Renforcement de la liberté des médias: la protection des journalistes en Europe, les discours de haine, la désinformation et le rôle des plateformes

2020/2009(INI)

Le Parlement européen a adopté par 553 voix pour, 54 contre et 89 abstentions, une résolution sur le renforcement de la liberté des médias: la protection des journalistes en Europe, les discours de haine, la désinformation et le rôle des plateformes.

Les députés ont rappelé que la liberté, le pluralisme, l’indépendance et la sécurité des journalistes sont des composantes essentielles du droit à la liberté d’expression et d’information et sont indispensables au fonctionnement démocratique de l’Union européenne et de ses États membres.

La liberté des médias s’est dégradée au cours des dernières années. La pandémie de COVID-19 a amplifié ce recul et a également mis en lumière l’importance que revêtent les médias et le droit d’accéder à des informations indépendantes, diversifiées et fiables.

Liberté des médias, pluralisme des médias et protection des journalistes en Europe

Les députés ont réaffirmé leur vive préoccupation face à l’état de la liberté des médias, dans le contexte des attaques qui, dans certains États membres, continuent d’être commises à l’encontre de journalistes et de professionnels des médias en raison de leur travail, ainsi que face au dénigrement dont la profession fait de plus en plus l’objet auprès du grand public.

Le Parlement a invité la Commission et les États membres à promouvoir des mesures durables visant à financer et à soutenir le journalisme indépendant et de qualité, à élaborer un cadre fiable de protection de la liberté et du pluralisme des médias et à renforcer les outils tels que l’instrument de surveillance du pluralisme des médias et la plateforme du Conseil de l’Europe pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes.

Les députés ont condamné les tentatives de contrôle de médias du service public, notamment par l’intermédiaire de la publicité publique, regrettant que, dans certains États membres, la radio et la télévision publiques soient devenues des canaux de propagande pro-gouvernementale. Ils ont demandé à la Commission de considérer les tentatives des gouvernements des États membres de porter atteinte à la liberté et au pluralisme des médias comme des abus de pouvoir graves et systématiques remettant en cause les valeurs fondamentales de l’Union européenne consacrées par l’article 2 du traité UE.

Soulignant le risque que représente la concentration de la propriété des médias pour le pluralisme, le Parlement a invité la Commission à redoubler d’efforts pour garantir la publication, par les médias, d’informations sur leurs structures de propriété en veillant particulièrement à éviter toute ingérence politique.  La résolution a souligné dans ce contexte que les fonds de l’Union ne devraient pas être accordés aux médias contrôlés par l’État ou diffusant de la propagande politique.

Le Parlement a condamné le recours aux « poursuites-bâillons » pour réduire au silence ou intimider les journalistes d’investigation et créer un climat de crainte autour de leur activité de dénonciation de certains sujets. Il a réitéré son appel à la Commission à présenter une proposition d’acte législatif global visant à établir des normes minimales contre la pratique des poursuites-bâillons dans l’ensemble de l’Union. Les femmes journalistes, qui sont particulièrement exposées au harcèlement et aux intimidations, devraient faire l’objet de protections supplémentaires.

Les députés se sont également déclarés préoccupés par les tentatives visant à profiter de la pandémie de COVID-19 pour sanctionner les médias indépendants et critiques et restreindre l’accès des médias aux décisions et aux mesures gouvernementales. Ils ont réitéré leur appel en faveur de la création d’un fonds européen permanent pour les journalistes dans le cadre du prochain CFP (2021‑2027), tel qu’il a été remanié à la suite de la crise liée à la COVID‑19, prévoyant de mettre un soutien financier direct à la disposition des journalistes et des médias indépendants.

Discours de haine

Regrettant l’emploi de plus en plus fréquent des discours haineux dans la communication politique par les gouvernements et les partis politiques dans l’ensemble de l’Union, le Parlement a demandé aux États membres de condamner et de sanctionner avec la plus grande fermeté les crimes de haine, les discours de haine et la désignation de boucs émissaires par des responsables politiques et des fonctionnaires, à tous les niveaux et dans tous les types de médias.

Les députés ont également demandé aux États membres, dans les limites fixées par les lois, de garantir et favoriser la liberté d’expression, notamment la liberté artistique, qui est essentielle à la vitalité du débat démocratique. Ils ont toutefois rappelé que les discours racistes et xénophobes ne sont pas couverts par la liberté d’expression. Ils ont demandé une nouvelle fois à la Commission, aux États membres et aux entreprises de médias sociaux de contrecarrer la propagation du racisme, de la xénophobie, de la phobie à l’encontre des personnes LGBTI+ et de la haine religieuse en ligne.

Désinformation et rôle des plateformes

Les députés ont constaté que les médias sociaux ont joué un rôle conséquent dans la propagation de la désinformation et de l’ingérence étrangère. En outre, différentes formes de désinformation liées, entre autres, à la pandémie de COVID-19, continuent de se propager à travers le monde, visant le plus souvent les communautés les plus vulnérables avec des conséquences potentiellement néfastes pour la sécurité publique, la santé et la gestion efficace de la crise.

Le Parlement a appelé au renforcement de la coopération entre les plateformes en ligne et les services répressifs afin de limiter la diffusion de messages d’incitation à la haine, ou à la violence. Le retrait des contenus illégaux devrait cependant toujours être soumis au contrôle des juridictions des États membres afin de protéger la liberté d’expression, notamment la liberté artistique, le droit à une information libre et indépendante et les droits fondamentaux des citoyens en général.

Les députés ont également condamné les théories du complot et les campagnes de désinformation financées par des fonds public dans le but de discréditer l’Union et d’induire le public en erreur sur ses objectifs et ses activités.

Éducation aux médias

Le Parlement a insisté sur la nécessité d’élaborer une stratégie globale de l’Union en matière d’éducation aux médias. Il a invité la Commission et les États membres à promouvoir des programmes et des politiques visant à favoriser l’éducation aux médias et à l’information des journalistes et des acteurs des médias, ainsi qu’à développer un esprit critique et une réflexion consciente concernant l’utilisation des technologies de l’information de la communication. Il a suggéré de travailler en étroite coopération avec les États membres et les organisations de la société civile afin d’élaborer des programmes d’enseignement sur l’éducation à l’information, aux médias et aux données.