Le Parlement européen a adopté par 501 voix pour, 47 contre et 85 abstentions, une résolution sur la santé mentale dans le monde du travail numérique.
La santé mentale et le travail numérique: enseignements tirés de la pandémie de COVID-19
Les députés soulignent que la pandémie de COVID-19 et la crise économique qui sest ensuivie ont fortement mis à mal la santé mentale et le bien-être de tous les citoyens, mais tout particulièrement des salariés, des travailleurs indépendants, des jeunes, des étudiants et des personnes âgées, avec une prévalence croissante des risques psychosociaux liés au travail et des taux de stress, danxiété et de dépression accrus.
Déplorant que la santé mentale nait pas été traitée en priorité au même titre que la santé physique, le Parlement a invité les institutions et les États membres de lUnion à prendre acte de lampleur des problèmes de santé mentale liés au travail dans lUnion et à sengager résolument en faveur de mesures visant à réglementer et à mettre en place un environnement de travail numérique qui contribue à prévenir les problèmes de santé mentale, à protéger la santé mentale et un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée et à renforcer les droits en matière de protection sociale sur le lieu de travail.
Une stratégie de lUnion pour la santé mentale devrait avoir pour objectif dexiger des États membres i) quils intègrent la santé mentale à la santé physique en raison de leur étroite corrélation, ii) quils dispensent des soins efficaces, fondés sur des données probantes et les droits humains, iii) quils augmentent le nombre de services de manière à ce que davantage de personnes puissent avoir accès au traitement, et iv) quils aident les personnes à trouver ou à conserver un emploi, entre autres initiatives.
Saluant les travailleurs essentiels et de première ligne, qui ont renoncé à leur propre bien-être pour contribuer à sauver des vies pendant la pandémie, les députés ont invité la Commission à accorder une attention particulière au personnel essentiel et de première ligne dans ses prochaines propositions sur la santé mentale au travail.
La transition numérique et la santé mentale
Compte tenu du fait que la transformation numérique peut conduire à lisolement et à lexclusion sociale, les députés ont souligné quil importe que tous les travailleurs, et en particulier les plus âgés ou les personnes handicapées, puissent avoir accès à léducation tout au long de la vie et à une formation professionnelle adaptée à leurs besoins individuels.
Les députés ont fait remarquer que lintelligence artificielle (IA) est susceptible daméliorer les conditions de travail et la qualité de la vie, notamment en ce qui concerne léquilibre entre vie professionnelle et vie privée et une meilleure accessibilité pour les personnes handicapées. Ils ont toutefois prévenu que lIA peut également susciter des inquiétudes concernant le respect de la vie privée, la santé et la sécurité au travail.
Le Parlement a souligné que les solutions dIA sur le lieu de travail doivent être transparentes et équitables et éviter toute conséquence négative pour la santé et la sécurité des travailleurs, et quelles doivent faire lobjet de négociations entre les employeurs et les représentants des travailleurs, y compris les syndicats. Il a invité, à cet égard, la Commission et les États membres à élaborer une proposition législative sur lIA au travail visant à garantir une protection des droits et du bien-être des travailleurs, y compris de leur santé mentale, et des droits fondamentaux, tels que la non-discrimination, le respect de la vie privée et la dignité humaine, dans un lieu de travail de plus en plus numérisé.
Soulignant que seuls 60% des États membres disposent dune législation spécifique pour lutter contre les intimidations et la violence au travail, les députés ont invité la Commission et les États membres à proposer des mesures obligatoires ciblées pour combattre et faire reculer ce problème grandissant au travail.
Le Parlement a pris acte du passage au télétravail pendant la pandémie et de la flexibilité quil a apportée à un grand nombre de salariés et aux travailleurs indépendants. Il a toutefois reconnu que le télétravail sest également accompagné de difficultés, tout particulièrement pour les personnes les plus défavorisées et les ménages monoparentaux.
La Commission est invitée à :
- proposer un cadre législatif pour établir des exigences minimales en matière de télétravail dans lensemble de lUnion, sans porter atteinte aux conditions de travail des télétravailleurs. Un tel cadre législatif devrait préciser les conditions de travail et veiller à ce que ce mode de travail soit volontaire et à ce que les droits, léquilibre entre vie professionnelle et vie privée, la charge de travail et les normes de performance des télétravailleurs soient équivalents à ceux de travailleurs comparables exerçant sur le lieu de travail;
- proposer, en consultation avec les partenaires sociaux, une directive établissant des normes et conditions minimales afin de garantir que tous les travailleurs soient en mesure dexercer effectivement leur droit à la déconnexion, et de réglementer lutilisation des outils numériques existants et nouveaux à des fins professionnelles.
Le télétravail nest pas encore accessible à tous les travailleurs. En vue de lutter contre la fracture numérique en Europe, les députés ont préconisé des investissements plus ciblés concernant la fourniture de compétences numériques, en particulier pour les groupes les plus exclus du numérique. Ils ont demandé à la Commission et aux États membres de prévoir des mesures en matière daccessibilité et de technologies inclusives pour les personnes handicapées.
La santé et la sécurité au travail
Le Parlement a demandé que les lieux de travail facilitent laccès aux services de soutien à la santé mentale et aux services externes ainsi quà la prévention, à la détection précoce et au traitement des employés susceptibles de souffrir de troubles mentaux et quils mettent en place des plans de prévention des risques pour la santé mentale en entreprise. Il a souligné limportance dinclure une politique de lutte contre le harcèlement dans les mesures de santé et de sécurité dans le monde du travail numérique et daider les entreprises à mettre en place des politiques de lutte contre le harcèlement.
La Commission est invitée à mettre en place des mécanismes visant à prévenir lanxiété, la dépression et lépuisement professionnel et à permettre la réinsertion sur le lieu de travail des personnes affectées par des problèmes psychosociaux.
Un monde du travail moderne pour le bien-être des travailleurs
La Commission est encouragée à lancer des initiatives de formation et de sensibilisation en matière de santé mentale sur le lieu de travail et dans les programmes scolaires, à mobiliser des fonds de lUnion pour la création de plateformes et dapplications numériques dans le domaine de la santé mentale, à étudier la faisabilité de la mise en place dune ligne dassistance téléphonique commune à lUnion pour le soutien en matière de santé mentale et à proclamer 2023 «Année européenne de la bonne santé mentale». Les États membres sont invités à évaluer la possibilité de créer, au niveau local ou régional, des services de médiation en matière de risques psychosociaux.
Rappelant quen 2021, 64% des jeunes âgés de 18 à 34 ans étaient exposés à un risque de dépression du fait du manque demplois et de labsence de perspectives financières et éducatives, ainsi quen raison de la solitude et de lisolement social, le Parlement a invité la Commission à se pencher sur la question de linterruption de laccès au marché du travail qui représente pour les jeunes un risque accru de troubles de la santé mentale et à prendre des mesures pour aider les jeunes à accéder à un emploi adéquat et à le conserver.