Un cadre européen en matière de retenue à la source

2021/2097(INI)

Le Parlement européen a adopté par 625 voix pour, 38 contre et 28 abstentions, une résolution sur un cadre européen en matière de retenue à la source.

Les États membres continuent de perdre des recettes fiscales en raison de pratiques fiscales dommageables et que les estimations des pertes de recettes dues à l’évasion fiscale des entreprises varient entre 36 à 37 milliards d’euros et 160 à 190 milliards d’euros par an.

Malgré les efforts, le système de retenue à la source est resté largement fragmenté entre les États membres en termes de taux et de procédures d’allègement, ce qui a créé des lacunes et une insécurité juridique. En outre que le système actuel est utilisé de manière abusive pour transférer les bénéfices, permet une planification fiscale agressive et crée l’effet indésirable de la double imposition.

Mettre un terme aux pratiques de transfert de bénéfices

Le Parlement s’est félicité des progrès accomplis ces dernières années dans la lutte contre les pratiques fiscales dommageables, tant au niveau de l’Union qu’au niveau international. Il a toutefois souligné qu’une meilleure application de la législation existante est nécessaire et qu’une action législative peut s’avérer utile, parallèlement aux efforts visant à lever les obstacles fiscaux aux investissements transfrontières.

La résolution a salué l’accord auquel le cadre inclusif de l’OCDE et du G20 est parvenu sur une réforme à deux piliers, y compris un taux d’imposition minimal mondial effectif, et s’est félicité que la Commission ait présenté une proposition législative pour la mise en œuvre du deuxième pilier. Le Conseil est invité à adopter rapidement ces propositions, tout en tenant compte de la position du Parlement, afin qu’elles soient effectives en 2023.

Les députés ont rappelé que les retenues à la source peuvent être une mesure défensive prise par les États membres à l’encontre des pays figurant sur la liste de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales. Ils ont demandé que la Commission envisage de présenter une proposition législative qui renforce les mesures défensives coordonnées à l’encontre des pays figurant sur la liste.

Appliquer une retenue à la source dans toute l’Union

La Commission est invitée à présenter une proposition législative en vue d’appliquer une retenue à la source dans toute l’Union et faire ainsi en sorte que les bénéfices générés au sein de l’Union soient imposés au moins une fois avant qu’ils ne quittent son territoire. La Commission devrait inclure dans cette proposition des mesures fortes de lutte contre les abus.

Les députés ont regretté que l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices se poursuivent et soient facilités par l’absence d’une retenue à la source commune sur les paiements sortants à destination des pays tiers, ainsi que par l’absence de règles et de procédures communes qui assurent plus efficacement l’imposition des flux intraeuropéens de dividendes, de redevances et d’intérêts.

La Commission et les États membres  sont invités à mettre en place un cadre commun et normalisé de retenue à la source qui réduise la complexité pour les investisseurs, enraye la pratique du chalandage fiscal et garantisse que tous les dividendes, intérêts, plus-values, paiements de redevances, paiements de services professionnels et paiements contractuels pertinents générés dans l’Union soient imposés à un taux effectif.

Les députés ont invité la Commission à analyser la question de l’absence d’un taux d’imposition minimum effectif sur les paiements de dividendes aux actionnaires et à évaluer les meilleures options législatives pour y remédier, y compris la possibilité de réviser la directive «mères-filiales».

Intensifier la lutte contre l’arbitrage de dividendes

Les députés ont rappelé que les systèmes «CumEx» et «CumCum» impliquent tous deux des récupérations de la retenue à la source sur les dividendes auxquelles les bénéficiaires n’avaient pas droit et ont représenté pour les contribuables un coût total estimé à environ 140 milliards d’euros entre 2000 et 2020. Le Parlement a invité la Commission à évaluer d’éventuelles solutions qui permettraient de lutter contre ces systèmes qui continuent d’être exploités aux dépens des fonds publics européens.

La Commission est invitée à :

- analyser si le règlement sur les abus de marché a été violé et à examiner s'il est nécessaire de le modifier;

- proposer des mesures pour renforcer la coopération et l’assistance mutuelle entre les autorités fiscales, les autorités de surveillance des marchés financiers et, le cas échéant, les services répressifs en ce qui concerne la détection des systèmes de remboursement des retenues à la source et les poursuites à leur encontre;

- élaborer des mesures appropriées pour prévenir leur rôle des intermédiaires dans la facilitation des abus fiscaux et de l’évasion fiscale;

- étendre l’échange obligatoire d’informations aux montages d’arbitrage de dividendes et à toutes les informations sur les plus-values de capitaux, y compris l’octroi de remboursements d’impôt sur les dividendes et sur les plus-values de capitaux.

Supprimer les obstacles aux investissements transfrontières dans le marché unique

Les députés se sont félicités de l’intention de la Commission de présenter, d’ici la fin de 2022, une proposition établissant un système commun et standardisé de retenue à la source, assorti d’un mécanisme d’échange d’informations et de coopération entre les administrations fiscales des États membres. Ils ont demandé à la Commission de s’efforcer également de remédier aux différences de taux de retenue à la source au sein de l’Union.

La Commission est invitée à :

- présenter une procédure commune et normalisée de l’UE pour les remboursements de retenues à la source pour tous les États membres;

- introduire, dans le cadre de cette harmonisation, des règles en matière d’exonérations et de déductions, et à s’attaquer à l’absence actuelle de définition uniforme du concept de «bénéficiaire effectif», à l’absence d’alignement des délais pour la demande et le remboursement, ainsi qu’aux barrières linguistiques;

- prendre en considération les solutions numériques existantes dans les États membres, à évaluer la façon d’exploiter les technologies des chaînes de blocs pour éviter l’évasion et la fraude fiscale, dans le plein respect des règles de l’UE en matière de protection des données, et à envisager la mise sur pied d’un projet pilote.

Les députés se sont félicités de l’option proposée par la Commission de mettre en place un véritable système commun de dégrèvement à la source de l’Union, qui pourrait constituer une solution fiable à long terme.