L'impact des réformes fiscales nationales sur l'économie de l'UE

2021/2074(INI)

Le Parlement européen a adopté par 469 voix pour, 94 contre et 137 abstentions, une résolution sur l’impact des réformes fiscales nationales sur l’économie de l’UE.

Bien que la politique fiscale relève en grande partie de la responsabilité des États membres, le marché unique exige une harmonisation et une coordination dans la définition de la politique fiscale afin d’accroître l’intégration du marché unique et de prévenir l’érosion des bases d’imposition.

1) Incidences sur les petites et moyennes entreprises (PME)

Les députés estiment que la fragmentation de la politique fiscale crée divers obstacles pour les citoyens et les entreprises dans le marché unique, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), dont notamment une insécurité juridique, un excès de formalités administratives, un risque de double imposition et des difficultés à demander des remboursements d’impôts.

Les coûts induits par le respect des obligations fiscales sont estimés, pour les grandes entreprises multinationales, à environ 2% des impôts acquittés, alors qu’ils s’élèveraient à 30% de ceux-ci pour les PME. Certains États membres ont en effet mis au point des régimes en application desquels les bénéfices réalisés dans un contexte international seraient imposés à un taux inférieur au taux nominal national, ce qui placerait les PME en position de désavantage concurrentiel.

La résolution souligne que les différences entre les régimes fiscaux nationaux peuvent constituer des obstacles pour les PME qui tentent d’exercer leurs activités au-delà des frontières, les PME disposant de moins de ressources que les entreprises multinationales à consacrer au respect des obligations fiscales et à l’optimisation fiscale.

Les députés sont d’avis qu’une harmonisation de l’assiette fiscale, telle que l’assiette commune pour l’impôt sur les sociétés pourrait réduire les coûts de respect des obligations fiscales pour les PME menant des activités dans plus d’un État membre. Ils réaffirment que l’imposition des bénéfices dans le pays où les activités économiques ont lieu permettrait aux pouvoirs publics d’offrir des conditions de concurrence équitables à leurs PME. Ils soulignent la nécessité d’imposer les sociétés en recourant à une formule équitable pour la répartition des droits d’imposition entre les pays, et demandent aux États membres de se mettre rapidement d’accord sur une proposition ambitieuse de corpus réglementaire européen en matière d’impôt sur les sociétés.

La résolution  note également que de nombreux États membres ainsi que l’Union européenne ont mis en place des régimes spécifiques favorables aux PME. Les députés estiment que ce traitement spécial, bien que souhaitable en règle générale, risque, s’il est utilisé à grande échelle, de créer de nouvelles distorsions et de nouvelles possibilités de planification fiscale agressive. Les États membres sont invités à créer des avantages fiscaux pour les PME d’une manière qui soit cohérente avec le régime fiscal global et qui n’encourage pas les PME à conserver une taille modeste.

2) Harmonisation et coordination des politiques fiscales

Le Parlement s’est félicité que l’Union ait mis en place des mécanismes de coordination tels que des procédures d’examen par les pairs au sein du groupe «Code de conduite» et des recommandations par pays dans le cadre du Semestre européen. Il estime que ces deux mécanismes doivent être encore améliorés.

Le Parlement a pris acte des limites du processus actuel de prise de décisions au sein du Conseil pour répondre aux besoins législatifs lorsqu’il s’agit de favoriser la coordination entre les États membres et de lutter contre les pratiques fiscales dommageables. Il a demandé que toutes les possibilités offertes par le traité FUE soient explorées. Il a également souligné que le niveau idéal de coordination des politiques fiscales pour assurer une incidence maximale est la scène internationale, à travers le G20/l’OCDE, rappelant que les propositions fiscales de l’Union fondées sur des accords internationaux ont toujours été plus susceptibles d’être adoptées par le Conseil.

La Commission et les États membres sont appelés à collaborer et à assurer la transposition dans le droit de l’Union de l’accord du cadre inclusif de l’OCDE/G20 qui propose que les entreprises multinationales soient soumises à un taux d’imposition effectif de 15%.

3) Recommandations et domaines de réforme

La résolution souligne que dans les domaines qui revêtent une grande importance pour le fonctionnement du marché unique, notamment la fiscalité et l’union des marchés des capitaux, une plus grande harmonisation se justifie. Les réformes devraient se concentrer sur domaines clés suivants:

Distorsion fiscale en faveur de l’endettement

Les députés ont déploré les incitations fiscales favorisant l’endettement dans le domaine de l’imposition des sociétés, qui permettent des déductions fiscales généreuses sur les paiements d’intérêts, alors qu’il n’existe pas de mécanisme similaire pour déduire les coûts de financement sur fonds propres, ce qui pourrait pousser les entreprises à recourir excessivement à l’endettement.

Les incitations fiscales favorisant l’endettement variant considérablement d’un État membre à l’autre, les députés estiment qu’une approche européenne commune serait préférable afin d’éviter les distorsions au sein du marché unique.

Les députés attendent également avec intérêt i) une proposition de la Commission qui devrait viser à garantir une détermination plus cohérente de la résidence fiscale au sein du marché unique et ii) une proposition d’initiative législative en vue de l’introduction d’un système commun, normalisé et à l’échelle de l’Union pour la réduction de la retenue à la source.

Concurrence des taux d’imposition effectifs marginaux

La résolution constate que le taux d’imposition effectif marginal peut être un facteur déterminant pour les entreprises qui prennent des décisions d’investissement. Compte tenu des différences considérables entre les États membres en ce qui concerne le taux d’imposition effectif marginal, les députés ont invité la Commission à examiner si certains États membres faussent la concurrence en abaissant artificiellement leur taux d’imposition effectif marginal, par exemple par des plans d’amortissements accélérés ou l’adaptation de la déductibilité fiscale de certains postes, et à transmettre ses conclusions au Parlement.

Incitations fiscales à la recherche et au développement

Tout en soulignant que les incitations fiscales en faveur de la recherche et du développement peuvent présenter des avantages pour la société et l’économie, les députés sont préoccupés par le fait que certains types d’incitations fiscales, comme les régimes fiscaux favorables aux brevets ou à la propriété intellectuelle, n’augmentent guère les dépenses consacrées à la recherche et au développement et peuvent en fait fausser le marché unique en incitant au transfert de bénéfices et à la planification fiscale agressive.

Le Parlement a invité la Commission à proposer des lignes directrices sur les incitations fiscales qui n’entraînent pas de distorsion pour le marché unique. Il a estimé qu’une harmonisation plus poussée des incitations fiscales en faveur des dépenses de recherche et développement pourrait se justifier.