AVIS du contrôleur européen de la protection des
données (CEPD) sur les propositions de deux règlements
portant établissement dun cadre pour
linteropérabilité des systèmes
dinformation à grande échelle de lUnion
européenne.
En décembre
2017, la Commission a publié deux propositions de
règlements visant à établir un cadre juridique pour
linteropérabilité des systèmes
dinformation à grande échelle de lUnion
européenne :
- une proposition de
règlement du Parlement européen et du Conseil portant
établissement dun cadre pour
linteropérabilité des systèmes
dinformation de lUnion européenne (frontières
et visas), et
- une proposition
de règlement du Parlement européen et du Conseil
portant établissement dun cadre pour
linteropérabilité des systèmes
dinformation de lUnion européenne
(coopération policière et judiciaire, asile et
migration).
Ces propositions
introduiraient de nouvelles possibilités daccès et
dutilisation des données stockées dans les
différents systèmes afin de lutter contre la fraude
à lidentité, de faciliter les contrôles
didentité et de simplifier laccès des
services répressifs aux systèmes dinformation
à finalité non répressive.
En particulier, les
propositions créent une nouvelle base de données
centralisée qui contiendrait des informations sur des millions
de ressortissants de pays tiers, y compris leurs données
biométriques. En raison de lampleur de cette base de
données et de la nature des données à stocker dans
celle-ci, les conséquences dune violation de
données pourraient porter gravement atteinte à un nombre
potentiellement très élevé dindividus. Il est
donc essentiel de mettre en place des garanties juridiques,
techniques et organisationnelles solides.
Dans ce contexte,
le CEPD souligne limportance:
- de clarifier
davantage lampleur du problème de la fraude à
lidentité parmi les ressortissants de pays tiers, afin
de sassurer que la mesure proposée est appropriée
et proportionnée;
- de formuler de
manière plus précise la possibilité de
consulter la base de données centralisée pour faciliter
les contrôles didentité sur le territoire des
États membres;
- de mettre en place
des garanties réelles pour préserver les droits
fondamentaux des ressortissants de pays tiers dans la mesure
où un accès systématique aux systèmes à
finalité non répressive pourrait représenter une
violation grave du principe de limitation de la finalité.
Plus
précisément, le CEPD formule les recommandations
suivantes :
- trois des six
systèmes dinformation de lUnion européenne
que les propositions cherchent à interconnecter
nexistent pas à lheure actuelle (le système
européen dinformation et dautorisation concernant
les voyages ETIAS, le système européen dinformation
sur les casiers judiciaires pour les ressortissants de pays tiers
ECRIS-TCN et le système dentrée/de sortie EES),
deux sont en cours de révision (SIS et Eurodac) et un doit
être révisé plus tard cette année (VIS): le
CEPD rappelle limportance de garantir une cohérence
entre les textes juridiques qui sont déjà en cours de
négociation (ou à venir) et les propositions, afin de
créer un environnement juridique, organisationnel et technique
unifié pour lensemble des activités de traitement
de données au sein de lUnion;
-
laccès aux données permettant didentifier
une personne lors dun contrôle didentité
ne devrait être autorisé: i) en principe, quen
présence de la personne et lorsquelle nest pas en
mesure de coopérer et nest pas en possession dun
document établissant son identité, ou ii)
lorsquelle refuse de coopérer, ou iii) lorsquil
existe des motifs justifiés ou fondés de croire que les
documents présentés sont faux ou que la personne ne dit
pas la vérité sur son identité;
-
laccès au répertoire commun de données
didentité («CIR») pour établir
lidentité dun ressortissant dun pays tiers
afin de garantir un niveau élevé de sécurité ne
devrait être autorisé que sil est possible
daccéder à des bases de données nationales
similaires (par exemple un registre de
ressortissants/résidents) pour les mêmes finalités
et dans les mêmes conditions;
- les propositions
devraient préciser les conditions relatives à
lexistence de motifs raisonnables, à la réalisation
dune recherche préalable dans les bases de données
nationales et au lancement dune interrogation du système
automatisé didentification des empreintes digitales des
autres États membres en vertu de la décision
2008/615/JAI, avant toute recherche dans le répertoire commun
de données didentité;
- le respect des
conditions daccès à des informations même
limitées (comme une concordance/non-concordance) devrait
toujours être vérifié, indépendamment de tout
accès ultérieur aux données stockées dans le
système ayant déclenché le résultat
positif;
- il conviendrait de
veiller, dans les propositions, à ce que les données
stockées dans lECRIS-TCN puissent être
consultées et utilisées uniquement aux fins de
lECRIS-TCN, telles quelles sont définies dans
linstrument juridique y afférent;
- les principes
fondamentaux de protection des données devraient être
pris en compte à tous les stades de la mise en uvre des
propositions. Ces dernières devraient inclure
lobligation pour lAgence européenne pour la
gestion opérationnelle des systèmes dinformation
à grande échelle au sein de lespace de
liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) et les
États membres de suivre les principes de protection des
données dès la conception et par défaut.
Le CEPD formule des
recommandations supplémentaires concernant notamment
les aspects suivants des propositions: i) la fonctionnalité du
portail de recherche européen («ESP») du service
partagé détablissement de correspondances
biométriques («BMS partagé»), du
répertoire commun de données didentité
(«CIR»), et du détecteur didentités
multiples («MID»); ii) les périodes de conservation
des données dans le CIR et le MID ; iii) la répartition
des rôles et des responsabilités entre leu-LISA et
les États membres ; iv) les droits des personnes
concernées ; v) laccès du personnel de
leu-LISA.
Enfin le CEPD
recommande davoir un débat plus large sur le
futur de léchange dinformations au sein de
lUnion européenne, sur sa gouvernance et sur les moyens
de sauvegarder les droits fondamentaux.