Réformer la politique de l’UE en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite»)

2020/2258(INI)

Le Parlement européen a adopté par 506 voix pour, 81 contre et 99 abstentions, une résolution sur la réforme de la politique de l’Union en matière de pratiques fiscales dommageables (y compris la réforme du groupe «Code de conduite»).

Lutte contre l’évasion fiscale

Les politiques de lutte contre l’évasion fiscale ont entraîné une diminution des régimes fiscaux préférentiels dans le monde entier, en particulier dans l’Union. Toutefois, de nouvelles formes de pratiques fiscales dommageables sont apparues, notamment par la transformation de régimes préférentiels en régimes généraux agressifs. Selon certaines études, le niveau d'imposition effective des grandes multinationales est inférieur à celui des PME nationales.

Le groupe «Code de conduite» sur la fiscalité des entreprises mis en place au sein du Conseil est parvenu efficacement à dissuader les régimes fiscaux préférentiels. Toutefois, il n’est pas parvenu à éradiquer les régimes fiscaux déloyaux octroyés par certains États membres aux grandes entreprises, comme les accords préalables dommageables en matière de prix («rescrits fiscaux»), et les avantages concurrentiels déloyaux qui en découlent.

Mesures prises actuellement par l’Union pour lutter contre les pratiques fiscales dommageables

Les députés ont souligné que la multiplication des scandales fiscaux au cours de la dernière décennie (Lux Leaks, Panama Papers, Paradise Papers, etc.) impliquant des multinationales a révélé l’ampleur et la gravité des pratiques fiscales dommageables et l’urgence de trouver des solutions définitives pour y remédier.

La fraude fiscale et l’évasion fiscale entraînent, pour les États membres, une perte inacceptable de revenus importants, actuellement nécessaires pour faire face aux conséquences dévastatrices de la pandémie. Selon les estimations de l’OCDE, l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) coûte de 4 à 10% des recettes fiscales des entreprises au niveau mondial, soit 84 à 202 milliards d’EUR par an.

Le Parlement a salué les actions engagées à l’échelle de l’Union et à l’échelle internationale pour renforcer les principes de transparence fiscale, la lutte contre la concurrence fiscale dommageable.

Si la concurrence fiscale entre pays n’est pas en soi problématique, les députés estiment toutefois qu’il faut soumettre à des principes communs la mesure dans laquelle les pays peuvent utiliser leurs régimes fiscaux pour attirer les entreprises et les bénéfices. Or, la nature de la concurrence fiscale et les formes qu’elle prend ont considérablement changé au cours des deux dernières décennies et le Code de conduite n’a pas évolué pour faire face aux difficultés nouvelles qui se présentent.

Recommandations pour les futurs travaux de l’Union sur les pratiques fiscales dommageables

Le Parlement a salué la proposition de réforme du pilier 2 du cadre inclusif de l’OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (le «cadre inclusif»), qui vise à définir des règles accordant aux pays un droit à récupérer l’impôt lorsque d’autres pays n’ont pas exercé leurs droits d’imposition primaires ou que le paiement est soumis à de faibles niveaux d’imposition effective, afin d’imposer un taux d’imposition effectif.

Les députés ont pris acte du nouvel élan donné aux négociations du cadre inclusif par les propositions récentes de l’administration des États-Unis ainsi que de l’accord récent conclu par le G7, ce qui pourrait faciliter la conclusion, d’ici mi-2021, d'un accord sur le pilier 2 réunissant plus de 130 pays. Ils partagent l’engagement pris par le G7 à l’égard d’«un taux d’imposition minimal au niveau mondial d’au moins 15% pays par pays» comme base pour la poursuite des négociations.

Le Parlement a demandé l’adoption d’une définition du «niveau minimal de substance économique» compatible avec la norme mondiale de l’OCDE basée de préférence sur une approche fondée sur des formules, qui évoluerait progressivement au fur et à mesure de l’augmentation des revenus déclarés. Il a proposé que ce critère soit utilisé pour évaluer si un régime fiscal est potentiellement dommageable.

La Commission est invitée à élaborer des lignes directrices sur la manière de concevoir des incitations fiscales équitables et transparentes présentant moins de risques de distorsion du marché unique, garantissant une concurrence loyale et favorisant la création d’emplois.

Les députés se sont félicités que la Commission reconnaisse qu’il conviendrait d’envisager d’introduire à l’avenir une norme d’imposition minimale au niveau mondial dans le Code de conduite, qu’un consensus soit trouvé ou non au niveau mondial, pour veiller à ce que toutes les entreprises paient un impôt équitable lorsqu’elles réalisent des bénéfices dans le marché unique.

Réforme du Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises

Les députés estiment que les critères actuels du Code de conduite qui définissent les pratiques fiscales dommageables sont en partie dépassés étant donné qu’ils mettent l’accent sur les régimes préférentiels. L’efficacité du Code de conduite devrait donc être améliorée à la lumière des récents scandales fiscaux et des défis actuels que sont la mondialisation, la numérisation et l’importance croissante des actifs incorporels.

Déplorant le caractère non contraignant du Code de conduite, les députés demandent une révision des critères, de la gouvernance et du champ d'application du Code de conduite au moyen d’un instrument juridiquement contraignant fondé sur les dispositions intergouvernementales actuelles et comportant une procédure décisionnelle plus efficiente. Cette révision devrait se faire par un processus démocratique, transparent et responsable et faire appel à un groupe d’experts composé d’experts de la société civile, de la Commission et du Parlement.

Selon la résolution, la réforme des critères du Code de conduite devrait intégrer, en premier lieu, un critère lié au taux d’imposition effectif conformément au taux d’imposition effectif minimal convenu au niveau international dans le cadre du pilier 2 du cadre inclusif de l’OCDE/G20 ainsi que des exigences solides et progressives en matière de substance économique tout en permettant une concurrence loyale.

Les députés ont également présenté un projet détaillé de développement d’un «cadre sur les dispositifs fiscaux agressifs et les faibles taux» qui remplacerait in fine l’actuel Code de conduite.