Le droit d'initiative du Parlement

2020/2132(INI)

Le Parlement européen a adopté par 420 voix pour, 117 contre et 35 abstentions, une résolution sur le droit d’initiative du Parlement.

Droits d’initiative directs du Parlement prévus par les traités

Les députés regrettent que le Parlement, bien qu’étant la seule institution de l’Union élue au suffrage direct, ne dispose pas d’un droit d’initiative direct général.

Dans le cadre institutionnel actuel, les procédures législatives spéciales où des droits d’initiative directs s’exercent présentent un caractère constitutionnel particulier et priment les procédures législatives ordinaires. Le Parlement regrette toutefois que trop souvent, ces procédures législatives spéciales n’aient pas été menées à terme à cause de l’absence d’accord entre la Commission et le Conseil.

Soulignant que le Parlement a fait usage de son droit d’initiative en lançant une procédure de sauvegarde de l’état de droit au titre de l’article 7 du traité UE, les députés ont condamné le manque de suivi, par le Conseil, de cette procédure et des appels à agir lancés à maintes reprises par le Parlement. Ils ont déploré l’absence de réponse appropriée à l’initiative du Parlement relative à la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux et demandé une nouvelle fois à la Commission et au Conseil d’engager sans délai des négociations avec le Parlement sur un accord interinstitutionnel.

Le Parlement a également regretté que trois États membres n’aient toujours pas ratifié la loi électorale modifiée de l’Union européenne, adoptée en 2018 et a déploré que le Conseil ait jusqu’à présent refusé toute négociation avec le Parlement concernant son droit d’enquête.

Droit d’initiative indirect du Parlement prévu par les traités

Le Parlement rappelle qu’il dispose depuis le traité de Maastricht, en vertu de sa légitimité démocratique unique, du droit de demander à la Commission de soumettre des propositions législatives, conformément à l’article 225 du traité FUE.

Cependant, la plupart des rapports d’initiative législative adoptés depuis 2011 n’ont pas donné lieu à un suivi de la part de la Commission sous la forme d’une proposition appropriée jusqu’en 2019. Les députés regrettent en outre que la Commission n’ait généralement pas respecté les délais qui lui incombent pour répondre aux demandes du Parlement et soumettre des propositions législatives.

Le Parlement estime que le moment est venu de faire preuve d’une volonté politique plus ambitieuse et appelle donc à examiner la possibilité d’une révision de l’accord interinstitutionnel de 2010 dans le but de garantir un renforcement des droits d’initiative du Parlement.

Les députés attendent de la Commission qu’elle respecte son engagement de présenter une initiative législative à la suite de l’adoption de toute demande en ce sens du Parlement, adoptée par la majorité des députés qui le composent dans le cadre d’un rapport d’initiative législative. Cet engagement devrait être renforcé, de même que le pouvoir du Parlement d’influencer le programme de l’Union. Le suivi des initiatives citoyennes européennes (ICE) devrait également être amélioré.

Avenir des droits d’initiative du Parlement

Les députés sont convaincus qu’un droit d’initiative général et direct renforcerait encore la légitimité démocratique de l’Union et que le Parlement, seule institution de l’Union directement élue par les citoyens, devrait se voir conférer le droit d’initiative législative au moyen d’une révision des traités. Ce droit d’initiative devrait au moins s’appliquer dans les domaines politiques dans lesquels le Parlement dispose du pouvoir de légiférer en tant que colégislateur.

Les députés relèvent que les droits d’initiative actuels du Parlement englobent différentes procédures législatives spéciales, comme dans le cas des règlements relatifs à sa propre composition, à l’élection de ses députés et à leur statut, au statut du Médiateur européen ainsi qu’au droit d’enquête du Parlement. Étant donné que ces procédures ne sont guère encadrées par les traités, le Parlement réclame un nouvel accord interinstitutionnel entre les trois institutions, qui traite exclusivement de ce sujet.

Selon la résolution, l’attribution d’un droit d’initiative direct au Parlement n’empêcherait pas la Commission de conserver un droit d’initiative parallèle, voire le monopole de l’initiative, par exemple en matière budgétaire. Le Conseil pourrait également disposer d’un droit d’initiative direct dans des domaines strictement définis. Les trois institutions sont invitées à réfléchir à la manière dont des droits d’initiative parallèles pourraient effectivement coexister et être appliqués dans la pratique.

Les députés ont demandé une évaluation conjointe du fonctionnement de l’accord-cadre de 2010 et de la nécessité d’une révision ciblée afin de garantir que ses dispositions et échéances relatives au droit d’initiative indirect du Parlement puissent être effectivement respectées. Ils ont également demandé au Conseil et à la Commission d’évaluer, de concert avec le Parlement, dans quelle mesure l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» devrait être révisé afin d’éliminer les éventuels obstacles au pouvoir du Parlement de proposer des initiatives législatives.

Droits d’initiative du Conseil et du Conseil européen prévus par les traités

Les députés regrettent que, dans le domaine de la politique économique et monétaire, l’article 121 du traité FUE ne prévoie que l’information du Parlement. Ils constatent en outre que l’article 68 du traité FUE sert de justification à un droit d’initiative de fait du Conseil européen dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice. De même, l’article 76 du traité FUE attribue au Conseil, sur proposition d’un quart des États membres, un droit d’initiative parallèle à celui de la Commission pour ce qui concerne les coopérations administrative, policière et judiciaire en matière pénale.

Ces évolutions s’inscrivent dans le cadre d’une tendance plus large à un déséquilibre croissant entre le Conseil, le Conseil européen et la Commission en ce qui concerne le pouvoir de décision dans tous les domaines d’action, à des degrés divers. Les députés estiment que l’équilibre institutionnel de l’Union devrait être rétabli en faveur de la légitimité démocratique au moyen de droits équivalents en faveur du Parlement.