La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté le rapport intérimaire de Juan Fernando LÓPEZ AGUILAR (S&D, ES) sur la proposition de décision du Conseil concernant la détermination d'un risque clair de violation grave de l'État de droit par la République de Pologne.
Base juridique
Avant d'adhérer à l'Union, les futurs États membres sont soumis à un examen approfondi de leur conformité aux valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'État de droit et de respect des droits de l'homme, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités, telles qu'elles sont énoncées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne. Les « critères de Copenhague » garantissent que tous les nouveaux États membres de l'UE sont en conformité avec les principes communs de l'Union avant de rejoindre l'UE. Toutefois, il n'existe pas de méthode similaire pour superviser le respect de ces principes fondamentaux après l'adhésion.
Selon l'article 7 du traité de l'UE, le Conseil peut déterminer qu'il existe un risque clair de violation grave des valeurs communes de l'UE énoncées à l'article 2. Il peut également agir en cas de violation dans un domaine où les États membres agissent de manière autonome.
Le 20 décembre 2017, la Commission européenne a publié sa proposition motivée fondée sur l'article 7, paragraphe 1, du TUE en vue dune décision du Conseil relative à la détermination d'un risque clair de violation grave de l'État de droit par la République de Pologne. Le Parlement européen a exprimé ses préoccupations concernant la situation de l'État de droit en Pologne dans plusieurs résolutions adoptées au cours des dernières années.
Le présent rapport intérimaire se concentre sur la détérioration continue de la situation en Pologne en ce qui concerne le fonctionnement du système législatif et électoral, l'indépendance du pouvoir judiciaire et les droits des juges, ainsi que la protection des droits fondamentaux.
Étant donné que la situation de l'État de droit en Pologne non seulement n'a pas été abordée mais s'est gravement détériorée depuis le déclenchement de l'article 7, paragraphe 1, du TUE, les députés ont souligné l'importance de ce rapport intérimaire, qui vise à faire le point sur l'évolution de la situation en ce qui concerne les aspects suivants :
L'État de droit, la démocratie et les droits fondamentaux
Selon les députés, les changements apportés au système judiciaire du pays au cours des dernières années, allant de la manière dont les nominations sont effectuées aux procédures disciplinaires, constituent un risque sérieux pour l'indépendance judiciaire.
En ce qui concerne l'État de droit au sens strict de l'indépendance du pouvoir judiciaire, la situation est loin de s'améliorer. Des questions telles que la composition et le comportement du nouveau Conseil national de la justice, l'emprise du ministre de la justice, qui est également procureur général, sur les services du ministère public, la création de la chambre disciplinaire et de la chambre de recours extraordinaire au sein de la Cour suprême, l'intimidation systématique des juges et les procédures disciplinaires à l'encontre des juges qui s'expriment sur ces réformes ont été mises en évidence dans le rapport.
Le fonctionnement du système législatif et électoral
Les députés ont déploré le recours fréquent à des procédures législatives accélérées par le parlement polonais pour l'adoption de lois cruciales remaniant l'organisation et le fonctionnement du système judiciaire, sans consultation significative des parties prenantes, y compris la communauté judiciaire. Ils ont également souligné les récents développements relatifs aux modifications de la loi électorale et aux élections organisées en cas d'urgence publique.
La protection des droits fondamentaux, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités
La Pologne est invitée à :
- prendre toutes les mesures nécessaires pour i) lutter fermement contre les discours de haine raciste et l'incitation à la violence, en ligne et hors ligne, et pour condamner publiquement et prendre ses distances par rapport aux discours de haine raciste tenus par des personnalités publiques, ii) lutter contre les préjugés et les sentiments négatifs à l'égard des minorités nationales et ethniques (y compris les Roms), des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile, et iii) assurer l'application effective des lois interdisant les partis ou organisations qui encouragent ou incitent à la discrimination raciale ;
- améliorer la liberté d'expression, la liberté et le pluralisme des médias, la liberté académique, la liberté de réunion et d'association ;
- s'abstenir de toute nouvelle tentative de restriction de la santé et des droits sexuels et génésiques des femmes ;
- améliorer la situation en ce qui concerne l'augmentation de l'intolérance et de la violence à l'égard des personnes LGBTI.
Élargissement du champ d'application de la procédure de l'article 7, paragraphe 1, du TUE
Ce rapport intérimaire devrait donner une nouvelle impulsion à la procédure de l'article 7, paragraphe 1, du TUE, en incluant non seulement les changements controversés les plus récents apportés au système judiciaire polonais, mais aussi une analyse de la situation de la démocratie et des droits fondamentaux en Pologne, qui nécessitent une attention particulière.
Appel à l'action des autorités polonaises, du Conseil et de la Commission
Les députés ont demandé au gouvernement polonais :
- de respecter toutes les dispositions relatives à l'État de droit et aux droits fondamentaux inscrits dans les traités, la Charte, la CEDH et les normes internationales en matière de droits de l'homme, et à engager un dialogue honnête avec la Commission ;
- d'appliquer rapidement et intégralement les arrêts de la Cour de justice et de respecter la primauté du droit de l'Union.
Le Conseil et la Commission sont invités à :
- s'abstenir d'interpréter de manière restrictive le principe de l'État de droit et à utiliser pleinement la procédure prévue à l'article 7, paragraphe 1, du TUE en examinant les conséquences de l'action du gouvernement polonais pour tous les principes consacrés par l'article 2 du TUE, y compris la démocratie et les droits fondamentaux ;
- tenir le Parlement régulièrement informé et à l'associer étroitement.
Les députés ont demandé au Conseil dagir enfin dans le cadre de la procédure prévue à l'article 7, paragraphe 1, du TUE en constatant qu'il existe un risque manifeste de violation grave par la République de Pologne des valeurs visées à l'article 2 du TUE, à la lumière des preuves accablantes qui en sont données dans la résolution présentée.
Enfin, la Commission est invitée à utiliser pleinement les outils disponibles pour faire face à un risque manifeste de violation grave par la Pologne des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée, en particulier les procédures d'infraction accélérées et les demandes de mesures provisoires devant la Cour de justice.