Protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans les États membres

2018/0136(COD)

AVIS n° 1/2018 de la Cour des comptes sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 2 mai 2018 relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre.

La Cour des comptes se félicite de l’objectif de la proposition de la Commission qui vise à établir les règles nécessaires à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre, laquelle nuit ou risque de nuire à la bonne gestion financière ou à la protection des intérêts financiers de l’Union.

Remarques d’ordre général :

La Cour des comptes approuve le point de vue de la Commission consistant à fonder le mécanisme proposé sur la nécessité de respecter l’état de droit comme une condition préalable pour assurer la conformité aux principes de bonne gestion financière des fonds de l’Union européenne. Elle reconnaît également que l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire sont indispensables pour garantir la bonne gestion financière et la protection du budget de l’Union européenne.

La Cour constate que la proposition de règlement accorde à la Commission un pouvoir d’appréciation plus étendu que les règles actuelles afin d’empêcher toute atteinte à l’une des valeurs fondamentales visées à l’article 2 du TUE. La Commission engage la procédure si elle estime qu’il existe des «motifs raisonnables» de penser que les conditions sont réunies. En réponse à la constatation de la Commission, l’État membre concerné doit fournir toutes les informations requises et peut formuler des observations, dont la Commission doit tenir compte. Dans le mécanisme proposé, la proposition de la Commission vaut acceptation sauf si elle est rejetée ou modifiée par le Conseil. L’adoption de la proposition de la Commission dans le cadre du vote à la majorité qualifiée inversée par le Conseil renforce le pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission dans la proposition.

La Cour estime qu’il aurait été essentiel pour la Commission de réaliser une consultation particulière des parties intéressées avant de publier la proposition. De même, la réalisation d’une analyse d’impact avant la publication de la proposition aurait permis une prise de décision plus éclairée.

La Cour des comptes formule 5 recommandations à l’attention des organes législatifs. Ces derniers devraient:

  1. fixer des critères clairs et spécifiques i) pour définir ce qui constitue une défaillance généralisée de l’état de droit risquant de compromettre la bonne gestion financière et ii) pour déterminer la portée des mesures, soit dans la proposition de règlement soit dans d’éventuelles modalités d’application. Lors de la fixation des critères, les sources de référence utilisées par la Commission dans le cadre des négociations d’adhésion à l’Union européenne, ainsi que dans la mise en place du mécanisme de coopération et de vérification pour suivre les progrès d’un État membre pourraient être prises en compte ;
  2. préciser la base permettant d’imposer à l’État membre concerné le délai pour transmettre les informations requises et déterminer des délais similaires pour la Commission, le cas échéant, par exemple en ce qui concerne la levée des mesures lorsque la défaillance généralisée n’existe plus ;
  3. demander à la Commission d’évaluer en détail, dans sa proposition au Conseil, comment les intérêts légitimes des bénéficiaires finals seront préservés en ce qui concerne l’ensemble des mesures visées dans la proposition (notamment la réduction des engagements ou la suspension des engagements ou des paiements). La Commission a informé la Cour qu’elle évaluerait d’office de sa propre initiative une éventuelle levée des mesures en l’absence d’une demande l’État membre concerné si des motifs le justifient ;
  4. demander à la Commission d’évaluer, avant de décider des mesures appropriées à proposer, les implications budgétaires possibles d’une réduction du financement de l’Union européenne pour le budget de l’État membre concerné en tenant compte des principes de proportionnalité et de non-discrimination ;
  5. préciser que les dispositions concernant le Parquet européen, une fois opérationnel, ne seront applicables qu’aux États membres participants.