La commission des affaires juridiques et la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures ont adopté le rapport de Roberta METSOLA (PPE, MT) et Tiemo WÖLKEN (S&D, DE) sur le renforcement de la démocratie, de la liberté des médias et du pluralisme dans l'UE : l'utilisation indue d'actions au civil et au pénal pour faire taire les journalistes, les ONG et la société civile.
Les députés ont souligné que les poursuites stratégiques contre la participation du public (SLAPP) ou «poursuites-bâillons», intentées pour faire taire et intimider les médias et les journalistes indépendants sont vexatoires, qu'elles constituent une attaque directe contre l'exercice des droits et libertés fondamentaux et qu'elles visent à réduire au silence la diversité de la pensée et de l'opinion publique critique, notamment par l'autocensure journalistique. Ils considèrent que les poursuites-bâillons sont particulièrement inquiétantes si elles sont financées directement ou indirectement par les budgets de l'État et si elles sont combinées à d'autres mesures étatiques indirectes et directes contre les médias indépendants, le journalisme indépendant et la société civile.
Situation actuelle dans l'UE
Le rapport souligne que les poursuites-bâillons sont souvent sans fondement, frivoles ou fondées sur des allégations exagérées et souvent abusives. Elles exercent une pression psychologique sur les personnes qu'elles visent ou drainent leurs ressources financières dans le but ultime de les faire chanter et de les contraindre au silence par le biais de la procédure judiciaire elle-même. Les députés ont déclaré que tous les États membres n'ont pas de législation sur les garanties minimales qui protègent les personnes contre le risque de devenir des cibles de telles poursuites et garantissent que leurs droits fondamentaux sont respectés dans toutes les juridictions des États membres. La Commission et les États membres sont invités à élaborer un cadre juridique ambitieux, solide et complet dans sa future «loi sur la liberté des médias».
Les SLAPPs au niveau mondial
Le rapport regrette qu'aucun État membre n'ait jusqu'à présent adopté une législation ciblée pour assurer une protection contre les poursuites-bâillons. Il note cependant que la législation anti-SLAPP est particulièrement bien développée dans certains États des États-Unis et du Canada ainsi qu'en Australie. Il a encouragé la Commission à analyser les meilleures pratiques anti-SLAPP actuellement appliquées en dehors de l'UE, qui pourraient constituer une source d'inspiration précieuse pour les mesures législatives et non législatives de l'Union en la matière. Les députés ont souligné l'importance d'une approche commune de l'Union s'engageant à adopter la législation et les meilleures pratiques les plus ambitieuses actuellement en vigueur pour décourager l'utilisation des SLAPP dans l'Union.
Nécessité d'une action législative
Les députés sont d'accord avec les nombreuses organisations de la société civile - universitaires, juristes et victimes - qui soulignent la nécessité d'une action législative contre le problème croissant des SLAPP.
La Commission est invitée à présenter des propositions pour :
- une législation contraignante de l'Union sur des garanties communes et efficaces pour les victimes de SLAPP dans toute l'Union, y compris par le biais d'une directive établissant des normes minimales de protection contre les SLAPP;
- une législation établissant des garanties communes pour les personnes qui enquêtent et font des rapports sur ces questions d'intérêt public ou les exposent d'une autre manière;
- des mesures pour traiter les cas de SLAPP, telles que des règles de révocation anticipée des SLAPP et autres actions en justice ayant pour but d'empêcher la participation du public, qui devraient inclure des sanctions appropriées telles que des sanctions civiles ou des amendes administratives, la prise en compte des motifs abusifs même si la poursuite ou l'action n'est pas rejetée, et les coûts et les dommages subis par la victime (économiques, réputationnels, psychologiques ou autres).
La Commission est également invitée à sensibiliser les juges et les procureurs de l'UE aux SLAPP.
Mesures non contraignantes possibles
Les députés ont souligné le besoin urgent d'un fonds solide pour soutenir les victimes de SLAPP et les organisations qui les soutiennent, à condition que les fonds soient directement utilisés pour les frais de justice ou la fourniture d'une aide juridique et d'un soutien psychologique.
Complémentarité avec d'autres instruments et politiques
Le rapport considère que les nouvelles mesures législatives et non législatives anti-SLAPP devraient compléter d'autres instruments et politiques de l'UE ; il se félicite de la stratégie de l'Union pour lutter contre la criminalité organisée 2021-2025.