Résolution sur le scandale des «CumEx Files»: la criminalité financière et les lacunes du cadre juridique actuel

2018/2900(RSP)

Le Parlement européen a adopté une résolution sur le scandale des «CumEx Files»: la criminalité financière et les lacunes du cadre juridique actuel.

La résolution a été déposée par les groupes PPE, S&D, ALDE, Verts/ALE et GUE/NGL.

Le scandale des «CumEx Files», ou montages commerciaux d’arbitrage de dividendes, impliquerait des établissements financiers d’États membres de l’Union, y compris plusieurs grandes banques commerciales de renom. Les «CumEx Files» désignent une pratique de vente d’actions menée de manière à dissimuler l’identité de leur propriétaire réel et à permettre aux deux parties engagées dans la vente de demander le remboursement des taxes prélevées de leur impôt sur les plus-values de capitaux, alors que celui-ci n’a été payé qu’une seule fois.

Le Parlement a condamné en termes forts la fraude et l’évasion fiscales qui ont conduit à des pertes pour les États membres s’élevant, selon les estimations publiées par plusieurs médias, à 55,2 milliards d’euros de recettes fiscales, ce qui porte un coup à l’économie sociale de marché européenne. Le scandale des «CumEx Files» a été rendu public grâce à une enquête menée en collaboration par 19 médias européens emmené par le média allemand à but non lucratif CORRECTIV. L’enquête du consortium de journalistes européens dévoile que les marchés allemand, danois, espagnol, italien et français seraient visés en priorité par les pratiques commerciales cum ex, suivis par les marchés norvégien, finlandais, polonais, néerlandais, autrichien et tchèque, et que ces pratiques pourraient concerner un nombre inconnu d’États membres de l’Union ainsi que des pays de l’Association européenne de libre-échange (par exemple, la Suisse).

Enquête nécessaire : le Parlement a demandé à l’Autorité européenne des marchés financiers et à l’Autorité bancaire européenne de mener une enquête sur les montages commerciaux d’arbitrage de dividendes de type cum ex en vue :

  • d’évaluer les menaces qu’ils font peser sur l’intégrité des marchés financiers et sur les budgets nationaux ;
  • de déterminer quels acteurs interviennent dans ces montages et à quelle échelle ;
  • d’évaluer s’il y a eu violation du droit de l’Union ou d’un droit national ;
  • d’évaluer les mesures prises par les autorités de supervision financière dans les États membres ;
  • d’établir les manquements aux missions de coordination et de surveillance des autorités de supervision financière, des autorités boursières et des autorités fiscales des différents États membres, qui ont permis que ces montages de vol fiscal perdurent pendant plusieurs années, bien qu’ils aient été connus.

L’Autorité bancaire européenne a été invitée à formuler à l’intention des autorités compétentes concernées les recommandations appropriées sur les réformes à effectuer et les mesures à prendre.

Enquêtes pénales : le Parlement a insisté sur l’impérieuse nécessité d’en finir avec l’impunité des cols blancs et de faire mieux respecter les réglementations financières. Les autorités nationales compétentes ont été invitées à ouvrir des enquêtes pénales, à utiliser les instruments juridiques permettant de geler les avoirs suspects, à soumettre à des enquêtes les conseils d’administration qui pourraient être impliqués dans le scandale ainsi qu’à prononcer des sanctions appropriées et dissuasives à l’encontre des parties concernées. Le Parlement a estimé qu’il convenait de traduire en justice les auteurs de ces infractions et ceux qui les ont permises, c’est-à-dire non seulement des conseillers fiscaux, mais également des avocats, des comptables et des banques.

Échange d’informations : les députés ont souligné que ces nouvelles révélations semblaient révéler de possibles lacunes dans les législations fiscales nationales et dans les systèmes en vigueur d’échange d’informations et de coopération entre les autorités des États membres. Ils ont invité les États membres à mettre réellement en œuvre l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal. Ils ont également appelé :

  • les autorités fiscales de tous les États membres à désigner des guichets uniques, comme l’entend le groupe de travail international pour le partage des renseignements et la collaboration de l’OCDE, et ils ont invité la Commission à assurer et à faciliter la coopération entre eux ;
  • les autorités fiscales nationales à tirer pleinement parti de la directive (UE) 2018/822 du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration (sixième directive relative à la coopération administrative), en ce compris les demandes groupées ;
  • à un renforcement de cette directive afin de rendre obligatoire la publication des montages d’arbitrage de dividendes et toutes les informations sur les plus-values de capitaux, y compris l’octroi de remboursements d’impôt sur les dividendes et sur les plus-values de capitaux ;
  • à une action coordonnée entre les autorités nationales afin de garantir le recouvrement de tous les fonds puisés illégalement dans les comptes publics.

Le Parlement a regretté que le commissaire responsable de la fiscalité ne reconnaisse pas la nécessité d’étendre le système actuel d’échange d’informations entre les autorités fiscales nationales.

Analyse des versements de dividendes : tous les États membres, dont les marchés semblent visés en priorité par les pratiques commerciales d’arbitrage de dividendes, ont été pressés d’enquêter et d’analyser de manière approfondie les pratiques en matière de versement de dividendes dans leurs juridictions, d’identifier les failles dans leurs législations fiscales qui peuvent être exploitées à des fins d’évasion ou de fraude fiscales, d’analyser l’éventuelle dimension transfrontière de ces pratiques et de faire cesser toutes les pratiques fiscales ayant des effets préjudiciables.

Nouvelles règles : le Parlement a invité la Commission à :

  • s’atteler immédiatement à l’élaboration d’une proposition visant à créer une police financière européenne dans le cadre d’Europol, qui soit dotée de moyens d’enquête propres, ainsi que d’un cadre européen d’enquêtes fiscales transfrontières ;
  • réviser la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents afin de combattre les pratiques d’arbitrage de dividendes ;
  • évaluer le rôle des entités ad hoc et entités à vocation spécifique, révélé par les «CumEx papers», et, le cas échéant, à proposer de restreindre l’emploi de ces instruments ;
  • évaluer s’il serait nécessaire d’instaurer un cadre européen en matière de fiscalité des revenus du capital afin de restreindre les opportunités qui déstabilisent les flux financiers transfrontières, créent de la concurrence fiscale entre les États membres et érodent les assiettes fiscales, sur lesquelles repose la pérennité des États-providence européens;
  • réfléchir à une proposition législative pour instituer une cellule de renseignement financier de l’Union, un centre européen pour le travail commun d’enquête et un mécanisme de signalement précoce.

En dernier lieu, le Parlement s’est félicité de la proposition de la Commission qui vise à modifier, parmi d’autres règlements, le règlement instituant l’ABE afin de renforcer le rôle de l’ABE dans la surveillance du secteur financier aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux.