Vers un mécanisme européen d’ajustement des émissions de carbone aux frontières compatible avec l’OMC

2020/2043(INI)

Le Parlement européen a adopté par 444 voix pour, 70 contre et 181 abstentions, une résolution vers un mécanisme européen d’ajustement des émissions de carbone aux frontières compatible avec l’OMC.

Les députés constatent que si les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’Union ont diminué de 24 %, les émissions de GES intégrées dans les importations vers l’Union n’ont cessé d’augmenter, sapant ainsi les efforts déployés par l’Union pour réduire son empreinte carbone mondiale.

Les importations nettes de biens et de services dans l’Union représentent plus de 20 % des émissions de CO2 de l’Union. Les émissions de GES contenues dans les importations devraient donc être mieux surveillées afin d’identifier les mesures possibles pour réduire l’empreinte carbone mondiale de l’Union.

Un mécanisme européen d’ajustement des émissions de carbone aux frontières compatible avec l’OMC

Le Parlement a soutenu la mise en place d’un mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières, à condition qu’il soit compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les accords de libre-échange (ALE) de l’Union et qu’il soit exclusivement conçu pour promouvoir les objectifs climatiques et ne soit pas utilisé abusivement pour renforcer le protectionnisme.

Selon les députés, l’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devrait:

- faire partie d’un ensemble de mesures législatives visant à garantir la réduction rapide des émissions de GES résultant de la production et de la consommation de l’Union, notamment en renforçant l’efficacité énergétique et le déploiement des énergies renouvelables;

- être associé à des politiques visant à favoriser les investissements dans les processus industriels à faible intensité de carbone, notamment au moyen d’outils de financement innovants et d’une politique industrielle européenne à la fois ambitieuse sur le plan environnemental et socialement équitable, en vue de guider une réindustrialisation décarbonée de l’Europe.

En complément de l’introduction d’un tel mécanisme, la Commission  devrait proposer des normes et des standards plus ambitieux et contraignants en matière de réduction des émissions de GES et d’économie de ressources et d’énergie pour les produits mis sur le marché de l’Union.

Lien avec la révision du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE)

La résolution préconise d’étudier les modalités pour la conception d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières couplée à la révision du SEQE de l’UE, de façon à garantir leur complémentarité et leur cohérence.

Pour prévenir d’éventuelles distorsions sur le marché intérieur et le long de la chaîne de valeur, les députés estiment que le mécanisme devrait couvrir tous les produits importés dans le cadre du SEQE-UE, y compris lorsqu’ils sont incorporés dans des produits intermédiaires ou finaux.

Dans une première phase (dès 2023) et à la suite d’une analyse d’impact, le mécanisme devrait couvrir le secteur de l’électricité et les secteurs industriels à forte intensité d’énergie tels que ceux du ciment, de l’acier, de l’aluminium, du raffinage de pétrole, du papier, du verre, des produits chimiques et des engrais, qui continuent de bénéficier de quotas gratuits en quantités importantes et représentent encore 94 % des émissions industrielles de l’Union.

Afin de répondre au risque de fuite de carbone potentielle tout en respectant les règles de l’OMC, le mécanisme devrait facturer la teneur en carbone des importations d’une manière qui reflète les coûts du carbone payés par les producteurs de l’Union. La tarification du carbone dans le cadre du mécanisme devrait refléter l’évolution dynamique du prix des quotas de l’Union dans le cadre du SEQE de l’UE tout en garantissant la prévisibilité et en réduisant la volatilité des prix du carbone.

Les critères environnementaux devraient jouer un rôle essentiel dans le choix de l’instrument, en garantissant un prix du carbone prévisible et suffisamment élevé qui encourage les investissements de décarbonation.

Aspects liés au commerce d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Les députés exigent que l’accord de Paris figure parmi les grands principes directeurs de la politique commerciale, auxquels toutes les initiatives en matière de commerce ainsi que leurs instruments de politique doivent être ajustés, par exemple en intégrant ce principe comme élément essentiel des ALE.

Soulignant le rôle de premier plan de l’Union dans l’action mondiale en faveur du climat, la résolution encourage la Commission et les États membres à intensifier leur diplomatie climatique aussi bien avant qu’après l’adoption de la proposition législative pour un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, et à veiller en particulier au dialogue continu entre les partenaires commerciaux, pour stimuler l’action mondiale pour le climat.

Tout mécanisme devrait inciter les industries de l’Union et des pays tiers à fabriquer des produits propres et compétitifs, et à éviter les fuites de carbone, sans nuire aux possibilités commerciales.

Alimenter le budget européen en tant que nouvelle ressource propre

Le Parlement a soutenu l’intention de la Commission d’utiliser les recettes générées par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières comme de nouvelles ressources propres pour le budget de l’Union. Ces nouvelles recettes devraient permettre de soutenir davantage l’action pour le climat et les objectifs du pacte vert, ainsi que d’accroître la contribution de l’Union au financement international de la lutte contre le changement climatique en faveur des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement qui sont les plus vulnérables au changement climatique.