OBJECTIF: présentation dun document de travail des services de la Commission sur le rapport de 2018 concernant la Turquie dans le contexte de la politique délargissement de l'UE.
CONTEXTE : létat durgence déclaré à la suite du coup dÉtat avorté du 15 juillet 2016 reste en vigueur, visant à démanteler le mouvement Gülen (désigné par les autorités turques comme une organisation terroriste responsable du coup dÉtat avorté) mais aussi à soutenir la lutte contre le terrorisme, face au contexte dattaques répétées en Turquie. LUE, qui a directement condamné le coup avorté, a réitéré son plein soutien aux institutions démocratiques du pays et reconnu le besoin légitime, dans le chef de la Turquie, de prendre des actions rapides et proportionnées face à une menace aussi sérieuse. Toutefois, l'ampleur et la nature collective, ainsi que le caractère disproportionné des mesures prises depuis la tentative de coup d'État d'urgence, telles que les licenciements, les arrestations et les détentions généralisées, continuent de susciter de graves préoccupations. La Turquie devrait lever l'état d'urgence sans délai.
Dans le cadre des négociations dadhésion, 16 chapitres ont été ouverts jusquà présent et un de ces derniers a été fermé provisoirement. Dans les circonstances actuelles, aucune ouverture de nouveaux chapitres nest envisagée. Le gouvernement turc a réitéré son engagement à ladhésion européenne, mais cet engagement ne sest pas traduit par des mesures et réformes correspondantes. Au contraire, la Turquie sest éloignée de lUnion Européenne.
CONTENU : concernant sa capacité à assumer les obligations liées à son adhésion, la Turquie a continué à saligner sur les acquis européens, bien quà un rythme limité. Il y a eu davantage de cas de recul concernant un certain nombre d'aspects clés dans les domaines de la société de l'information, de la politique sociale et de l'emploi et des relations extérieures.
La Turquie dispose dune bonne avance dans les domaines du droit des sociétés, des réseaux transeuropéens, de la science et la rechercher et elle a atteint un bon niveau de préparation dans les domaines de la liberté de circulation des biens, du droit de la propriété intellectuelle, des services financiers, des politiques dentreprise et industrielles, de la protection des consommateurs et la santé, de lunion douanière et du contrôle financier. La Turquie est modérément préparée dans le domaine des statistiques et de la politique de transport, où des efforts significatifs sont nécessaires à tous les niveaux.
La Turquie a atteint un niveau satisfaisant de préparation sur lenvironnement et le changement climatique, domaines dans lesquels des décisions plus ambitieuses et mieux coordonnées doivent encore être établies et mises en uvre. Dans tous les domaines, il faut plus dattention pour appliquer la législation. Beaucoup de domaines nécessitent plus de progrès significatifs pour atteindre un alignement avec lacquis européen.
Normalisation des relations bilatérales avec Chypre : la Turquie a exprimé son soutien pour des discussions sur un accord chypriote entre les dirigeants des deux communautés. Cependant, la Turquie na toujours pas rempli son obligation de garantir une mise en uvre complète et non discriminatoire du Protocole additionnel à laccord dassociation et na pas supprimé tous les obstacles à la liberté de mouvement des biens, en ce compris des restrictions sur les liens de transport direct avec Chypre. Aucun progrès na été noté en ce qui concerne la normalisation des relations bilatérales avec Chypre.
Les principaux chapitres du rapport peuvent se résumer comme suit :
Dialogue politique et économique : la Commission, conjointement avec le Service européen daction extérieure, a maintenu les relations UE-Turquie dans tous les domaines dintérêt clés basés sur une large stratégie dengagement. Le dialogue politique soutenu entre lUE et la Turquie a été maintenu. Des discussions régulières sur les politiques extérieure et de sécurité se sont tenues sur un large éventail de sujets et de régions, en ce compris la Syrie, lIraq, lIran, lArabie Saoudite, le Moyen-Orient et le Golfe, lAfghanistan, la Lybie, la Russie, lUkraine, les Balkans de lOuest, le Caucase du Sud et lAsie centrale.
Concernant le critère économique, léconomie turque est bien avancée et peut être considérée comme une économie de marché fonctionnelle. L'économie, soutenue par les mesures de relance de l'État, a réussi à se remettre de la contraction observée à la suite de la tentative de coup d'État de 2016 et a enregistré une forte croissance en 2017. Cependant, cette croissance est accompagnée de déséquilibres macroéconomiques significatifs. Léconomie turque a continué dêtre caractérisée par un haut niveau dinformalité.
La Turquie a fait des progrès et a un bon niveau de préparation pour faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché avec lUE. La Turquie est bien intégrée dans le marché européen, tant sur le plan du commerce que celui des investissements. Des progrès ont été réalisés dans le secteur de lénergie, particulièrement dans le marché du gaz, et en augmentant les dépenses liées à la recherche et au développement. Cependant, des problèmes significatifs demeurent, notamment par rapport à la qualité de léducation.
Aucun progrès na été noté concernant lamélioration de la transparence des aides dÉtat.
Système judiciaire : le système judiciaire turc est à un stade précoce de préparation. Il y a eu un sérieux recul dans lannée précédente, en particulier concernant lindépendance du pouvoir judiciaire.
Corruption et crime organisé : le pays a un certain niveau de préparation dans la lutte contre la corruption, où aucun progrès na été accompli. Le cadre institutionnel et légal doit saligner plus avec les standards internationaux. Un consensus large et multipartite ainsi quune forte volonté politique sont requis pour lutter efficacement contre la corruption. La corruption reste répandue dans beaucoup de domaines et continue dêtre source dinquiétudes. La Turquie doit améliorer sa législation sur le cyber crime, sur la confiscation des biens et sur la protection des témoins. Une législation de protection des données existe mais nest pas encore alignée sur les standards européens. Dans la lutte contre le terrorisme, un cadre légal exhaustif sur le financement du terrorisme est en place.
Droits fondamentaux et liberté dexpression : le cadre légal turc inclut des garanties générales de respect pour les droits humains et fondamentaux, deux droits mis à lépreuve par un certain nombre de décrets durgence. Le sérieux recul de la liberté dexpression a continué, un domaine où la Turquie est à une phase précoce de préparation.
Des poursuites pénales contre des journalistes - avec plus de 150 dentre eux détenus -, des défenseurs des droits de lhomme, des écrivains, des utilisateurs de médias sociaux, le retrait de cartes de presse ainsi que la fermeture de nombreux diffuseurs de médias ou encore la nomination par le gouvernement de personnes pour les administrer sont autant de sources dinquiétude.
La loi Internet ainsi que le cadre légal général continuent de permettre à lexécutif de bloquer le contenu en ligne sans décision de justice pour un large éventail de motifs inappropriés. Un sérieux recul a également été constaté dans les domaines de la liberté dassociation, la liberté dassemblée, les droits de la procédure et de la propriété. Des mesures adoptées dans le cadre de l'état d'urgence ont également supprimé les garanties essentielles protégeant les détenus contre les abus, augmentant ainsi le risque d'impunité, dans un contexte où les allégations de mauvais traitements et de torture se sont multipliées.
L'extrême pauvreté et le manque de produits de première nécessité restent courants dans les ménages roms en Turquie. Les droits des groupes les plus vulnérables et des personnes appartenant à une minorité devraient être suffisamment protégés. La violence basée sur le genre, la discrimination, les discours de haine contre les minorités, les crimes de haine et les violations des droits humains des LGBTQI restent une source dinquiétude.