Réformer la politique de l’UE en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite»)

2020/2258(INI)

La commission des affaires économiques et monétaires a adopté un rapport d’initiative d’Aurore LALUCQ (S&D, FR) sur la réforme de la politique de l’Union en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite»).

Selon les estimations de l’OCDE, l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) coûte de 4 à 10% des recettes fiscales des entreprises au niveau mondial, soit 84 à 202 milliards d’EUR par an. Les estimations du Parlement relatives à l’évasion fiscale vont de 160 et 190 milliards d’EUR en tenant compte à la fois des BEPS et d’autres régimes fiscaux.

La multiplication des scandales fiscaux au cours de la dernière décennie (Lux Leaks, Panama Papers, Paradise Papers, etc.) impliquant des multinationales a révélé l’ampleur et la gravité des pratiques fiscales dommageables et l’urgence de trouver des solutions définitives pour y remédier. Le rapport souligne que la fraude fiscale et l’évasion fiscale entraînent, pour les États membres, une perte inacceptable de revenus importants, actuellement nécessaires pour faire face aux conséquences dévastatrices de la pandémie.

Mesures prises actuellement par l’Union pour lutter contre les pratiques fiscales dommageables

Le rapport salue les actions importantes engagées à l’échelle de l’Union et à l’échelle internationale pour renforcer les principes de transparence fiscale, la lutte contre la concurrence fiscale dommageable ainsi que pour veiller à ce que les mesures de lutte contre les pratiques fiscales dommageables soient respectées. Les députés saluent l'accord interinstitutionnel conclu sur la directive modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les bénéfices (déclarations pays par pays). Ils espèrent l’adoption rapide par le Conseil de sa position en première lecture.

Les députés se félicitent que, depuis 1997, le Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises soit le principal instrument dont dispose l’Union pour prévenir la concurrence fiscale dommageable. Un Forum sur les pratiques fiscales dommageables a également été créé au sein de l’OCDE en 1998 dans le but de surveiller et de réexaminer les pratiques fiscales, en mettant l’accent sur les caractéristiques des régimes fiscaux préférentiels.

La Commission européenne reconnaît que la nature de la concurrence fiscale et les formes qu’elle prend ont considérablement changé au cours des deux dernières décennies et que le Code de conduite n’a pas évolué pour faire face aux difficultés nouvelles qui se présentent.

Recommandations pour les futurs travaux de l’Union sur les pratiques fiscales dommageables

L’OCDE a récemment repris les négociations dans le cadre du BEPS 2.0 articulé autour de deux piliers. Le Pilier 1 vise à adapter le système international d’imposition des revenus aux nouveaux modèles d’entreprise apparus dans l’économie numérique en modifiant les règles relatives au lien et à la répartition des bénéfices applicables aux bénéfices des entreprises.

Le Pilier 2 est axé sur une taxe minimale à l’échelon mondial destinée à résoudre les problèmes non résolus en matière de BEPS. Il vise à garantir que les entreprises multinationales paient un minimum d’impôts quel que soit le lieu où elles ont leur siège où le pays dans lequel elles exercent leurs activités.

Les députés ont pris acte du nouvel élan donné aux négociations du cadre inclusif de l’OCDE/G20 par les propositions récentes de l’administration des États-Unis ainsi que de l’accord récent conclu par le G7, ce qui pourrait faciliter la conclusion, d’ici mi-2021, d'un accord sur le pilier 2 réunissant plus de 130 pays. Ils partagent l’engagement pris par le G7  à l’égard d’«un taux d’imposition minimal au niveau mondial d’au moins 15% pays par pays» comme base pour la poursuite des négociations.

Le rapport souligne que la Commission s’est engagée à proposer une solution semblable au pilier 2 sur l’imposition minimale effective, qu’un accord soit conclu ou non au niveau du cadre inclusif de l’OCDE. Les députés se félicitent, dans ce contexte, que la Commission reconnaisse qu’il conviendrait d’envisager d’introduire à l’avenir une norme d’imposition minimale au niveau mondial dans le Code de conduite, qu’un consensus soit trouvé ou non au niveau mondial, pour veiller à ce que toutes les entreprises paient un impôt équitable lorsqu’elles réalisent des bénéfices dans le marché unique. Ils soulignent la nécessité d’imposer les sociétés multinationales sur la base d’une formule équitable et efficace pour la répartition des droits d’imposition entre les pays.

Réforme du Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises

Le rapport reconnaît que l’examen par les pairs des régimes fiscaux nationaux effectué dans le cadre du Code de conduite a contribué à réduire la concurrence fiscale dommageable et a entraîné une baisse importante des régimes fiscaux préférentiels dans l’Union. Il invite néanmoins le Conseil à poursuivre la réforme de l’étendue du mandat actuel du Code de conduite.

Déplorant le caractère non contraignant du Code de conduite, les députés demandent une révision des critères, de la gouvernance et du champ d'application du Code de conduite au moyen d’un instrument juridiquement contraignant fondé sur les dispositions intergouvernementales actuelles et comportant une procédure décisionnelle plus efficiente. Cette révision devrait se faire par un processus démocratique, transparent et responsable et faire appel à un groupe d’experts composé d’experts de la société civile, de la Commission et du Parlement.

Selon le rapport, la réforme des critères du Code de conduite devrait intégrer, en premier lieu, un critère lié au taux d’imposition effectif conformément au taux d’imposition effectif minimal convenu au niveau international dans le cadre du pilier 2 du cadre inclusif de l’OCDE/G20 sur les BEPS ainsi que des exigences solides et progressives en matière de substance économique tout en permettant une concurrence loyale.

Les députés ont invité la Commission et les États membres à envisager de définir un «cadre sur les dispositifs fiscaux agressifs et les faibles taux» (CDFAFT) afin de remplacer le Code de conduite actuel.