La commission des affaires étrangères a adopté le rapport d'initiative de Kati PIRI (S&D, NL) sur le rapport 2018 de la Commission sur la Turquie.
État d'urgence
L'état d'urgence instauré après la tentative de coup d'Etat de 2016 a été prolongé 7 fois. Les députés estiment que l'état d'urgence prolongé a conduit à l'érosion de l'État de droit et à la détérioration des droits de l'homme en Turquie. Ils sont préoccupés par le fait que de nombreuses procédures en vigueur pendant l'état d'urgence sont toujours appliquées par les forces de police et les administrations locales et qu'il y a un sérieux recul dans les domaines de la liberté d'expression, de la liberté de réunion, de la liberté d'association et des droits de procédure et de propriété.
Ils sont profondément préoccupés par le fait que plus de 150.000 personnes ont été placées en détention après la répression du coup d'État et que 78.000 ont été arrêtées sur la base d'accusations de terrorisme, alors que plus de 50.000 personnes restent en prison, dans la plupart des cas sans preuve concluante. Compte tenu de la longueur de la détention provisoire et des procédures judiciaires et de la pratique généralisée d'annulation des passeports des proches des détenus et des suspects, les députés ont souligné la nécessité d'une procédure régulière et de recours administratif.
En outre, depuis l'instauration de l'état d'urgence, plus de 152. 000 fonctionnaires - enseignants, médecins, universitaires (de la paix), avocats, juges et procureurs - ont été licenciés. La Turquie est invitée à veiller à ce que tous les individus aient droit à une procédure régulière et à ce que leur cas soit examiné par un tribunal judiciaire indépendant, conformément aux normes internationales qui peuvent garantir l'indemnisation du préjudice matériel et moral causé par leur renvoi arbitraire.
Liberté et indépendance des médias
Les députés se sont déclarés gravement préoccupés par les mesures disproportionnées et arbitraires qui restreignent la liberté d'expression, la liberté des médias et l'accès à l'information. La Turquie est instamment priée de garantir en priorité la liberté des médias et de libérer et d'acquitter immédiatement tous les journalistes illégalement détenus.
D'une manière générale, la Turquie est appelée à :
- libérer tous les défenseurs des droits de l'homme, journalistes et autres personnes qui ont été détenus sur la base d'accusations non fondées, et d'abandonner ces accusations et de leur permettre de mener à bien leur travail sans menace ni entrave en toutes circonstances ;
- protéger les droits fondamentaux de tous les citoyens, y compris les minorités ethniques, religieuses et sexuelles ;
- adopter une loi sur les crimes de haine qui puisse protéger tous les membres des minorités contre les agressions physiques et verbales et satisfaire aux critères de Copenhague pour les pays candidats en ce qui concerne le respect et la protection des minorités ;
- prendre des mesures sérieuses pour lutter contre toutes les manifestations d'antisémitisme dans la société ;
- prendre des mesures adéquates pour prévenir et punir les discours de haine ou les crimes visant des groupes défavorisés tels que les réfugiés roms et syriens et les demandeurs d'asile.
Les députés ont recommandé que la Commission et le Conseil de l'Union européenne, conformément au cadre de négociation, suspendent officiellement les négociations d'adhésion avec la Turquie. Le rapport souligne que tout engagement politique entre l'UE et la Turquie devrait être fondé sur des dispositions de conditionnalité concernant le respect de la démocratie, de l'État de droit et des droits fondamentaux.
Union douanière modernisée
Les députés ont souligné que la modernisation de l'union douanière renforcerait encore les liens déjà forts entre la Turquie et l'UE et maintiendrait l'ancrage économique de la Turquie dans l'UE. Ils ont estimé qu'il fallait laisser la porte ouverte à la modernisation et à la modernisation de l'union douanière de 1995 entre l'UE et la Turquie, afin d'y inclure des domaines pertinents tels que l'agriculture, les services et les marchés publics, qui ne sont actuellement pas couverts.
La Commission est invitée, à cet égard, à :
- entamer les travaux préparatoires en vue de la modernisation de l'union douanière dès que le gouvernement turc attestera qu'il est prêt à entreprendre des réformes sérieuses ;
- inclure une clause sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans l'union douanière rénovée faisant des droits de l'homme et des libertés fondamentales une conditionnalité essentielle ;
Libéralisation du régime des visas
Étant donné que la libéralisation du régime des visas revêt une grande importance pour les citoyens turcs, en particulier pour les étudiants, les universitaires, les représentants des entreprises et les personnes ayant des liens familiaux dans les États membres de l'UE, les députés ont encouragé la Turquie à respecter pleinement les 72 critères définis dans la feuille de route pour la libéralisation du régime des visas. La révision de la législation turque de lutte contre le terrorisme est une condition essentielle pour garantir les droits et libertés fondamentaux.
Migration
Le rapport rappelle le rôle important joué par la Turquie dans la réponse à la crise migratoire résultant de la guerre en Syrie. La Turquie et sa population ont fait preuve d'une grande hospitalité en accueillant plus de 3,5 millions de réfugiés syriens. La Turquie est instamment invitée à respecter le principe de non-refoulement.
OTAN
La Turquie est un membre de longue date de l'alliance de l'OTAN et se trouve à un endroit géostratégique clé pour le maintien de la sécurité régionale et européenne. L'UE et la Turquie continuent de coopérer sur des questions d'importance stratégique (militaire) dans le cadre de l'OTAN. La Turquie est invitée à reprendre sa coopération avec les membres de l'OTAN de l'UE dans le cadre du programme glissant de coopération de l'OTAN avec les pays non membres de l'UE.
Chypre
Se félicitant des efforts déployés sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies pour reprendre les négociations sur la réunification de Chypre, les députés ont réaffirmé leur soutien à un règlement juste, global et viable sur la base d'une fédération bicommunautaire dotée d'une personnalité juridique internationale unique, d'une souveraineté unique, d'une citoyenneté unique et de l'égalité politique entre les deux communautés.
L'UE est invitée à jouer un rôle plus actif pour mener à bien les négociations. Les députés ont appelé la Turquie à commencer à retirer ses troupes de Chypre et à s'abstenir de toute action visant à modifier l'équilibre démographique de l'île par une politique de colonies illégales.