Résolution sur le scandale des «CumEx Files»: la criminalité financière et les lacunes du cadre juridique actuel
Le Parlement européen a adopté une résolution sur le scandale des «CumEx Files»: la criminalité financière et les lacunes du cadre juridique actuel.
La résolution a été déposée par les groupes PPE, S&D, ALDE, Verts/ALE et GUE/NGL.
Le scandale des «CumEx Files», ou montages commerciaux darbitrage de dividendes, impliquerait des établissements financiers dÉtats membres de lUnion, y compris plusieurs grandes banques commerciales de renom. Les «CumEx Files» désignent une pratique de vente dactions menée de manière à dissimuler lidentité de leur propriétaire réel et à permettre aux deux parties engagées dans la vente de demander le remboursement des taxes prélevées de leur impôt sur les plus-values de capitaux, alors que celui-ci na été payé quune seule fois.
Le Parlement a condamné en termes forts la fraude et lévasion fiscales qui ont conduit à des pertes pour les États membres sélevant, selon les estimations publiées par plusieurs médias, à 55,2 milliards deuros de recettes fiscales, ce qui porte un coup à léconomie sociale de marché européenne. Le scandale des «CumEx Files» a été rendu public grâce à une enquête menée en collaboration par 19 médias européens emmené par le média allemand à but non lucratif CORRECTIV. Lenquête du consortium de journalistes européens dévoile que les marchés allemand, danois, espagnol, italien et français seraient visés en priorité par les pratiques commerciales cum ex, suivis par les marchés norvégien, finlandais, polonais, néerlandais, autrichien et tchèque, et que ces pratiques pourraient concerner un nombre inconnu dÉtats membres de lUnion ainsi que des pays de lAssociation européenne de libre-échange (par exemple, la Suisse).
Enquête nécessaire : le Parlement a demandé à lAutorité européenne des marchés financiers et à lAutorité bancaire européenne de mener une enquête sur les montages commerciaux darbitrage de dividendes de type cum ex en vue :
- dévaluer les menaces quils font peser sur lintégrité des marchés financiers et sur les budgets nationaux ;
- de déterminer quels acteurs interviennent dans ces montages et à quelle échelle ;
- dévaluer sil y a eu violation du droit de lUnion ou dun droit national ;
- dévaluer les mesures prises par les autorités de supervision financière dans les États membres ;
- détablir les manquements aux missions de coordination et de surveillance des autorités de supervision financière, des autorités boursières et des autorités fiscales des différents États membres, qui ont permis que ces montages de vol fiscal perdurent pendant plusieurs années, bien quils aient été connus.
LAutorité bancaire européenne a été invitée à formuler à lintention des autorités compétentes concernées les recommandations appropriées sur les réformes à effectuer et les mesures à prendre.
Enquêtes pénales : le Parlement a insisté sur limpérieuse nécessité den finir avec limpunité des cols blancs et de faire mieux respecter les réglementations financières. Les autorités nationales compétentes ont été invitées à ouvrir des enquêtes pénales, à utiliser les instruments juridiques permettant de geler les avoirs suspects, à soumettre à des enquêtes les conseils dadministration qui pourraient être impliqués dans le scandale ainsi quà prononcer des sanctions appropriées et dissuasives à lencontre des parties concernées. Le Parlement a estimé quil convenait de traduire en justice les auteurs de ces infractions et ceux qui les ont permises, cest-à-dire non seulement des conseillers fiscaux, mais également des avocats, des comptables et des banques.
Échange dinformations : les députés ont souligné que ces nouvelles révélations semblaient révéler de possibles lacunes dans les législations fiscales nationales et dans les systèmes en vigueur déchange dinformations et de coopération entre les autorités des États membres. Ils ont invité les États membres à mettre réellement en uvre léchange automatique et obligatoire dinformations dans le domaine fiscal. Ils ont également appelé :
- les autorités fiscales de tous les États membres à désigner des guichets uniques, comme lentend le groupe de travail international pour le partage des renseignements et la collaboration de lOCDE, et ils ont invité la Commission à assurer et à faciliter la coopération entre eux ;
- les autorités fiscales nationales à tirer pleinement parti de la directive (UE) 2018/822 du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne léchange automatique et obligatoire dinformations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire lobjet dune déclaration (sixième directive relative à la coopération administrative), en ce compris les demandes groupées ;
- à un renforcement de cette directive afin de rendre obligatoire la publication des montages darbitrage de dividendes et toutes les informations sur les plus-values de capitaux, y compris loctroi de remboursements dimpôt sur les dividendes et sur les plus-values de capitaux ;
- à une action coordonnée entre les autorités nationales afin de garantir le recouvrement de tous les fonds puisés illégalement dans les comptes publics.
Le Parlement a regretté que le commissaire responsable de la fiscalité ne reconnaisse pas la nécessité détendre le système actuel déchange dinformations entre les autorités fiscales nationales.
Analyse des versements de dividendes : tous les États membres, dont les marchés semblent visés en priorité par les pratiques commerciales darbitrage de dividendes, ont été pressés denquêter et danalyser de manière approfondie les pratiques en matière de versement de dividendes dans leurs juridictions, didentifier les failles dans leurs législations fiscales qui peuvent être exploitées à des fins dévasion ou de fraude fiscales, danalyser léventuelle dimension transfrontière de ces pratiques et de faire cesser toutes les pratiques fiscales ayant des effets préjudiciables.
Nouvelles règles : le Parlement a invité la Commission à :
- satteler immédiatement à lélaboration dune proposition visant à créer une police financière européenne dans le cadre dEuropol, qui soit dotée de moyens denquête propres, ainsi que dun cadre européen denquêtes fiscales transfrontières ;
- réviser la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales dÉtats membres différents afin de combattre les pratiques darbitrage de dividendes ;
- évaluer le rôle des entités ad hoc et entités à vocation spécifique, révélé par les «CumEx papers», et, le cas échéant, à proposer de restreindre lemploi de ces instruments ;
- évaluer sil serait nécessaire dinstaurer un cadre européen en matière de fiscalité des revenus du capital afin de restreindre les opportunités qui déstabilisent les flux financiers transfrontières, créent de la concurrence fiscale entre les États membres et érodent les assiettes fiscales, sur lesquelles repose la pérennité des États-providence européens;
- réfléchir à une proposition législative pour instituer une cellule de renseignement financier de lUnion, un centre européen pour le travail commun denquête et un mécanisme de signalement précoce.
En dernier lieu, le Parlement sest félicité de la proposition de la Commission qui vise à modifier, parmi dautres règlements, le règlement instituant lABE afin de renforcer le rôle de lABE dans la surveillance du secteur financier aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux.