Rapport sur les rapports 2019-2020 de la Commission sur la Turquie

2019/2176(INI)

Le Parlement européen a adopté par 480 voix pour, 64 contre et 150 abstentions, une résolution sur les rapports 2019-2020 de la Commission concernant la Turquie.

Évaluation générale du processus d’adhésion

Le Parlement a constaté avec inquiétude qu’au cours des dernières années le gouvernement de la Turquie s’est éloigné de plus en plus des valeurs et des normes de l’Union. En outre, des actions unilatérales en Méditerranée orientale ainsi que des déclarations provocatrices à l’encontre de l’Union et de ses États membres ont porté les relations UE-Turquie à un niveau «historiquement bas».

Dans le cadre des négociations d’adhésion, seuls seize des trente-cinq chapitres ont été ouverts et un seul chapitre a été provisoirement clôturé. Dans les circonstances actuelles, les négociations d’adhésion de la Turquie sont au point mort.

La résolution a souligné que l’absence de progrès de la Turquie en matière de convergence a évolué vers un désengagement total, marqué par de fortes régressions dans trois domaines principaux: i) le recul de l’état de droit et des droits fondamentaux, ii) l’adoption de réformes institutionnelles régressives et iii) la poursuite d’une politique étrangère fondée sur la confrontation, notamment à l’encontre de l’Union européenne et de ses États membres, en particulier la Grèce et Chypre.

Les députés s’inquiètent vivement de «l’hypercentralisation continue du pouvoir» au sein de la présidence, au détriment non seulement du parlement, mais aussi du conseil des ministres, dans le cadre de la réforme du modèle constitutionnel, qui ne permet pas de garantir une séparation effective entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Dans ce contexte, la Turquie est invitée à démontrer de manière crédible la sincérité de son engagement en faveur de relations plus étroites et d’un alignement sur la voie européenne, car il s’agit d’un élément indispensable à la viabilité de l’ensemble du processus d’adhésion. Les députés ont précisé que si la tendance négative actuelle ne s’inversait pas, la Commission devrait recommander de suspendre formellement les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE.

Tout en déplorant le manque actuel de compréhension entre l’Union européenne et la Turquie, le Parlement a réaffirmé sa ferme conviction que la Turquie est un pays d’importance stratégique sur le plan politique, économique et de la politique étrangère, un partenaire essentiel pour la stabilité de la région au sens large, et un allié avec lequel l’Union souhaite entretenir les meilleures relations possibles, y compris au sein de l’OTAN.

L’état de droit et les droits fondamentaux

Les députés sont préoccupés par le grave recul des libertés fondamentales, qui révèle la situation dramatique des droits de l’homme en Turquie et l’érosion continue de la démocratie et de l’état de droit. La détérioration des libertés fondamentales en Turquie est antérieure à la période de l’état d’urgence instauré après la tentative de coup d’État de 2016, que le Parlement a condamné à nouveau.

Le Parlement a déploré que le recours abusif aux mesures antiterroristes constitue désormais l’épine dorsale d’une politique nationale de répression des droits de l’homme et de toute voix critique dans le pays. Le manque systémique d’indépendance du pouvoir judiciaire et l’effet paralysant des licenciements en masse effectués par le gouvernement ces dernières années constituent de graves menaces pour l’état de droit.

Les députés sont également préoccupés par les mesures disproportionnées et arbitraires qui restreignent la liberté d’expression, la liberté des médias et l’accès à l’information en Turquie. Ils ont appelé à relâcher tous les journalistes, écrivains, travailleurs des médias et utilisateurs des médias sociaux détenus illégalement pour avoir exercé leur profession et fait usage de leurs droits civiques. La Commission et les États membres sont invités à renforcer la protection et le soutien qu’ils accordent aux défenseurs des droits de l’homme en danger en Turquie, y compris par des subventions d’urgence.

Le Parlement s’inquiète également de la situation dans le sud-est de la Turquie et de la question kurde, qui soulève des questions en particulier en ce qui concerne la protection des droits de l’homme, de la participation politique, de la liberté d’expression et de la liberté de conviction. Il a demandé au gouvernement turc de protéger les droits des minorités et des groupes vulnérables et a condamné la décision du gouvernement turc de se retirer de la convention d’Istanbul qui remet sérieusement en question ses engagements en matière de prévention de la violence à l’égard des femmes.

Cadre général des relations UE-Turquie et politique étrangère de la Turquie

Le Parlement a rappelé le rôle important que la Turquie a joué et joue encore en accueillant près de quatre millions de réfugiés, dont environ 3,6 millions de réfugiés syriens et quelque 360.000 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés provenant d’autres pays. Il a salué les efforts consentis par toutes les autorités concernées, en particulier les municipalités, pour améliorer l’intégration des populations de réfugiés.

Les députés ont estimé que l’Union devrait continuer à apporter le soutien nécessaire aux réfugiés syriens et aux communautés d’accueil en Turquie, mais ils ont souligné que l’instrumentalisation des migrants et des réfugiés à des fins de pression politique et de chantage était inacceptable.

Le Parlement a condamné les activités illégales de la Turquie dans les eaux grecques et chypriotes ainsi que ses violations de l’espace aérien grec qui constituent une violation de la souveraineté et des droits souverains d’un État membre de l’Union et du droit international. Il a également condamné les interventions militaires turques en Syrie. Il s’est dit préoccupé quant au transfert de combattants issus de groupes djihadistes situés dans le nord de la Syrie vers la Libye et par le conflit au Haut-Karabakh.

Les députés ont encouragé la Turquie à reconnaître le génocide arménien, de façon à ouvrir la voie à une véritable réconciliation entre les peuples turc et arménien.

Perspectives pour les relations UE-Turquie

Le Parlement a appelé à réfléchir à l’état des relations de l’Union avec la Turquie et à définir une stratégie globale, unifiée et cohérente à moyen et à long terme avec toutes les institutions et les États membres de l’Union. Il a invité la Turquie à engager un dialogue constructif notamment sur les questions de politique étrangère, afin de trouver un nouveau terrain d’entente et de relancer le processus de réformes en Turquie, en particulier dans le domaine des droits fondamentaux.

Les députés estiment que l’Union devrait continuer à rechercher toutes les possibilités de dialogue et de convergence avec la Turquie, mais ils ont rappelé qu’à défaut, et en cas de nouvelles actions unilatérales ou de provocations contrevenant au droit international, l’Union devrait utiliser tous les instruments à sa disposition, y compris, en dernier ressort, des sanctions ciblées.