Décharge 2018: Budget général UE, Commission européenne

2019/2055(DEC)

Le Parlement européen a décidé par 499 voix pour, 136 contre et 56 abstentions, de donner décharge à la Commission et aux agences exécutives sur l’exécution du budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2018.

Dans la résolution qui accompagne sa décision de décharge (adoptée par 514 voix pour, 95 contre et 84 abstentions), le Parlement européen a formulé une série d’observations :

1) Fiabilité des comptes

Le Parlement a salué le fait que la Cour des comptes ait conclu à la fiabilité des comptes pour 2018 et qu’elle ait conclu que les recettes étaient exemptes d’erreur significative en 2018. Il s’est également félicité de la tendance positive du taux d’erreur le plus probable pour les paiements établi par la Cour par rapport à la tendance de ces dernières années, étant donné que ce taux s’élève à 2,6 % pour les paiements en 2018. Il a toutefois déploré que les paiements soient affectés par un niveau significatif d’erreur du fait que les systèmes de surveillance et de contrôle ne fonctionnent que partiellement.

La Cour a contrôlé des opérations d’un volume total de 120,6 milliards d’EUR. Le taux d’erreur estimé le plus important a été constaté dans les dépenses du cadre financier pluriannuel (CFP) relevant de la «cohésion économique, sociale et territoriale» (5,0 %), tandis que le taux d’erreur significatif le plus faible pour les dépenses au titre de la «compétitivité pour la croissance et l’emploi» se situait au niveau du seuil de signification (2,0 %). De plus, les dépenses de recherche restent un domaine à plus haut risque, ainsi que la principale source d’erreur dans la rubrique «compétitivité» du CFP.  Les députés ont déploré que la Cour n’ait pas estimé le niveau d’erreur pour des domaines de dépenses relevant des rubriques 3 («sécurité et citoyenneté») et 4 («l’Europe dans le monde») du CFP.

Comme les années précédentes, les erreurs d’éligibilité (à savoir les déclarations de coûts inéligibles, ainsi que les projets, activités ou bénéficiaires inéligibles) sont celles qui ont le plus contribué au niveau d’erreur estimatif pour les dépenses à haut risque pour 2018. Le Parlement a demandé à la Commission de prêter une attention particulière à ces erreurs et d’évaluer si elles présentent un risque pour la libre concurrence, voire si elles indiquent des cas de corruption potentiels. Dans ce cas, la Commission devrait prendre des mesures correctives et en informer le Parquet européen.

La Commission a été invitée à rationaliser et de simplifier les cadres stratégiques qui régissent l’exécution du budget de l’Union afin de renforcer l’obligation de rendre compte des résultats et d’accroître la clarté et la transparence pour toutes les parties prenantes.

2) Gestion budgétaire et financière

En 2018, les crédits d’engagement et de paiement disponibles dans le budget définitif ont été presque intégralement utilisés, à savoir 99,5 % des crédits d’engagement et 98,6 % des crédits de paiement. Les demandes de paiement transmises par les États membres ont considérablement augmenté pour les Fonds européens structurels et d’investissement (Fonds ESI).

Les députés ont souligné que selon les prévisions de la Cour, un total de 44,9 milliards d’EUR risquait de ne pas être utilisé d’ici à fin 2020, rappelant que la flexibilité apportée par la marge globale pour les paiements (MGP) prenait fin avec le CFP actuel fin 2020.

Le Parlement a exprimé sa préoccupation quant au fait que les engagements restant à liquider (RAL) ont continué à augmenter en 2018 pour atteindre un nouveau record (281,2 milliards d’EUR à la fin de 2018 contre 267,3 milliards d’EUR en 2017) et que cette situation présentait un risque grave. Il a invité la Commission à améliorer ses prévisions financières et, au besoin, à aider les pays à trouver des projets éligibles, en particulier des projets présentant une valeur ajoutée européenne manifeste, afin de réduire le RAL.

Le Parlement partage les préoccupations de la Cour quant au fait que les crédits de paiement disponibles risquent d’être insuffisants pour couvrir tous les montants dus au cours des premiers exercices du nouveau CFP, ce qui pourrait notamment être le cas en 2021, première année du CFP 2021-2027. Il a invité la Commission à améliorer la précision des prévisions des besoins en crédits de paiement et appelé l’autorité budgétaire à assurer, pour le prochain CFP, une relation équilibrée entre crédits d’engagement et de paiement inscrits au budget moyennant une augmentation des crédits de paiement, une modification des règles de dégagement et/ou une diminution des crédits d’engagement.

3) Priorités politiques

Le Parlement a insisté sur les points suivants :

Respect de de l’état de droit

Le respect de l’état de droit est l’une des conditions les plus importantes du respect des principes de bonne gestion financière. Inquiet des pertes financières dues à une défaillance généralisée de l’état de droit dans plusieurs États membres, le Parlement a soutenu que l’Union devrait pouvoir imposer des mesures appropriées comprenant la suspension ou la réduction du financement de l’Union, voire une restriction de l’accès à ce dernier.

Protection des intérêts financiers

De plus grands efforts sont nécessaires à tous les niveaux pour prévenir et combattre la fraude, la corruption et l’utilisation abusive des fonds de l’Union. Le Parlement a critiqué le manque de financement et de personnel du Parquet européen pendant la phase de démarrage ainsi que la sous-évaluation de ses besoins par la Commission. Il a encouragé la Commission à présenter un projet de budget rectificatif, soulignant que le Parquet européen devait traiter jusqu’à 3000 affaires par an et qu’il avait besoin d’au moins 76 postes supplémentaires et de 8 millions d’EUR afin d’être pleinement opérationnel fin 2020.

Prévention des conflits d’intérêts

Le Parlement a demandé à la Commission, de lutter contre toutes les formes de conflit d’intérêts et d’évaluer régulièrement les mesures préventives prises par les États membres pour les éviter. Il a exhorté le Conseil à adopter une déontologie commune pour l’ensemble des problèmes liés aux conflits d’intérêts et à définir une position commune à l’ensemble des États membres

Captation de subventions agricoles par des structures oligarchiques

En vue de lutter contre la fraude, le Parlement a invité la Commission à déposer une proposition de modification des règles de la PAC et de la politique de cohésion en vue d’empêcher une répartition inégale dans laquelle une petite minorité de bénéficiaires (personnes physiques et morales) reçoivent la vaste majorité des subventions de l’Union dans ces deux domaines. Il a proposé de modifier les règles du CFP afin d’éviter qu’une personne physique qui détiendrait plusieurs sociétés puisse recevoir, au cours d’un seul CFP et dans le cadre de la PAC et de la politique de cohésion, des subventions de l’Union de l’ordre de la centaine de millions.

Mécanisme de plainte pour les agriculteurs

La Commission a été invitée à proposer un mécanisme de plainte spécifique au niveau de l’Union afin de soutenir les agriculteurs ou les bénéficiaires confrontés, par exemple, à des pratiques d’accaparement abusif des terres, à la mauvaise conduite des autorités nationales, à des pressions venant d’organisations criminelles ou du crime organisé, ou de soutenir des personnes soumises au travail forcé ou réduites en esclavage.

Les députés ont également demandé la mise en place d’un système informatique en temps réel pour les paiements des fonds agricoles et de cohésion de l’UE, incluant des informations sur les bénéficiaires finaux.

Autres recommandations

La Commission a été invitée, entre autres, à :

- travailler en coopération avec les États membres pour garantir l’exhaustivité, la précision et la fiabilité des données, sans perdre de vue l’objectif de pleine mise en œuvre du système d’audit unique;

- s’assurer qu’une méthode transparente et une terminologie cohérente sont utilisées et rationaliser ses rapports, notamment en ce qui concerne les taux d’erreur afin d’éviter la confusion et l’opacité;

- définir des indicateurs de performance clés plus rigoureux qui reflètent les effets et les réalisations imputables aux programmes de dépenses et aux politiques de l’Union plus que la performance des autorités qui mettent ceux-ci en œuvre;

- examiner, avec les États membres, la façon de percevoir plus efficacement les droits de douane et de recouvrer les montants qui, par fraude, n’ont pas été payés, ainsi que les améliorations qui peuvent être apportées au recouvrement des recettes douanières;

- accorder une plus grande attention à la répartition géographique des fonds en faveur de la recherche afin de contribuer à la diffusion de la recherche au plus haut niveau d’excellence dans toute l’Union;

- améliorer le support technique (séances de formation, communication, etc.) proposé aux autorités nationales, régionales ou locales afin d’améliorer les taux d’absorption;

- promouvoir une meilleure prise en compte de l’équilibre hommes-femmes dans l’établissement du budget lors de l’allocation de fonds;

- prendre des mesures spécifiques, en coopération avec les autorités des États membres, pour prévenir l’utilisation abusive des fonds de l’Union et éviter les abus et les trafics compte tenu de la situation dramatique des migrants les plus vulnérables dans les centres d’accueil et d’enregistrement.

Enfin, le Parlement a réclamé une transparence accrue et approche plus stratégique de la politique de coopération au développement, constatant avec inquiétude l’attribution d’un grand nombre de contrats à un nombre très limité d’agences nationales pour le développement.