Le Parlement européen a adopté par 578 voix pour, 28 contre et 79 abstentions, une résolution sur les «Pandora Papers» : implications pour les efforts de lutte contre le blanchiment d'argent, la fraude et l'évasion fiscales.
Le texte adopté en plénière avait été déposé en tant que résolution commune par les groupes PPE, S&D, Verts/ALE et The Left.
Les «Pandora Papers» sont une fuite de données massive, d'une ampleur sans précédent, qui recense les bénéficiaires effectifs de sociétés établies dans des juridictions opaques. Cette nouvelle fuite de données concernerait plus de 330 politiciens et fonctionnaires de près de 100 pays, dont 35 chefs d'État ou de gouvernement actuels ou anciens.
Les documents révèlent comment ces personnes ont été aidées par des banques, des comptables et des cabinets d'avocats à concevoir des structures d'entreprise complexes enregistrées dans des juridictions opaques ou des paradis fiscaux, en étroite collaboration avec des prestataires de services professionnels offshore, afin déchapper à une imposition et à un contrôle équitables de leurs revenus et de leur patrimoine. Les activités rapportées dans les Pandora Papers, même si elles ne sont pas toutes illégales en soi, sapparentent souvent à de lévasion fiscale et à une utilisation abusive du secret des affaires.
Considérations générales
Le Parlement a souligné le rôle du journalisme d'investigation international et des lanceurs dalerte dans la dénonciation dactes répréhensibles, de la corruption, de la criminalité organisée, du blanchiment d'argent, notamment de la part de personnes politiquement exposées. Il a souligné la contribution essentielle du journalisme d'investigation à la préservation de la démocratie et de l'État de droit. La résolution a réitéré la nécessité de protéger le journalisme d'investigation contre les poursuites-bâillons, ainsi que contre le harcèlement personnel, l'intimidation et les menaces de mort. Des règles européennes contraignantes offrant une protection solide et cohérente aux médias et aux journalistes indépendants sont indispensables pour mettre fin à ces pratiques abusives.
Des progrès insuffisants
Le Parlement regrette qu'en dépit d'une décennie de scandales fiscaux et de réformes législatives dans l'UE, les Pandora Papers révèlent que les progrès sont insuffisants au niveau mondial pour mettre un frein au secret des affaires et à la fraude et l'évasion fiscales offshore. Il a déploré le fait que les citoyens et les décideurs doivent encore compter sur les fuites de données pour accéder aux informations sur les pratiques offshore opaques.
Les États membres sont invités à progresser dans la mise à disposition du public d'informations sur la propriété effective. La Commission est invitée à examiner les données exposées dans les Pandora Papers et à déterminer s'il convient de prendre d'autres mesures législatives au niveau de l'UE, ainsi qu'à déterminer si des procédures d'exécution sont nécessaires en ce qui concerne la législation actuelle, et à faire rapport au Parlement. Selon les députés, le parquet européen devrait également évaluer si les révélations méritent des enquêtes spécifiques.
Divulgation d'informations
La résolution invite les États membres à s'assurer qu'ils disposent de mesures et de systèmes exigeant des agents publics qu'ils déclarent leurs activités extérieures, leur emploi, leurs investissements, leurs biens et leurs cadeaux ou avantages substantiels dont peut résulter un conflit d'intérêts dans le cadre de leurs fonctions d'agents publics.
Cellules de renseignement financier (CRF) et Autorité de l'UE en matière de lutte contre le blanchiment d'argent
Le Parlement se félicite de la proposition de la Commission d'introduire une interconnexion à l'échelle de l'UE des mécanismes automatisés centralisés contenant des informations sur les paiements et les comptes bancaires par le biais d'un point d'accès unique, afin de faciliter un accès plus rapide des autorités répressives et des CRF aux informations financières, et de faciliter la coopération transfrontalière, dans le respect des règles de protection des données.
Le Parlement a accueilli favorablement la proposition de la Commission d'établir une nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux en tant que superviseur unique de certaines entités assujetties du secteur financier et en tant que mécanisme unique de coordination et de soutien pour les CRF dans l'UE. La nouvelle autorité devrait être mandatée pour mettre en place et gérer un mécanisme de coordination entre les CRF. Elle devrait bénéficier d'une dotation budgétaire plus élevée et être dotée de ressources adéquates pour s'acquitter de ses pouvoirs de surveillance des entités financières et exercer une supervision efficace des entités assujetties non financières.
Europol a été invité à renforcer sa coopération avec les services répressifs des États membres dans le cadre des enquêtes sur les infractions fiscales.
Programmes de citoyenneté et de résidence par investissement
Les États membres sont invités à veiller à ce que tous les programmes existants de citoyenneté par investissement ou de résidence par investissement soient transparents et fondés sur des règles claires. Le Parlement est préoccupé par le fait que tous ces régimes peuvent avoir accru la menace de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale. La Commission est invitée à présenter des propositions visant à réglementer de tels programmes.
Réforme de la liste noire de l'UE
Le Parlement regrette que la liste de l'UE, également appelée liste noire des paradis fiscaux de l'UE, soit restée lettre morte malgré la multiplication des scandales fiscaux et les rapports inquiétants des journalistes et des organisations non gouvernementales. Il regrette que les ministres des finances des États membres n'aient pas encore assumé leurs responsabilités individuelles et conjointes dans la lutte contre les paradis fiscaux, les sociétés offshore et les trusts, et qu'ils se soient plutôt employés à édulcorer la liste noire existante.
Les députés ont relevé que les Îles Vierges britanniques représentent deux tiers des sociétés écran dans les Pandora Papers et ne figurent pourtant pas sur la liste noire de l'UE. Par conséquent, une plus grande transparence est nécessaire sur les critères utilisés pour le processus d'inscription sur la liste. Le Parlement a également souligné que l'inclusion sur la liste noire de l'UE devrait s'accompagner de sanctions qui sont un moyen de dissuasion efficace et qu'une liste révisée devrait être liée à un régime de sanctions.