Fiscalité: règles visant à empêcher l'utilisation abusive des entités écrans à des fins fiscales

2021/0434(CNS)

OBJECTIF : réduire les pertes de recettes fiscales liées à l'évasion et à la fraude fiscales dues à l'utilisation abusive d'entités écrans dans l’UE.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Conseil adopte l’acte après consultation du Parlement européen mais sans être tenu de suivre l'avis de celui-ci.

CONTEXTE : le 18 mai 2021, la Commission européenne a adopté une communication sur la fiscalité des entreprises pour le 21e siècle afin de promouvoir un système de fiscalité des entreprises robuste, efficace et équitable dans l'Union européenne. Elle définit une vision à la fois à long terme et à court terme pour soutenir le redressement de l'Europe après la pandémie de COVID-19 et pour garantir des recettes publiques adéquates au cours des prochaines années. Elle vise à créer un environnement équitable et stable pour les entreprises, susceptible de stimuler une croissance durable et riche en emplois dans l'Union.

La proposition de la Commission répond à une demande du Parlement européen concernant une action de l'UE pour contrer l'utilisation abusive de sociétés écrans à des fins fiscales et, plus généralement, à la demande de plusieurs États membres, d'entreprises et de la société civile en faveur d'une approche européenne plus forte et plus cohérente contre l'évasion et la fraude fiscales.

Cette proposition est l'une des initiatives ciblées à court terme annoncées dans la communication comme un moyen d'améliorer le système fiscal actuel en mettant l'accent sur la garantie d'une fiscalité équitable et efficace. Elle complète un certain nombre d'autres initiatives politiques promues par la Commission en parallèle, à court et à long terme, comme notamment la proposition de directive visant à garantir un niveau minimum global d'imposition des groupes multinationaux dans l'Union.

Pour rappel, les sociétés écrans sont des entités juridiques sans substance commerciale ni activité économique - ou seulement minimale. Elles sont souvent utilisées à des fins de planification fiscale agressive ou d'évasion fiscale. Certaines entreprises peuvent orienter les flux financiers vers des sociétés écrans dans des juridictions qui prévoient une imposition nulle ou très faible ou dans lesquelles les impôts peuvent facilement être contournés. De même, certains particuliers peuvent utiliser des sociétés écrans pour soustraire des actifs - notamment des biens immobiliers - à l'impôt, soit dans leur pays de résidence, soit dans le pays où se trouve le bien.

Le nombre d'entités écrans au sein de l'UE est inconnu. Cela s'explique notamment par le fait qu'il n'existe pas, au sein de l'UE, de définition commune et, par conséquent, pas de statistiques les concernant.

CONTENU : la proposition de la Commission vise à lutter contre l'utilisation abusive d'entités écrans à des fins exclusivement fiscales et, ce faisant, à contribuer à une fiscalité équitable et efficace. Elle établit des indicateurs de substance minimale pour les entreprises des États membres et des règles concernant le traitement fiscal des entreprises qui ne satisfont pas à ces  indicateurs. Elle s'appliquerait à toutes les entreprises qui sont considérées comme des résidents fiscaux et qui peuvent recevoir un certificat de résidence fiscale dans un État membre.

Transparence

La proposition vise à introduire, au sein de l'UE, des règles communes permettant d'identifier les entités fictives présentant un risque élevé d'abus fiscal. Ces règles définiraient des exigences de fond objectives et garantiraient que les entités fictives utilisées à des fins d'abus fiscal puissent être identifiées rapidement. Toutefois, les exigences de fond ne suffisent pas à elles seules à prévenir les abus fiscaux. Pour être efficace, l'initiative fixerait des conséquences fiscales claires, prédéterminées et communes dans toute l'UE afin de prévenir les pertes fiscales et d'empêcher l'arbitrage fiscal et réglementaire dans l'UE.

Indicateurs de substance

La proposition établit un système qui aidera les États membres à identifier les entreprises qui exercent une activité économique, mais qui n'ont pas une substance minimale et sont utilisées abusivement dans le but d'obtenir des avantages fiscaux. En utilisant un certain nombre d'indicateurs objectifs liés aux revenus, au personnel et aux locaux, la proposition aidera les autorités fiscales nationales à détecter les entités qui n'existent que sur le papier.

Critères déterminants

La proposition introduit un système de filtrage pour les entités concernées, qui devront se conformer à un certain nombre d'indicateurs. Ces niveaux d'indicateurs constituent des «critères déterminants». La Commission définit trois critères. Si une entreprise remplit les trois critères, elle serait tenue de communiquer chaque année davantage d'informations aux autorités fiscales par le biais de sa déclaration fiscale.

1. Le premier niveau d'indicateurs examine les activités des entités en fonction des revenus qu'elles perçoivent. Le critère serait rempli si plus de 75% du revenu global d'une entité au cours des deux années fiscales précédentes ne provient pas de l'activité commerciale de l'entité ou si plus de 75% de ses actifs sont des biens immobiliers ou d'autres biens privés de valeur particulièrement élevée.

2. Le deuxième critère requiert un élément transfrontalier. Ce critère serait rempli si la société reçoit la majorité de ses revenus pertinents par le biais de transactions liées à une autre juridiction ou si elle transmet ces revenus pertinents à d'autres sociétés situées à l'étranger.

3. Le troisième critère se concentre sur la question de savoir si les services de gestion et d'administration de l'entreprise sont effectués en interne ou sont externalisés.

Échange d'informations

Les États membres doivent être informés de l'existence d'entités fictives identifiées comme telles dans un autre État membre. Cela permettrait aux autres États membres de prendre des mesures efficaces et rapides pour lutter contre les abus fiscaux transfrontaliers, par exemple en refusant le bénéfice des allègements fiscaux ou les avantages des conventions fiscales en matière de retenues à la source.

La mise à disposition en temps utile d'informations sur l'existence d'entités fictives identifiées, tant au niveau national que dans d'autres États membres, permettrait aux États membres de disposer d'un mécanisme efficace pour prévenir les abus fiscaux liés aux entités fictives dans l'UE. Les États membres échangeraient les informations dans un délai de 30 jours à compter du moment où l'administration dispose de ces informations.

Sanctions

La proposition laisse aux États membres le soin de déterminer les sanctions applicables en cas de violation des obligations de déclaration prévues par le projet de directive tel que transposé dans l'ordre juridique national. Les sanctions devraient être effectives, proportionnées et dissuasives. Un niveau minimal de coordination devrait être atteint entre les États membres par la fixation d'une sanction pécuniaire minimale conformément aux dispositions existantes dans le secteur financier. Les sanctions devraient inclure une sanction administrative pécuniaire d'au moins 5% du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Dissuader les prestataires de services aux sociétés ou aux fiducies de créer des entités fictives dans l'UE

Enfin, la proposition vise à dissuader les prestataires de services aux sociétés ou aux fiducies de créer des entités fictives dans l'UE. Les exigences de fond comprennent des critères qui visent à lutter contre les services que les prestataires de services aux sociétés ou aux fiducies offrent, comme la création d'adresses postales.