Constatation d'un risque évident de violation grave, par la Pologne, de l'état de droit

2017/0360R(NLE)

Le Parlement a adopté par 513 voix pour, 148 contre et 33 abstentions, une résolution sur la proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’état de droit.

Le Parlement a fait part de ses préoccupations concernant 1) le fonctionnement du système législatif et électoral, 2) l’indépendance de la justice et les droits des juges et 3) la protection des droits fondamentaux. Il a réaffirmé sa position, exprimée dans plusieurs de ses résolutions sur la situation de l’état de droit et de la démocratie en Pologne, selon laquelle les faits et tendances mentionnés dans la résolution représentent, pris ensemble, une menace systémique pour les valeurs de l’article 2 du traité sur l’Union européenne (traité UE) et constituent un risque clair de violation grave de celles-ci.

Le Conseil doit reprendre la procédure liée à l’article 7 à l’encontre de la Pologne

Les députés ont appelé le Conseil et la Commission à «s’abstenir d’interpréter de manière trop restrictive le principe de l’État de droit et à utiliser pleinement le potentiel de la procédure visée à l’article 7, paragraphe 1 pour tous les principes consacrés à l’article 2 du traité sur l’UE». Notant que la dernière audition s’était tenue en décembre 2018, ils ont exhorté le Conseil à reprendre les auditions formelles le plus rapidement possible et à «agir enfin» dans le cadre de la procédure prévue à l’article 7 du traité UE à la lumière des «preuves accablantes» fournies dans la résolution et dans de nombreux rapports d’organisations internationales et européennes.

Fonctionnement du système législatif et électoral en Pologne

Le Parlement a dénoncé le recours aux pouvoirs de révision constitutionnelle par le parlement polonais, ainsi que le recours fréquent à des procédures législatives accélérées  pour l’adoption d’une législation cruciale remaniant l’organisation et le fonctionnement du système judiciaire, sans consultation significative des parties prenantes. Il a également déploré les récents développements relatifs aux modifications de la loi électorale et aux élections organisées en cas d'urgence publique.

Indépendance de la justice ainsi que des autres institutions et les droits des juges en Pologne

Selon les députés, les changements apportés au système judiciaire du pays au cours des dernières années, allant de la manière dont les nominations sont effectuées aux procédures disciplinaires intentées contre des juges et des procureurs en Pologne, constituent une menace sérieuse pour l'indépendance judiciaire. Elles permettent en effet aux pouvoirs législatif et exécutif d’interférer dans l’ensemble de la structure et des décisions du système judiciaire d’une manière incompatible avec les principes de la séparation des pouvoirs et de l’état de droit.

Des préoccupations relatives à la composition et au comportement du nouveau Conseil national de la justice, à l'emprise du ministre de la justice, qui est également procureur général, sur les services du ministère public, à la création de la chambre disciplinaire et de la chambre de recours extraordinaire au sein de la Cour suprême, aux règles régissant l’organisation des tribunaux ordinaires, la nomination des présidents de tribunaux et au régime de retraite des juges des tribunaux ordinaires ont été mises en évidence dans la résolution.

Protection des droits fondamentaux en Pologne

La Pologne est invitée à prendre toutes les mesures nécessaires pour :

- assurer le droit à un procès équitable;

- garantir la liberté d'expression, la liberté et le pluralisme des médias, la liberté académique, la liberté de réunion et d'association;

- procéder à une évaluation de la législation adoptée dans le domaine de la protection des données et de la vie privée quant à sa compatibilité avec le droit de l’Union;

- lutter contre les discours de haine raciste et l'incitation à la violence, en ligne et hors ligne ;

- lutter contre les préjugés et les sentiments négatifs à l'égard des minorités nationales et ethniques (y compris les Roms), des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile;

- assurer l'application effective des lois interdisant les partis ou organisations qui encouragent ou incitent à la discrimination raciale;

- s’abstenir de criminaliser de facto la diffusion de l’éducation sexuelle aux mineurs et garantir l’accès de tous les élèves à une éducation sexuelle scientifiquement exacte et complète, conformément aux normes internationales;

- veiller à ce que la législation visant à prévenir et à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique s’applique dans tout le pays (les députés ont déploré à ce sujet le processus de dénonciation par la Pologne de la Convention d’Istanbul);

- s'abstenir de toute nouvelle tentative de restriction de la santé et des droits sexuels et génésiques des femmes;

- améliorer la situation en ce qui concerne l'augmentation de l'intolérance et de la violence à l'égard des personnes LGBTI. Les députés ont déploré à cet égard l’arrestation massive de 48 militants LGBTI le 7 août 2020 (dit le «Stonewall» polonais), qui envoie un signal inquiétant concernant la liberté d’expression et de réunion en Pologne.

La Commission est invitée à utiliser pleinement les outils disponibles pour faire face à un risque clair de violation grave, par la Pologne, des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, en particulier les procédures d’infraction accélérées et les demandes de mesures provisoires devant la Cour de justice, ainsi que les outils budgétaires. La Commission est invitée à tenir le Parlement régulièrement informé et étroitement impliqué.