La santé mentale dans le monde du travail numérique

2021/2098(INI)

Le Parlement européen a adopté par 501 voix pour, 47 contre et 85 abstentions, une résolution sur la santé mentale dans le monde du travail numérique.

La santé mentale et le travail numérique: enseignements tirés de la pandémie de COVID-19

Les députés soulignent que la pandémie de COVID-19 et la crise économique qui s’est ensuivie ont fortement mis à mal la santé mentale et le bien-être de tous les citoyens, mais tout particulièrement des salariés, des travailleurs indépendants, des jeunes, des étudiants et des personnes âgées, avec une prévalence croissante des risques psychosociaux liés au travail et des taux de stress, d’anxiété et de dépression accrus.

Déplorant que la santé mentale n’ait pas été traitée en priorité au même titre que la santé physique,  le Parlement a invité les institutions et les États membres de l’Union à prendre acte de l’ampleur des problèmes de santé mentale liés au travail dans l’Union et à s’engager résolument en faveur de mesures visant à réglementer et à mettre en place un environnement de travail numérique qui contribue à prévenir les problèmes de santé mentale, à protéger la santé mentale et un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée et à renforcer les droits en matière de protection sociale sur le lieu de travail.

Une stratégie de l’Union pour la santé mentale devrait avoir pour objectif d’exiger des États membres i) qu’ils intègrent la santé mentale à la santé physique en raison de leur étroite corrélation, ii) qu’ils dispensent des soins efficaces, fondés sur des données probantes et les droits humains, iii) qu’ils augmentent le nombre de services de manière à ce que davantage de personnes puissent avoir accès au traitement, et iv) qu’ils aident les personnes à trouver ou à conserver un emploi, entre autres initiatives.

Saluant les travailleurs essentiels et de première ligne, qui ont renoncé à leur propre bien-être pour contribuer à sauver des vies pendant la pandémie, les députés ont invité la Commission à accorder une attention particulière au personnel essentiel et de première ligne dans ses prochaines propositions sur la santé mentale au travail.

La transition numérique et la santé mentale

Compte tenu du fait que la transformation numérique peut conduire à l’isolement et à l’exclusion sociale, les députés ont souligné qu’il importe que tous les travailleurs, et en particulier les plus âgés ou les personnes handicapées, puissent avoir accès à l’éducation tout au long de la vie et à une formation professionnelle adaptée à leurs besoins individuels.

Les députés ont fait remarquer que l’intelligence artificielle (IA) est susceptible d’améliorer les conditions de travail et la qualité de la vie, notamment en ce qui concerne l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et une meilleure accessibilité pour les personnes handicapées. Ils ont toutefois prévenu que l’IA peut également susciter des inquiétudes concernant le respect de la vie privée, la santé et la sécurité au travail.

Le Parlement a souligné que les solutions d’IA sur le lieu de travail doivent être transparentes et équitables et éviter toute conséquence négative pour la santé et la sécurité des travailleurs, et qu’elles doivent faire l’objet de négociations entre les employeurs et les représentants des travailleurs, y compris les syndicats. Il a invité, à cet égard, la Commission et les États membres à élaborer une proposition législative sur l’IA au travail visant à garantir une protection des droits et du bien-être des travailleurs, y compris de leur santé mentale, et des droits fondamentaux, tels que la non-discrimination, le respect de la vie privée et la dignité humaine, dans un lieu de travail de plus en plus numérisé.

Soulignant que seuls 60% des États membres disposent d’une législation spécifique pour lutter contre les intimidations et la violence au travail, les députés ont invité la Commission et les États membres à proposer des mesures obligatoires ciblées pour combattre et faire reculer ce problème grandissant au travail.

Le Parlement a pris acte du passage au télétravail pendant la pandémie et de la flexibilité qu’il a apportée à un grand nombre de salariés et aux travailleurs indépendants. Il a toutefois reconnu que le télétravail s’est également accompagné de difficultés, tout particulièrement pour les personnes les plus défavorisées et les ménages monoparentaux.

La Commission est invitée à :

- proposer un cadre législatif pour établir des exigences minimales en matière de télétravail dans l’ensemble de l’Union, sans porter atteinte aux conditions de travail des télétravailleurs. Un tel cadre législatif devrait préciser les conditions de travail et veiller à ce que ce mode de travail soit volontaire et à ce que les droits, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la charge de travail et les normes de performance des télétravailleurs soient équivalents à ceux de travailleurs comparables exerçant sur le lieu de travail;

- proposer, en consultation avec les partenaires sociaux, une directive établissant des normes et conditions minimales afin de garantir que tous les travailleurs soient en mesure d’exercer effectivement leur droit à la déconnexion, et de réglementer l’utilisation des outils numériques existants et nouveaux à des fins professionnelles.

Le télétravail n’est pas encore accessible à tous les travailleurs. En vue de lutter contre la fracture numérique en Europe, les députés ont préconisé des investissements plus ciblés concernant la fourniture de compétences numériques, en particulier pour les groupes les plus exclus du numérique. Ils ont demandé à la Commission et aux États membres de prévoir des mesures en matière d’accessibilité et de technologies inclusives pour les personnes handicapées.

La santé et la sécurité au travail

Le Parlement a demandé que les lieux de travail facilitent l’accès aux services de soutien à la santé mentale et aux services externes ainsi qu’à la prévention, à la détection précoce et au traitement des employés susceptibles de souffrir de troubles mentaux et qu’ils mettent en place des plans de prévention des risques pour la santé mentale en entreprise. Il a souligné l’importance d’inclure une politique de lutte contre le harcèlement dans les mesures de santé et de sécurité dans le monde du travail numérique et d’aider les entreprises à mettre en place des politiques de lutte contre le harcèlement.

La Commission est invitée à  mettre en place des mécanismes visant à prévenir l’anxiété, la dépression et l’épuisement professionnel et à permettre la réinsertion sur le lieu de travail des personnes affectées par des problèmes psychosociaux.

Un monde du travail moderne pour le bien-être des travailleurs

La Commission est encouragée à lancer des initiatives de formation et de sensibilisation en matière de santé mentale sur le lieu de travail et dans les programmes scolaires, à mobiliser des fonds de l’Union pour la création de plateformes et d’applications numériques dans le domaine de la santé mentale, à étudier la faisabilité de la mise en place d’une ligne d’assistance téléphonique commune à l’Union pour le soutien en matière de santé mentale et à proclamer 2023 «Année européenne de la bonne santé mentale». Les États membres sont invités à évaluer la possibilité de créer, au niveau local ou régional, des services de médiation en matière de risques psychosociaux.

Rappelant qu’en 2021, 64% des jeunes âgés de 18 à 34 ans étaient exposés à un risque de dépression du fait du manque d’emplois et de l’absence de perspectives financières et éducatives, ainsi qu’en raison de la solitude et de l’isolement social, le Parlement a invité la Commission à se pencher sur la question de l’interruption de l’accès au marché du travail qui représente pour les jeunes un risque accru de troubles de la santé mentale et à prendre des mesures pour aider les jeunes à accéder à un emploi adéquat et à le conserver.