La commission des affaires économiques et monétaires a adopté un rapport dinitiative dAurore LALUCQ (S&D, FR) sur la réforme de la politique de lUnion en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite»).
Selon les estimations de lOCDE, lérosion de la base dimposition et le transfert de bénéfices (BEPS) coûte de 4 à 10% des recettes fiscales des entreprises au niveau mondial, soit 84 à 202 milliards dEUR par an. Les estimations du Parlement relatives à lévasion fiscale vont de 160 et 190 milliards dEUR en tenant compte à la fois des BEPS et dautres régimes fiscaux.
La multiplication des scandales fiscaux au cours de la dernière décennie (Lux Leaks, Panama Papers, Paradise Papers, etc.) impliquant des multinationales a révélé lampleur et la gravité des pratiques fiscales dommageables et lurgence de trouver des solutions définitives pour y remédier. Le rapport souligne que la fraude fiscale et lévasion fiscale entraînent, pour les États membres, une perte inacceptable de revenus importants, actuellement nécessaires pour faire face aux conséquences dévastatrices de la pandémie.
Mesures prises actuellement par lUnion pour lutter contre les pratiques fiscales dommageables
Le rapport salue les actions importantes engagées à léchelle de lUnion et à léchelle internationale pour renforcer les principes de transparence fiscale, la lutte contre la concurrence fiscale dommageable ainsi que pour veiller à ce que les mesures de lutte contre les pratiques fiscales dommageables soient respectées. Les députés saluent l'accord interinstitutionnel conclu sur la directive modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, dinformations relatives à limpôt sur les bénéfices (déclarations pays par pays). Ils espèrent ladoption rapide par le Conseil de sa position en première lecture.
Les députés se félicitent que, depuis 1997, le Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises soit le principal instrument dont dispose lUnion pour prévenir la concurrence fiscale dommageable. Un Forum sur les pratiques fiscales dommageables a également été créé au sein de lOCDE en 1998 dans le but de surveiller et de réexaminer les pratiques fiscales, en mettant laccent sur les caractéristiques des régimes fiscaux préférentiels.
La Commission européenne reconnaît que la nature de la concurrence fiscale et les formes quelle prend ont considérablement changé au cours des deux dernières décennies et que le Code de conduite na pas évolué pour faire face aux difficultés nouvelles qui se présentent.
Recommandations pour les futurs travaux de lUnion sur les pratiques fiscales dommageables
LOCDE a récemment repris les négociations dans le cadre du BEPS 2.0 articulé autour de deux piliers. Le Pilier 1 vise à adapter le système international dimposition des revenus aux nouveaux modèles dentreprise apparus dans léconomie numérique en modifiant les règles relatives au lien et à la répartition des bénéfices applicables aux bénéfices des entreprises.
Le Pilier 2 est axé sur une taxe minimale à léchelon mondial destinée à résoudre les problèmes non résolus en matière de BEPS. Il vise à garantir que les entreprises multinationales paient un minimum dimpôts quel que soit le lieu où elles ont leur siège où le pays dans lequel elles exercent leurs activités.
Les députés ont pris acte du nouvel élan donné aux négociations du cadre inclusif de lOCDE/G20 par les propositions récentes de ladministration des États-Unis ainsi que de laccord récent conclu par le G7, ce qui pourrait faciliter la conclusion, dici mi-2021, d'un accord sur le pilier 2 réunissant plus de 130 pays. Ils partagent lengagement pris par le G7 à légard d«un taux dimposition minimal au niveau mondial dau moins 15% pays par pays» comme base pour la poursuite des négociations.
Le rapport souligne que la Commission sest engagée à proposer une solution semblable au pilier 2 sur limposition minimale effective, quun accord soit conclu ou non au niveau du cadre inclusif de lOCDE. Les députés se félicitent, dans ce contexte, que la Commission reconnaisse quil conviendrait denvisager dintroduire à lavenir une norme dimposition minimale au niveau mondial dans le Code de conduite, quun consensus soit trouvé ou non au niveau mondial, pour veiller à ce que toutes les entreprises paient un impôt équitable lorsquelles réalisent des bénéfices dans le marché unique. Ils soulignent la nécessité dimposer les sociétés multinationales sur la base dune formule équitable et efficace pour la répartition des droits dimposition entre les pays.
Réforme du Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises
Le rapport reconnaît que lexamen par les pairs des régimes fiscaux nationaux effectué dans le cadre du Code de conduite a contribué à réduire la concurrence fiscale dommageable et a entraîné une baisse importante des régimes fiscaux préférentiels dans lUnion. Il invite néanmoins le Conseil à poursuivre la réforme de létendue du mandat actuel du Code de conduite.
Déplorant le caractère non contraignant du Code de conduite, les députés demandent une révision des critères, de la gouvernance et du champ d'application du Code de conduite au moyen dun instrument juridiquement contraignant fondé sur les dispositions intergouvernementales actuelles et comportant une procédure décisionnelle plus efficiente. Cette révision devrait se faire par un processus démocratique, transparent et responsable et faire appel à un groupe dexperts composé dexperts de la société civile, de la Commission et du Parlement.
Selon le rapport, la réforme des critères du Code de conduite devrait intégrer, en premier lieu, un critère lié au taux dimposition effectif conformément au taux dimposition effectif minimal convenu au niveau international dans le cadre du pilier 2 du cadre inclusif de lOCDE/G20 sur les BEPS ainsi que des exigences solides et progressives en matière de substance économique tout en permettant une concurrence loyale.
Les députés ont invité la Commission et les États membres à envisager de définir un «cadre sur les dispositifs fiscaux agressifs et les faibles taux» (CDFAFT) afin de remplacer le Code de conduite actuel.