se déplacent, les intérêts des travailleurs, des créanciers et des actionnaires minoritaires ne sont pas suffisamment protégés.

En conséquence, la Commission estime que le législateur européen doit intervenir et fixer des règles sur les transformations, scissions et fusions transfrontalières, assorties de garanties adéquates et proportionnées pour les travailleurs, les créanciers et les actionnaires, afin de créer un marché unique dynamique et équitable.

ANALYSE D’IMPACT: les options retenues consistent à introduire:

  • des procédures européennes harmonisées pour permettre aux entreprises d'effectuer des transformations et scissions transfrontalières directes;
  • des règles harmonisées dans l'ensemble du marché unique pour protéger les actionnaires minoritaires ainsi que les créanciers, avec possibilité pour les États membres de prévoir des garanties supplémentaires;
  • des modifications ciblées visant à assurer l'information, la consultation et la participation des travailleurs;
  • des règles et procédures selon lesquelles les États membres évalueraient au cas par cas si la transformation transfrontalière constitue un montage artificiel visant à obtenir des avantages fiscaux indus ou à nuire aux droits des travailleurs, des actionnaires minoritaires ou des créanciers.

Selon la Commission, les nouvelles règles communes sur les transformations et les scissions transfrontalières permettraient de réaliser des économies de l’ordre de 12.000 à 37.000 EUR (pour les scissions) et de l’ordre de 12.000 à 19.000 EUR (pour les transformations) selon la taille des entreprises et des États membres concernés.

CONTENU: la présente proposition de modification de la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects du droit des sociétés introduit un nouveau cadre juridique européen pour une procédure s'appliquant aux transformations et scissions transfrontalières de sociétés de sociétés anonymes et sociétés à responsabilité limitée.

L'objectif visé par la proposition est double: prévoir des procédures spécifiques et exhaustives pour les transformations, scissions et fusions transfrontalières, afin de favoriser la mobilité transfrontalière au sein de l'UE, tout en offrant aux parties prenantes des sociétés telles que les travailleurs, les créanciers et les actionnaires une protection adéquate afin de préserver l'équité du marché unique.

1) Transformations transfrontalières: la proposition devrait permettre aux sociétés d'opérer une transformation transfrontalière en convertissant la forme juridique qu'elles ont dans un État membre en une forme juridique analogue dans un autre État membre. Ce processus devrait garantir i) que les sociétés conservent leur personnalité juridique tout au long de la procédure, sans être obligées de procéder à une dissolution ou à une liquidation dans l'État membre de départ, et ii) qu'elles constituent une nouvelle entité dans l'État membre de destination. Cette procédure empêcherait les montages abusifs destinés à contourner la législation fiscale ou à porter atteinte aux intérêts des créanciers et des actionnaires minoritaires.

La première étape de la procédure serait la préparation du projet de transformation transfrontalière et l'élaboration de deux rapports ciblés, destinés aux actionnaires et aux travailleurs, sur les implications qu'aura la transformation transfrontalière. Ensuite, la société devrait décider en assemblée générale si elle s'engage dans ce processus de transformation transfrontalière. Cette décision, ainsi que les informations et documents pertinents, serait ensuite soumise à l'autorité nationale compétente de l'État membre de départ qui assumerait la responsabilité de délivrer ou non un certificat préalable à la transformation.

L'autorité déterminerait si toutes les conditions d'une transformation transfrontalière sont remplies, y compris si la société est solvable, si la majorité requise des actionnaires a approuvé la transformation en assemblée générale et si les travailleurs, les actionnaires minoritaires et les créanciers sont protégés dans les limites prescrites par la directive. Pendant cette phase, l'autorité déterminerait aussi s'il y a montage artificiel. Si un tel montage devait être avéré, l'opération serait interrompue par l'autorité nationale de l'État membre de départ avant même que le transfert puisse avoir lieu.

Le certificat préalable à la transformation devrait être transmis sans délai à l'autorité compétente de l'État membre de destination qui devrait examiner la légalité de la transformation. Une fois la vérification de la légalité terminée, la société serait enregistrée dans l'État membre de destination et rayée du registre de l'État membre de départ. La transformation deviendrait alors juridiquement effective.

2) Fusions transfrontalières: la proposition vise à combler les lacunes des textes existants en prévoyant notamment des règles harmonisées pour la protection des créanciers et des actionnaires.

La société devrait prévoir, dans le projet de transformation transfrontalière, la protection qu'elle envisage d'assurer aux créanciers et aux actionnaires. Les créanciers non satisfaits par la protection offerte pourraient introduire une demande de garanties adéquates auprès de l'autorité administrative ou judiciaire appropriée. Les actionnaires qui n'ont pas voté pour les fusions transfrontalières ou n'ont pas de droits de vote auraient le droit de quitter la société (de vendre leurs parts) et de recevoir une indemnisation adéquate.

Par ailleurs, les règles proposées garantissent que les travailleurs seront informés des implications que la fusion transfrontalière planifiée aura pour les travailleurs.

3) Scissions transfrontalières: la proposition simplifie également les procédures permettant à toute société de capitaux de procéder à une scission transfrontalière.

Les objectifs des règles harmonisées seraient similaires à ceux des transformations transfrontalières: à savoir i) permettre aux sociétés d'opérer une scission transfrontalière d'une manière ordonnée, efficiente et efficace; ii) offrir aux parties prenantes les plus touchées, comme les travailleurs, les créanciers et les actionnaires, une protection adaptée et proportionnée.

La procédure garantit l'examen de la légalité de la scission transfrontalière par l'autorité compétente de la société faisant l'objet de la scission et par les autorités des sociétés bénéficiaires. Comme dans le cas des transformations, la procédure devrait empêcher une scission transfrontalière qui s'avérerait constitutive d'un abus.