Résolution sur le projet de décision d’exécution de la Commission autorisant la mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié MON 87751 × MON 87701 × MON 87708 × MON 89788, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) nº 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil

2020/2891(RSP)

Le Parlement européen a adopté par 472 voix pour, 194 contre et 30 abstentions, une résolution faisant objection au projet de décision d’exécution de la Commission autorisant la mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié MON 87751 × MON 87701 × MON 87708 × MON 89788, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) nº 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil.

La demande d’autorisation de mise sur le marché a été présentée aux autorités compétentes des Pays-Bas le 17 décembre 2015 par Monsanto Europe N.V a, au nom de l’entreprise Monsanto (États-Unis). Le 26 septembre 2019, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a adopté un avis favorable à la demande.

Principales observations des États membres

Les députés ont rappelé que les États membres ont transmis à l’EFSA de nombreuses observations critiques qui indiquent notamment :

- qu’aucune analyse n’a été menée en ce qui concerne les résidus de glyphosate ou les métabolites du glyphosate sur le soja GM empilé et les potentiels effets synergiques ou antagonistes des toxines Bt avec les résidus d’herbicides;

- que les questions relatives à la sûreté du soja GM empilé et des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux qui en dérivent restent sans réponse;

- que les effets potentiels sur la reproduction et le développement à long terme des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux n’ont pas été évalués et qu’en raison d’un manque d’informations, la sûreté du soja GM empilé ne peut être pleinement évaluée.

En outre, une analyse scientifique indépendante a conclu qu’aucune conclusion définitive ne pouvait être tirée en ce qui concerne la sûreté du soja GM empilé, que l’évaluation toxicologique et l’évaluation des risques pour l’environnement n’étaient pas acceptables et que l’évaluation des risques ne satisfaisait pas aux exigences en matière d’évaluation des risques pour le système immunitaire.

Herbicides complémentaires et absence d’analyse des résidus

Les députés ont souligné que la culture de plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides entraîne une utilisation accrue d’herbicides, laquelle est en grande partie due à l’émergence de mauvaises herbes tolérantes aux herbicides. Il faut donc s’attendre à ce que les cultures du soja GM empilé soient exposées à des doses plus élevées et répétées d’herbicides complémentaires (glufosinate, dicamba et glyphosate), ce qui risque d’accroître la quantité de résidus dans la récolte.

En outre, des questions se posent encore sur le caractère carcinogène du glyphosate. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé a, contrairement à l’EFSA et à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), classifié le glyphosate comme probablement carcinogène pour l’être humain.

Les députés ont également relevé :

- que les limites maximales applicables aux résidus (LMR) et les contrôles y afférents font défaut ;

- que des effets secondaires ont été observés, susceptibles de perturber le système immunitaire suite à l’exposition aux toxines Bt et que certaines toxines Bt peuvent avoir des propriétés adjuvantes, ce qui signifie qu’elles pourraient renforcer les propriétés allergéniques d’autres protéines avec lesquelles elles entrent en contact.

Respect des obligations internationales

Les députés ont rappelé que le règlement (UE) nº 1829/2003 obligeait la Commission, lorsqu’elle prépare ses décisions, à tenir compte de facteurs légitimes comprenant les obligations incombant à l’Union en vertu des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, de l’accord de Paris sur le changement climatique et de la convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB).

Or, une analyse de la Commission a démontré que le soja, qui représente près de la moitié de la déforestation incarnée liée à l’ensemble des importations de l’Union, est de longue date le principal contributeur de l’Union à la déforestation mondiale et aux émissions qui lui sont associées.

Manque de légitimité démocratique

Les députés ont rappelé que lors du vote qui a eu lieu en octobre 2020, le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale a décidé de ne pas rendre d’avis, ce qui signifie que l’autorisation n’a pas été soutenue par une majorité qualifiée d’États membres.

La Commission admet le fait que les décisions relatives à l’autorisation d’OGM continuent d’être adoptées par la Commission sans qu’une majorité qualifiée d’États membres y soit favorable, ce qui est très largement l’exception pour les autorisations de produits dans leur ensemble, mais qui est devenu la norme pour les décisions concernant les autorisations de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés.

Recommandations

Sur la base de ces considérations, le Parlement a estimé que la décision d'exécution de la Commission n’était pas compatible avec le droit de l'Union. En conséquence, il a appelé la Commission à :

- retirer son projet de décision d'exécution;

- progresser dans l’élaboration de critères de durabilité, en associant pleinement le Parlement;

- tenir compte des obligations qui incombent à l’Union en vertu d’accords internationaux, tels que l’accord de Paris sur le climat, la convention des Nations unies sur la diversité biologique et les objectifs de développement durable des Nations unies;

- cesser d’autoriser les OGM, qu’ils soient destinés à la culture ou à l’alimentation humaine ou animale, lorsqu’aucun avis n’est émis par les États membres au sein du comité d’appel;

- ne pas autoriser les cultures génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides jusqu’à ce que les risques sanitaires liés aux résidus aient fait l’objet d’une enquête approfondie au cas par cas;

- n’autoriser des sous-combinaisons d’événements génétiquement modifiés empilés que si elles ont été évaluées de manière approfondie par l’EFSA sur la base de données complètes présentées par le demandeur;

- ne pas autoriser l’importation de plantes génétiquement modifiées destinées à l’alimentation humaine ou animale qui ont été rendues tolérantes à une substance active à effet désherbant dont l'utilisation n'est pas autorisée dans l’Union.

Le Parlement a réaffirmé sa consternation quant au fait que la forte dépendance de l’Union à l’égard des importations d’aliments pour animaux sous la forme de graines de soja soit à l’origine de déforestations dans des pays tiers.