Conditions de travail, droits et protection sociale justes pour les travailleurs de plateformes - nouvelles formes d'emploi liées au développement numérique

2019/2186(INI)

Le Parlement européen a adopté par 524 voix pour, 39 contre et 124 abstentions, une résolution sur des conditions de travail, des droits et une protection sociale justes pour les travailleurs de plateformes - nouvelles formes d’emploi liées au développement numérique.

Les travailleurs de plateformes sont généralement classés officiellement dans la catégorie des indépendants alors qu’ils ne possèdent pas le niveau d’indépendance professionnelle propre aux indépendants. En raison de cette classification erronée, de nombreux travailleurs de plateformes ne bénéficient pas d’une protection sociale, de droits du travail ou de dispositions relatives à la santé et à la sécurité équivalents à ceux que confère un contrat de travail ou une relation de travail dans leur État membre.

Cadre juridique européen

Déplorant que les instruments juridiques de l’Union ne soient souvent pas appliqués à de nombreux travailleurs de plateformes, le Parlement a insisté sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail de tous les travailleurs de plateformes qui travaillent via des plateformes de travail numériques, y compris celles des travailleurs réellement indépendants.

Les députés estiment que les travailleurs de plateformes de travail numériques devraient avoir, sur un pied d’égalité, les mêmes droits et le même accès à la protection sociale que les travailleurs de la même catégorie qui ne travaillent pas via une plateforme, tout en respectant la diversité des modèles de marché du travail nationaux, l’autonomie des partenaires sociaux et les compétences nationales.

Le Parlement propose de créer un cadre européen qui préserve le travail via une plateforme proposant des conditions de travail décentes, tout en s’attaquant aux formes précaires de travail via une plateforme. Ce cadre pourrait être complété par la législation nationale ou des conventions collectives.

Renversement de la charge de la preuve

En vue de faciliter la classification correcte des travailleurs de plateformes, les députés invitent la Commission à introduire dans sa future proposition une «présomption réfragable» d’une relation de travail dans le cas des travailleurs de plateforme, conjuguée à un renversement de la charge de la preuve. Ainsi, en cas de procédure judiciaire, ce serait aux employeurs de prouver l’absence de relation de travail.

Cette présomption d’une relation de travail ne devrait pas conduire à considérer automatiquement tous les travailleurs de plateformes comme des travailleurs salariés mais devrait permettre de faire en sorte que les travailleurs qui sont réellement indépendants puissent le rester et continuer à trouver du travail sur les plateformes.

La Commission est invitée à reconnaître aux plateformes de travail numériques un statut qui soit celui d’employeur, d’entreprise de travail intérimaire ou d’intermédiaire, en lien avec leur secteur d’activité, afin de garantir le respect de toutes les obligations qu’un statut particulier comporte

Conditions de travail équitables et transparentes

Lorsqu’elle étudie les moyens d’améliorer les conditions de travail, la Commission devrait, entre autres, s’assurer du bon fonctionnement des cadres de négociation collective, mieux appliquer l’interdiction des clauses d’exclusivité et veiller à ce que tous les travailleurs de plateformes soient autorisés à travailler sur différentes plateformes, garantir la transférabilité des certifications de compétences et améliorer les droits en cas de restriction, de suspension ou de résiliation par la plateforme en veillant à ce que tous les travailleurs de plateformes aient droit à une déclaration préalable motivée.

La Commission devrait examiner dans quelle mesure le droit de l’Union en vigueur est applicable au marché des plateformes de travail numériques et en assurer la mise en œuvre et le contrôle de son application.

Un environnement de travail sain et sûr

Les travailleurs de plateformes peuvent être exposés à des risques accrus en matière de santé et de sécurité, tant pour le travail via des plateformes effectué sur site (accidents de la route, blessures physiques causées par des machines ou des produits chimiques) que pour le travail via des plateformes effectué en ligne (ergonomie des postes de travail informatiques).

La proposition de la Commission devrait dès lors aborder la question de la santé et de la sécurité au travail des travailleurs de plateformes et faire en sorte que ces travailleurs puissent exercer leurs droits, y compris le droit à la déconnexion, sans qu’ils aient à subir de conséquences négatives. Les travailleurs de plateformes sur site devraient être dotés d’équipements de protection individuelle adéquats et les travailleurs des secteurs du transport et de la livraison devraient se voir garantir une assurance accidents.

Selon les députés, la couverture, l’adéquation et la transparence des systèmes de protection sociale devraient s’appliquer à tous les travailleurs, y compris aux travailleurs indépendants. De plus, la liberté d’association et le droit à la négociation collective devraient être garantis pour tous les travailleurs. La résolution insiste également sur la nécessité qu’une formation soit dispensée aux travailleurs par la plateforme de travail numérique sur l’utilisation de son site ou application, les tâches à effectuer et la santé et la sécurité au travail.

Algorithmes et gestion de données

Les députés estiment que l’utilisation d’algorithmes appliqués au travail doit être transparente, non discriminatoire, digne de confiance et éthique vis-à-vis des travailleurs. En particulier l’attribution des tâches, la notation, les procédures de désactivation et la fixation des prix, ainsi que toute modification de celles-ci, devraient être expliquées de manière compréhensible et communiquées de manière claire et actualisée et faire l’objet de dialogue des partenaires sociaux.

Toutes les décisions algorithmiques devraient être éthiques, soumises à une obligation de reddition de comptes, contestables et, le cas échéant, réversibles. Elles devraient être conformes au droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, ce qui signifie qu’un contrôle humain est impératif.

La Commission et les États membres sont invités à garantir une protection appropriée des droits et du bien-être des travailleurs de plateformes, tels que la non-discrimination, le respect de la vie privée, l’autonomie et la dignité humaine vis-à-vis de l’intelligence artificielle et de la gestion algorithmique.