Le Parlement européen a adopté par 505 voix pour, 63 contre et 87 abstentions, une résolution sur la criminalité financière, la fraude fiscale et lévasion fiscale.
Les recommandations ont été élaborées par la commission spéciale sur les délits financiers, lévasion fiscale et la fraude fiscale (TAX3) créée le 1er mars 2018 à la suite des révélations qui ont été faites par des journalistes dinvestigation, telles que les «LuxLeaks», les «Panama papers», les «Paradise papers» et plus récemment les «CumEx Files», ainsi que les affaires de blanchiment de capitaux impliquant, notamment, des banques en Allemagne, au Danemark, en Estonie, en Lettonie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
Nécessité urgente d'une réforme
Le Parlement a estimé urgent de réformer les règles fiscales afin que les systèmes fiscaux internationaux, européens et nationaux soient adaptés aux nouveaux défis économiques, sociaux et technologiques du XXIe siècle. Les régimes fiscaux et les méthodes comptables actuelles ne sont pas équipés pour faire face aux évolutions en cours et garantir que tous les acteurs du marché paient leur juste part dimpôt.
Les députés se sont félicités du fait que, au cours de son mandat actuel, la Commission a présenté 26 propositions législatives visant à combler certaines lacunes, à améliorer la lutte contre la criminalité financière et la planification fiscale agressive, ainsi qu'à accroître l'efficacité et l'équité du recouvrement des impôts. Ils ont toutefois regretté l'absence de progrès au sein du Conseil sur les grandes initiatives relatives à la réforme de l'impôt des sociétés qui n'ont pas encore été finalisées en raison de l'absence d'une véritable volonté politique.
Ils ont appelé à l'adoption rapide des initiatives de l'UE qui n'ont pas encore été finalisées et à un suivi attentif de leur mise en uvre afin d'en assurer l'efficacité et la bonne application, de manière à suivre le rythme de la fraude fiscale, de l'évasion fiscale et de la planification fiscale agressive.
Les députés ont demandé à l'UE d'adopter une stratégie globale par laquelle l'UE aiderait les États membres à passer de leurs systèmes fiscaux actuels qui leur portent préjudice à un système fiscal compatible avec le cadre juridique de l'UE et l'esprit des traités de l'UE.
Transactions en espèces
Le Parlement a souligné que les transactions en espèces demeurent un risque très élevé en termes de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale, y compris la fraude à la TVA.
La Commission est invitée à préparer une proposition sur les restrictions européennes concernant les paiements en espèces, tout en maintenant les espèces comme moyen de paiement. Notant que les grosses coupures en euros présentent un risque plus élevé en termes de blanchiment d'argent, les députés ont demandé à la Banque centrale européenne (BCE) d'établir un calendrier pour supprimer progressivement la possibilité d'utiliser les billets de 500 euros.
Lutte contre le blanchiment des capitaux
Le Parlement a souligné avec inquiétude que les produits dactivités criminelles à lintérieur de lUnion européenne sont estimés à 110 milliards deuros par an, soit 1 % du PIB total de lUnion. Selon les estimations de la Commission, dans certains États membres, jusquà 70 % des affaires de blanchiment de capitaux présentent une dimension transfrontière.
Les députés se sont indignés de constater que des manquements systémiques dans lapplication des exigences anti-blanchiment, auxquels sajoute une surveillance inefficace, ont débouché récemment sur plusieurs affaires très médiatisées de blanchiment de capitaux au sein de banques européennes.
Le Parlement a rappelé que les obligations de connaissance de la clientèle et de vigilance à légard de la clientèle sont essentielles, quelles restent en vigueur tout au long de la relation commerciale et que les transactions réalisées par les clients doivent être examinées en permanence pour déceler déventuelles activités suspectes ou inhabituelles. Il a demandé à la Commission de recourir à tous les instruments disponibles pour aider les États membres à transposer et faire appliquer la cinquième directive anti-blanchiment. Il a plaidé pour une meilleure coopération entre les autorités de surveillance anti-blanchiment et de surveillance prudentielle dans lUnion européenne.
Dépouillement par dividendes et cessions de coupons fictives
Les députés ont noté que les transactions de type «CumEx» sont un problème mondial connu depuis les années 1990, y compris en Europe, mais qu'aucune mesure coordonnée n'a été prise pour y remédier. Ils ont déploré la fraude fiscale révélée par le scandale des dossiers dits «CumEx», qui a entraîné des pertes de recettes fiscales des États membres qui, selon certaines estimations des médias, s'élèveraient à 55,2 milliards d'euros. Le système de fraude CumEx démontre clairement que la complexité des systèmes fiscaux engendre des vides juridiques.
La résolution a souligné que le système de fraude CumEx démontrait clairement quil fallait privilégier à lavenir les traités fiscaux multilatéraux et non bilatéraux qui risqueraient de compliquer le maillage déjà complexe de règles internationales, créerait de nouveaux vides juridiques et contribuerait au manque de transparence.
Police financière européenne
La Commission est invitée à commencer immédiatement à travailler sur une proposition de création d'une force de police financière européenne dans le cadre d'Europol, dotée de ses propres capacités d'enquête, ainsi que sur un cadre européen pour les enquêtes fiscales transfrontalières et autres délits financiers transfrontaliers.
TVA
La résolution a souligné limportance d'harmoniser les règles de TVA au niveau de l'UE dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur et pour éviter toute distorsion de concurrence. On estime qu'environ 50 milliards d'euros - soit 100 euros par citoyen de l'UE chaque année - sont perdus à cause de la fraude transfrontalière à la TVA. Les députés ont souligné la nécessité dune meilleure coopération entre les autorités administratives, judiciaires et répressives de l'UE afin de mieux lutter contre la fraude à la TVA. La prochaine Commission est invitée à donner la priorité à l'introduction et à la mise en uvre du régime définitif de TVA afin de l'améliorer.
Suppression progressive des « visas et passeports dorés »
Les députés se sont inquiétés du fait qu'une majorité d'États membres ont adopté des programmes de citoyenneté par l'investissement (CBI) ou de résidence par l'investissement (RBI), généralement connus sous le nom de « visas et passeports dorés » ou programmes d'investisseurs, qui accordent la citoyenneté ou la résidence aux citoyens européens et non européens en échange d'investissements financiers.
Au moins 5 000 ressortissants de pays tiers ont obtenu la citoyenneté de l'UE grâce à des programmes d'investissement. Les députés ont déploré le fait que l'opacité qui entoure l'origine des fonds liés aux programmes CBI et RBI ait considérablement accru les risques politiques, économiques et sécuritaires pour les pays européens.
Ces régimes devraient être progressivement supprimés selon les députés
Paradis fiscaux
Les députés ont rappelé l'importance d'une liste commune de juridictions non coopératives de l'UE à des fins fiscales ("la liste de l'UE") fondée sur des critères exhaustifs, transparents, solides, objectivement vérifiables et communément acceptés, et régulièrement actualisés.
Ils ont également déclaré que la Commission avait critiqué sept États membres - la Belgique, Chypre, la Hongrie, l'Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas - pour les lacunes de leurs systèmes fiscaux qui facilitent une planification fiscale agressive, arguant qu'ils sapent l'intégrité du marché unique européen. Les députés sont d'avis que ces juridictions peuvent également être considérées comme facilitant la planification fiscale agressive à l'échelle mondiale. Une révision de la liste de l'UE est prévue au cours du premier trimestre de 2019.
Contre-mesures
Le Parlement a renouvelé son appel à l'UE et à ses États membres pour qu'ils prennent des contre-mesures efficaces et dissuasives contre les pays et territoires non coopératifs en vue d'encourager une bonne coopération en matière fiscale. Ils ont déploré le fait que la plupart des contre-mesures proposées par le Conseil sont laissées à la discrétion nationale.
Les États membres devraient adopter un ensemble unique de contre-mesures strictes, telles que la retenue à la source, l'exclusion des appels d'offres pour les marchés publics, des exigences accrues en matière d'audit, etc.
Ces contre-mesures devraient également être envisagées à l'encontre des États-Unis si ce pays n'assure pas la réciprocité dans le cadre de leur loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers.
Enfin, le Parlement a insisté sur la nécessité de protéger la confidentialité des sources des journalistes dinvestigation, notamment les lanceurs dalerte, pour préserver leur rôle dobservateur critique au sein dune société démocratique.