Le Parlement européen a adopté par 364 voix pour, 154 contre et 37 abstentions, une résolution sur les menaces mondiales pour le droit à l'avortement : démantèlement possible du droit à l'avortement aux États-Unis par la Cour suprême.
La résolution avait été déposée par les groupes PPE, S&D, Renew, Verts/ALE, The Left et députés.
Selon l'OMS, l'avortement est un élément indispensable dun système intégral de soins de santé et environ 45% de tous les avortements sont dangereux, dont 97% ont lieu dans les pays en développement.
Pour rappel, larrêt historique dans laffaire Roe contre Wade, rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973, fait jurisprudence, confirmée par la suite dans les arrêts Planned Parenthood contre Casey (1972) et Whole Womans Health contre Hellerstedt (2016), garantissant ainsi, aux États-Unis, le droit constitutionnel à un avortement légal avant le seuil de viabilité ftale.
Un projet préliminaire davis majoritaire de la Cour suprême des États-Unis, tel quil a fuité dans la presse, indique que la Cour suprême sapprêterait à annuler larrêt Roe contre Wade et rendre ainsi caducs certains droits constitutionnels aux États-Unis. La Cour suprême devrait rendre une décision finale avant la fin du mois de juin 2022. Le projet d'avis en question formule les conclusions les plus contraires au droit à lavortement que pouvait rendre la Cour suprême, en ce quil permettrait aux États dinterdire lavortement à tout moment de la grossesse et ouvre la possibilité à une interdiction totale, ce qui priverait, aux États-Unis, les femmes et les filles des protections que leur confèrent leurs droits actuels.
Le Texas a récemment adopté le projet de loi SB 8 du Sénat, qui interdit l'avortement après le début des impulsions cardiaques du ftus, c'est-à-dire après environ six semaines de grossesse, sans exception en cas de viol, d'inceste ou d'état de santé du ftus incompatible avec une vie durable après la naissance.
La décision d'annuler le jugement Roe v Wade pourrait encourager les mouvements qui sopposent à la liberté des femmes de disposer de leur corps à faire pression sur des gouvernements et des tribunaux en dehors des États-Unis pour quils remettent en cause le droit à lavortement et les importants progrès accomplis ces dernières décennies, qui ont vu plus de 60 pays réformer leurs lois et politiques en matière davortement pour lever les restrictions et les obstacles.
Presque tous les décès dus à des avortements à risque surviennent dans des pays où l'avortement est sévèrement limité. On estime que le nombre annuel de décès maternels aux États-Unis dus à des avortements à risque augmenterait de 21% dès la deuxième année suivant l'entrée en vigueur de l'interdiction.
La résolution a souligné que la montée de l'extrême droite contribue également à ce recul du droit des femmes à l'avortement, qui se manifeste dans le monde entier.
Le Parlement a condamné fermement le recul des droits des femmes et de la santé sexuelle et reproductive dans le monde, y compris aux États-Unis et dans certains États membres de l'UE. Il a exprimé sa ferme solidarité et son soutien aux femmes et aux jeunes filles des États-Unis, ainsi qu'à ceux qui sont impliqués dans la défense du droit et de l'accès à l'avortement légal et sûr dans des circonstances aussi difficiles.
Les députés ont rappelé à la Cour suprême des États-Unis l'importance de maintenir l'affaire historique Roe v Wade (1973) et les protections constitutionnelles du droit à l'avortement qui en découlent aux États-Unis. Ils ont demandé que des mesures soient prises pour sauvegarder le droit à un avortement sûr et légal aux États-Unis et que les États-Unis s'abstiennent de tout retour en arrière. Les autorités américaines compétentes sont invitées à dépénaliser totalement l'accès à l'avortement et la fourniture de services d'avortement, à garantir des services de santé sexuelle et reproductive sûrs, légaux, gratuits et de qualité sur leur territoire et à les rendre facilement accessibles à toutes les femmes et les jeunes filles.
En outre, le Texas est invité à abroger rapidement son projet de loi 8 du Sénat et l'Idaho et l'Oklahoma sont invités à abroger leurs lois similaires. Le Parlement a appelé les 26 États américains ayant des lois de déclenchement et des mesures concernant l'interdiction et les restrictions de l'avortement à les abroger et à veiller à ce que leur législation soit conforme aux droits humains des femmes protégés au niveau international et aux normes internationales en matière de droits humains.
Le président Joe Biden et son administration sont encouragés à renforcer leurs efforts et à continuer à soutenir le droit à l'avortement et à garantir l'accès à un avortement sûr et légal.
Le gouvernement américain est invité à :
- redoubler defforts pour faire en sorte que lavortement et la contraception soient intégrés dans les informations, léducation et les services adaptés à lâge et complets dispensés en matière de santé et de droits sexuels et génésiques, et soient accessibles à tous;
- garantir des protections fédérales, constitutionnelles et légales adéquates pour le droit d'interrompre une grossesse;
- supprimer tous les obstacles aux services d'avortement, y compris le consentement de tiers ou la notification, les délais dattente obligatoires et lautorisation de juges ou de groupes médicaux, et à garantir un accès rapide aux soins davortement dans tout le pays;
- veiller à ce que les lois et politiques relatives à la protection des données soient conformes aux normes internationales en matière de droits de l'homme et garantir que le traitement des informations personnelles sensibles, telles que les données et informations relatives à la santé, respecte les droits des personnes. Les services de distribution numérique devraient veiller à ce que toutes les applications respectent les lois sur l'utilisation et la protection des données.
Pour leur part, l'UE et ses États membres devraient :
- offrir tout le soutien possible, y compris financier, aux organisations de la société civile basées aux États-Unis qui protègent, promeuvent et fournissent des services de santé sexuelle et reproductive dans le pays, afin d'exprimer leur engagement indéfectible envers ces droits;
- offrir un refuge à tous les professionnels de la santé qui risquent d'être victimes de persécutions juridiques ou d'autres formes de harcèlement en raison de leur travail légitime de fourniture de soins liés à l'avortement;
- utiliser tous les instruments à leur disposition pour renforcer leurs actions visant à contrer le recul des droits des femmes et de la santé sexuelle et reproductive;
- dépénaliser l'avortement et supprimer et combattre les obstacles à un avortement sûr et légal et à l'accès aux soins et services de santé sexuelle et reproductive;
- garantir l'accès à des services d'avortement sûrs, légaux et gratuits, à des services et fournitures de santé prénatale et maternelle, à la planification familiale volontaire, à la contraception, à des services adaptés aux jeunes, ainsi qu'à la prévention, au traitement, aux soins et à l'assistance en matière de VIH, sans discrimination.